Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le champion » de Mark Robson.
« Ce gars-là ne sait pas boxer. Mais il sait encaisser. »
Venu avec son frère à Los Angeles pour s’occuper d’un restaurant, Midge Kelly rencontre Tommy Haley, un manager qui va lui apprendre l’art de la boxe. Prêt à tout pour réussir, dénué de scrupules, Midge va devenir un champion. Mais le prix à payer sera très élevé.
« J’en ai marre d’être traité comme un larbin par tout le monde. Je veux qu’on m’appelle Monsieur. Et avec du fric, on me respectera ! »
A Hollywood plus qu'ailleurs, une carrière d'acteur se joue souvent à peu de choses. Une rencontre, parfois. Le choix d’un rôle plutôt qu’un autre. Un simple détail. En 1948, Kirk Douglas n'est pas encore la star qu'il deviendra au cours de la décennie suivante. Loin de là. Il est alors un jeune acteur montant remarqué pour ses seconds rôles chez Jacques Tourneur (« La griffe du passé », 1947) ou Joseph Mankiewicz (« Chaines conjugales », 1949). Mais alors qu'on lui propose un rôle secondaire dans une grosse superproduction, il fait le choix - courageux - de privilégier le premier rôle que lui propose alors Mark Robson - ancien illustre monteur de la RKO fraichement reconverti réalisateur de séries B (il signera notamment « La nouvelle aurore », « L’enfer au-dessous de zéro », « Les ponts du Toko Ri », « Plus dure sera la chute ») - dans son nouveau film produit par le producteur indépendant Stanley Kramer. Un choix audacieux qui s'avérera payant puisque le succès inattendu du film fera de Douglas une star, lui permettant de décrocher sa première nomination aux Oscars et lui ouvrant la voie à des premiers rôles dans des films de premier plan.
« On obtient tout avec de l’argent. Même le pardon »
« Le champion » est ainsi le portrait réaliste de l’ascension d’un boxeur de premier plan. Un homme du peuple, venu des classes les populaires et qui gagnera sur le ring, à la force de ses poings et dans le sang le droit de s’élever dans la hiérarchie pugiliste. Et, par voie de conséquence, dans la hiérarchie sociale. En pleine vogue du film de boxe (« Gentleman Jim », « Nous avons gagné ce soir », « Marqué par la haine »), « Le champion » se distingue à l’évidence par l’efficacité de sa mise en scène et la grande volonté de réalisme apportée à ses scènes de combat. Mais plus encore, il est marquant du fait de son héros bigger than life qui, mû par la frustration et un immense désir de revanche, ira défier son destin pour gagner la respectabilité et le statut qu’il pense mériter. Un désir de conquête qui laissera éclater au grand jour sa face sombre, emprunte de cruauté, d’égoïsme et de mégalomanie. Surtout, « Le champion » brille par ce qu’il dit de l’Amérique dont il esquisse un portrait glaçant et dramatique. Comme si le rêve américain avait été dévoyé à force de cynisme et de cupidité (ce n’est plus l’exploit physique qui compte, mais l’argent qu’il génère), la boxe symbolisant l’avènement d’une société violente et exténuante, en compétition permanente, où chaque victoire se paye au prix fort et, surtout, dont on ne ressort pas indemne. Tel un engrenage pernicieux duquel il est impossible de se soustraire. Le tout sous le regard malsain d’un public se délectant du sang versés par ces gladiateurs modernes. Bien entouré par des seconds rôles de prestige (le formidable Arthur Kennedy notamment, Lola Albright), Kirk Douglas trouve là un rôle à la mesure de son immense talent, passant en un éclair du personnage lumineux et enthousiaste au monstre cynique et glacial. Brillant.
***
Le blu-ray : Le film est présenté dans une version restaurée dans un Master Haute-Définition, et proposé en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Le Champion », entretien avec Séverine Danflous (23 min.).
Édité par Rimini Editions, « Le champion » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 25 août 2020.
La page Facebook de Rimini Editions est ici.