Le Covid frappe, et cette fois la victime est le réalisateur coréen Kim Ki-Duk mort ce 11 décembre 2020 à l'âge de 59 ans.
Né en 1960 en Corée du Sud, il passe son enfance dans un petit village perdu dans les montagnes du Gyeongsang avant de partir pour Séoul en 1969 où poursuivre sa scolarité. Il quitte son lycée agricole à 17 ans pour travailler avant de s'engager pour 5 ans dans la marine a 20 ans. Une expérience qui le marque, à tel point qu'il pense devenir prêtre en passant deux ans dans un monastère. Finalement, il voyage et arrive en France où, selon les sources, il passe une année à Paris en vendant des toiles qu'il peint ou il aurait été inscritaux Beaux-Arts de 1990 à 1993. En tous cas, il aurait vu alors pour la première fois au cinéma "Le Silence des Agneaux" (1991) de Jonathan Demme et "L'Amant" (1992) de Jean-Jacques Annaud qui lui aurait donné envie de travailler pour le cinéma.
De retour en Corée du Sud il se met à écrire et remporte un concours de scénario qui sera suivi de plusieurs prix prestigieux décernés par l'Association des Scénaristes et la Commission du Film coréen. Une renommée qui lui permet de signer son premier long métrage, "Crocodile" (1996) qui est inspiré de sa propre vie.
Dès lors il n'arrêtera plus de tourner et enchaîne ainsi avec "Wild Animals" (1996) qu'il tourne à Paris, "The Birdcage" (1998), "Real Fiction" (2000) qui impressionne de par l'improvisation du film, des films qui lui permettent de gagner en expérience et à se faire un nom. Mais c'est avec "L'Île" (2000 - ci-dessous) qu'il connaît enfin un véritable succès avec en prime une sélection au Festival de Venise et ce, malgré les critiques plutôt violente des médias coréens et malgré une polémique sur un cas de cruauté envers les animaux dans le film ce qui poussera notamment le British Board of Film Classification de retardé la sortie en salles.
Il poursuit avec d'autres sélection pour les plus grands Festivals comme Berlin et Venise avec "Adresse Inconnue" (2001), "Bad Guy" (2001) qui demeure son plus gros succès en Corée, "The Coast Guard" (2002) et surtout le sublime "Printemps, Eté, Automne, Hiver... et Printemps" (2004 - ci-dessous) qui est sûrement l'un de ses plus beaux films primé notamment aux Festivals de Locarno et San Sebastian.
Kim Ki-Duk entre alors dans ce qui peut être considéré comme sa période la plus faste avec le beau "Samaria" (2004 - ci-dessous) primé de l'Ours d'Argent du meilleur réalisateur au Festival de Berlin, puis "Locataires" également primé du Lion d'Argent du meilleur réalisateur mais au Festival de Venise.
Le réalisateur enchaîne avec ses plus beaux films, "L'Arc" (2005) présenté à Cannes, "Time" (2006) qui se démarque des autres films du cinéaste par l'importance des dialogues, "Souffle" (2007 - ci-dessous) et "Dream" (2008).
Après 15 films en une douzaine d'années, étonnament le cinéaste prend une petite pause et revient avec "Arirang" (2011) qui obtient le Prix un Certain Regard au Festival de Cannes. Après "Amen" (2011) et connaît un nouveau succès avec "Pieta" (2012) Lion d'Or du meilleur film à la Mostra de Venise.
Il signe ensuite "Moebius" (2013) qui connaît une censure en son pays qui l'oblige à couper quelques minutes concernant l'inceste entre une mère et son fils. Le film est néamoins présenté au Festival de Venise comme le sera "One on One" (2014) en ouverture.
Le réalisateur coréen signe ensuite "Stop" (2015) et "Entre Deux Rives" (2016) dont les succès sont plus discrets.
Mais le réalisateur va malheureusement faire parler de lui pour autre chose que ses films. En 2017 il est accusé par une actrice anonyme de violences physiques et sexuelles qui se serait passées durant le tournage du film "Moebius", avant d'être remplacée ensuite. Il ne sera condamné que d'une amende de 5 millions de won pour les violences physiques par manque de preuves. Néanmoins, ce procès réveille des consciences et deux autres actrices portent plainte contre le cinéaste pour violences psychologiques, physiques et viol pour l'une d'entre elle, qui aurait été victime d'un viol en réunion commis par Kim Ki-Duk et l'acteur Cho Jae-Hyeo. Mais le procès n'aura pas lieu par manque de preuves.
Ces affaires ont pour conséquences de repousser la sortie de son film "Human, Space, Time and Human" (2018) dans la plupart des pays. Son dernier film est "Dissolve" (2019) a été présenté au Festival de Cannes et depuis attend une sortie en salles désormais forcément compliquée par la pandémie de Coronavirus.
Kim Ki-Duk est certainement une des réalisateurs les plus importants de Corée, un statut qui est d'autant plus symbolique qu'il est arrivé dans le monde du cinéma tardivement et de façon autodidacte. Malheureusement, la postérité risque d'être atténuée par les scandales sexuels et les polémiques concernant les animaux. En Corée du Sud, il est particulièrement accusé de mysoginie, dans le monde occidental il est surtout accusé de maltraitance envers les animaux contre quoi il se défend notamment dans un interview américaine : "... En Amérique, vous mangez du boeuf, du porc, et vous tuez tous ces animaux. Et les gens qui mangent ces animaux ne sont pas concernés par leur abattage. Les animaux font partie de ce cycle de consommation. Cela semble plus cruel à l'écran, mais je ne vois pas la différence. Et oui, il y a une différence culturelle..."
Kim Ki-Duk est un cinéaste qui s'est surtout intéressé aux marginaux, aux milieux sociaux modestes, et aura marqué par son style onirique et mutique.
Kim Ki-Duk est mort des suites de complications dues au Covid-19 ce vendredi 11 décembre 2020 à l'âge de 59 ans.