Enfin pourrait-on dire, enfin le retour de David Fincher ! Le réalisateur de (1995), (1999) ou encore de "L'Etrange Histoire de Benjamin Button" (2008) n'avait plus sorti de film depuis l'excellent (2014), sans doute trop pris entre autre par la série TV "Midhunter" (2017). Et il revient avec un film que même lui ne s'attendait sans doute plus à réaliser un jour, à savoir un biopic sur le scénariste Herman J. Mankiewicz (Tout savoir ICI !), frère de Joseph L. Mankiewicz qui deviendra plus connu que son frère. Un projet dont le scénario est signé d'un certain Jack Fincher, le propre père du cinéaste, qui a écrit ce scénario il y a plus de 30 ans sans être du monde du cinéma mais étant un journaliste-essayiste réputé. Un projet que son fils avait déjà tenté de porter à l'écran après son film "The Game" (1997) avec Kevin Spacey dans le rôle titre et Jodie Foster dans ne rôle de Marion Davies mais la volonté de tourner en Noir et Blanc avait à l'époque bloqué la production. Spacey ne retrouvera finalement pas le réalisateur après "Seven" et Foster le retrouvera plutôt sur "Panic Room" (2002). Malheureusement Jack Fincher meurt en 2003, et il faudra encore de nombreuses années avant que son fils puisse finalement tourner le film avec l'aide non négligeable de la plateforme Netflix. S'il s'agit d'un biopic sur le co-scénariste de "Citizen Kane" que beaucoup considère comme le "meilleur film de tous les temps", il s'agit aussi de montrer le Hollywood des années 30 et surtout de montrer la genèse de "Citizen kane" où comment Mank est parvenu à ce script devenu historique. Le réalisateur précise : "Dans la figue d'un scénariste autodestructeur, luttant pour imposer son nom sur un générique, en butte à un système le condamnant à l'ombre, Jack Fincher trouvait un alter ego bienvenu"... Fin des années 30, Orson Welles jeune génie de Hollywood, engage Herman Mankiewicz pour écrire le scénario de son projet, futur "Citizen Kane". Le travail débute alors que "Mank" a été victime d'un accident de voiture et que son alcoolisme ne s'arrange pas. Tandis que tout une organisation l'entoure pour qu'il soit au maximum de ses capacités, on accompagne Mankiewicz dans des flash-backs où ils croisent les nababs de Hollywood et surtout William Randolph Hearst et son épouse Marion Davies avec qui il se lie d'amitié...
Le rôle titre est dévolu à l'immense Gary Oldman (pour l'anecdote, il a épousé l'ex de Fincher) vu dernièrement dans "The Laundromat" (2019) de Steven Soderbergh, qui joue-là sans le moindre maquillage ou artifice ce qui lui change après avoir incarné Chruchill dans "Les Heures Sombres" (2017) de Joe Wright. Son épouse est interprétée par Tuppence Middleton vue dernièrement dans le film "Downton Abbey" (2019) de Michael Engler. Orson Welles est incarné par Tom Burke qui retrouve entre autre Tuppence Middleton après "Menace d'Etat" (2012) de Hadj Hajaig, une secrétaire est jouée par Lily Collins vue dans (2018) de Dome Karukoski et "Bloodline" (2020) de Vaughn Stein, le milliardaire W.R. Hearst est incarné par Charles Dance vu dans la série culte "Game of Thrones" (2012-2015) et qui retrouve également Tuppence Middleton après "Imitation Game" (2014) de Morten Tyldum, son épouse et star Marion Davies est incarnée par Amanda Seyfried vue récemment "You Should Have Left" (2020) de David Koepp et qui retrouve Gary Oldman après "Le Chaperon Rouge" (2011) de Catherine Hardwicke. Citons évidemment le nabab Louis B. Mayer joué par Arliss Howard qui fut le soldat Cowboy dans le chef d'oeuvre "Full Metal Jacket" (1987) de Stanley Kubrick et qu'on n'avait quasi plus vu depuis "Le Stratège" (2011) de Bennett Miller, puis le personnage de Charles Lederer joué par Joseph Cross vu notamment dans "Harvey Milk" (2009) de et avec Sean Penn, (2012) de Steven Spielberg et qui retrouve Fincher après la série TV "Midhunter". Le casting est long, on croise de nombreux grands personnages qui ont fait Hollywood, par exemple citons le frère J.L. Mankiewicz, George S. Kaufman, Irving Thalberg, Joseph Von Sternberg, Darryl F. Zanuck, Ben Hecht, David O. Selznick, John Houseman... etc... Pour le B.O. David Fincher a fait appel aux compositeurs Trent Reznor et Atticus Ross avec qui il avait déjà collaboré sur ses trois derniers films... Le film débute en en tant dans le vif du sujet, où comment Orson Welles met tout en place pour que son scénariste convalescent et alcoolique soit dans les meilleures dispositions pour écrire un chef d'oeuvre. Une secrétaire pour taper à la machine, mais aussi pour le surveiller et éviter qu'il se saoûle. Quelques minutes qui nous croque un homme diminué physiquement mais qui a toujours toute sa verve littéraire. Mais le film devient intéressant dans ses flash-backs qui nous plongent dans l'Âge d'Or des studios, au sein des coulisses de Hollywood où la lutte intestines entre les producteurs tout puissants, les réalisateurs et les scénaristes comment à faire trembler les murs des majors.
Si cela permet de montrer l'envers du décor de façon assez caustique, cela permet surtout de voir évoluer Herman Mankiewicz et comment il va façonner son script du futur "Citizen Kane". En effet, avant d'écrire pour Welles il participe à de nombreuses soirées avec les nababs qu'il exècre comme Louis B. Mayer, et surtout avec le milliardaire Hearts et son épouse Marion Davies. Petit à petit il va détester ce milliardaire au pouvoir immense (grand propriétaire de médias) tandis qu'il va devenir un ami proche de la star. Ces relations vont donc inévitablement l'inspirer, mais jusqu'à quel niveau ?! Dans le même temps, les Etats-Unis se relèvent doucement de la crise de 1929 et de la Grande Dépression, la lutte anti-communiste émerge aussi, tandis que les "petits" faiseurs fonde le premier syndicat de Hollywood avec la Screen Director Guild... Hollywood est en mutation mais ne le sait pas encore. Niveau biopic, le film est d'une fidélité rare, et reste d'un point de vue historique riche et dense autant sur Mank que sur les méandres hollywoodiens même si on peut pointer trois détails : le frère Joseph est un scénariste réputé dès le début des années 30, le personnage de Shelly Metcalf est en fait inspiré de Felix E. Feist sur son destin politique (mais pas sur le reste !), et le fait que Mank aurait sauvé 100 juifs d'un même village allemand dans les années 30 ce qui est en partie faux puisqu'en fait il a parrainé financièrement une centaine de juifs répartis sur toute l'Allemagne durant 39-45 (nuance). Mais ces détails ne sont rien face à l'immense richesse du scénario que David Fincher met en scène de façon magistral comme un hommage au cinéma, parfois caustique, parfois mélancolique mais toujours fascinant et envoûtant. L a photographie Noir et Blanc est judicieuce afin d'appuyer le côté rétro et le cachet de l'ensemble mais il manque un peu de contraste, parfois un peu trop "gris" peut-être. Mais on chipote, le retour de Fincher après tant d'années avec un vraie réussite et offre à Netflix leur meilleur film (de loin !). Sur le fond on apprend beaucoup sur Hollywood, mais aussi sur les origines de "Citizen Kane" avec toutes les zones d'ombre qu'elles peuvent comporter. Sur la forme Fincher à trouver le ton juste, sans compter les joutes verbales savoureuses, les coups d'éclats comme les instants plus intimes démontrant toutes les facettes d'un artiste aujourd'hui oublié.
Note :