Roland Joffé en mode David Lean… des faiblesses en sus
En 1750, le prêtre Gabriel évangélise les peuples indiens d’Amérique du Sud en créant des missions jésuites. Il leur permet, au-delà de l’accession à la foi, de gagner leur liberté. En les convertissant, il en fait des êtres dotés d’une âme et leur permet de sortir de leur statut de sauvages que l’on peut faire travailler et vendre comme des bêtes de somme. Toutes ces actions menées aux quatre coins du globe seront salués par les intellectuels de l’époque, Montesquieu, Voltaire, Diderot. Les penseurs des Lumières salueront même cet élan égalitaire, forme de communisme théocratique ; eux qui pouvaient être si anticléricaux. L’Histoire retiendra, et c’est ce que Roland Joffé va montrer dans ce film, que l’Eglise va lâcher ces missions jésuites sous la pression du pouvoir portugais et espagnols porté par des désirs expansionnistes qui nécessite de la main d’œuvre gratuite. Et laisser les Guaranis au rang de sauvages permet de continuer leur exploitation en tant qu’esclaves. Le Pape sera complice du démantèlement de ces missions afin de conserver un ersatz de pouvoir dans les cours d’Europe même si cette expérience était bénéfique et chrétienne. Aidé au scénario par Robert Bolt (« Docteur Jivago » ; « Laurence d’Arabie » ; « La fille de Ryan » ;…), Roland Joffé livre donc un film éminemment politique et une réflexion sur le pouvoir, la violence, la tolérance et la rédemption. Le message humaniste et pacifiste est donc fort. On peut tout de même voir quelques maladresses et défauts dans un film un trop manichéen. Très mécanique, il révèle une réalité simplifiée et parfois simpliste. Soutenir aveuglement l'image des « missions », protectorat certes, mais religieux où la culture du gentil sauvage est doucement effacée par la foi occidentale. Auréolé de Palme d’Or, celle-ci est à classer dans les Palmes sans aspérité, académique, car porté par une volonté commerciale affichée. Le choix des chutes d’Iguaza comme lieu de tournage en sont aussi un des révélateurs ; elles permettent malgré tout une photographie qui restera longtemps imprégnée sur nos rétines. La beauté des images donc, mais aussi l’interprétation de deux très grands acteurs (Irons et De Niro) permettront aussi deux scènes d’anthologie, le final mais aussi la longue marche de Mendoza vers la rédemption. Si la Palme d’Or est contestable et je vous invite à consulter la sélection de la compétition de ce millésime ; comment le regretté Ennio Morricone a-t-il pu être privé de l’Oscar de la bande originale ? Ses compositions sont tout bonnement magiques, nous transportent et nous émeuvent de bout en bout.
Un film à voir, les faiblesses seront gommées par l’interprétation, la musique et la photographie.
Sorti en 1986
Ma note: 14/20