Mank
Réalisé par : David Fincher
Avec : Gary Oldman, Amanda Seyfried, Lily Collins, Tom Burke, Charles Dance...
Date de Sortie : 4 Décembre 2020 sur Netflix
Durée : 2h12min
Synopsis :
Dans ce film qui jette un point de vue caustique sur le Hollywood des années 30, le scénariste Herman J. Mankiewicz, alcoolique invétéré au regard acerbe, tente de boucler à temps le script de Citizen Kane d'Orson Welles.
Mank est le nouveau film de David Fincher. 6 ans après son dernier long-métrage Gone Girl, le cinéaste revient avec ce nouveau projet écrit dans un premier temps par son père Jack Fincher dans les années 90 et qui n'a malheureusement pas pu aboutir. Ce projet aurait pu compter sur Kevin Spacey ou encore Judie Foster, de quoi avoir quelques regrets...
Aujourd'hui en 2020, c'est par le biais de avec lequel il a déjà travaillé notamment pour sa série Mindhunter et House of Cards, que le réalisateur américain a enfin pu concrétiser ce projet. Assez cocasse et paradoxale pour cette fresque de l'industrie du 7ème art qui s'explique par le refus de producteurs de financer un film en noir et blanc... Dommage pour Fincher surtout quand on connaît l'amour que porte le réalisateur au cinéma avec un grand C et très révélateur de l'industrie américaine actuelle.
Son film, en noir et blanc donc, raconte l'histoire biographique du scénariste Herman J.Mankievicz dit " Mank " chargé d'écrire le scénario du chef-d'œuvre d' Orson Welles : Citizen Kane. Il vacille donc dans les années 30/40 à travers l'industrie du cinéma américain dans toute sa flamboyance...
Une œuvre où forcément le visionnage au préalable de Citizen Kane ainsi qu'une bonne connaissance du cinéma américain des années 30/40, est un véritable plus, mais dont on peut très bien se passer. Car en effet, s'il est préférable de connaître le contexte et certains noms cités, Fincher concentre bel et bien son film sur la personne de Mank. Une personnalité atypique, émouvante par moment, incroyablement éloquent, cynique, charismatique et doté d'un sens de l'humour très aiguisé. Un personnage haut en couleur témoin et acteur d'une industrie nauséabonde dans laquelle il brille de toute son aura et de son sens de la formule. Une magnifique époque pour le cinéma hollywoodien et ses gros studios tout puissant dans un monde au bord de la guerre mondiale. Mank y vit heureux et observe Hollywood peu à peu avec dégoût et amertume.
Cet ancien Hollywood que Fincher nous invite à visiter, enchaînant des scènes délicieusement bavardes présentant ces acteurs majeurs du cinéma américain. Des présentations que le cinéaste se plaît à mettre en scène avec toute cette maîtrise perfectionniste qui le caractérise et de longs plans séquences jouissifs de dialogues rythmés et d'un esthétique qui se veut proche de cette époque dorée. Bien au-delà du noir et blanc, manquant parfois de contraste au niveau des lumières, Mank est un long métrage filmé en numérique où le cinéaste tente d'y incruster des effets de montages argentiques. Un procédé qui tourne à l'hommage parfois trop poussé malgré de bonnes volontés et quelques scènes marquantes. Fincher semble alors y abandonner une partie de sa patte au profit de l'idée de son paternel, un parti pris qui ne paye pas toujours, le tout avec en fond une musique fade et sans éclat
Tout est cependant parfaitement fait pour nous plonger dans cette époque loin d'être glorifiée. Sublime parfois, horrible d'autres fois. Elle est à l'image de Mank et de ses choix. Au sommet au début et peu à peu, elle se désagrège, elle s'étouffe sur elle-même.
Le protagoniste de Fincher choisit l'humour, l'alcool et la liberté pour survivre dans ce monde impitoyable qu'il choisit de conter, à l'image de Citizen Kane, sans linéarité, impulsivement. Tout en écrivant l'œuvre de Welles, il nous conte son histoire ainsi que celles de personnages l'inspirant. On y découvre alors une panoplie de personnages secondaires dont l'utilité véritable pose question tant leurs apparitions étirent le film, peut-être un peu trop.
Car Mank est une œuvre au rythme intense qui semble avoir une ambition bien trop grande. Le cinéaste veut tout raconter, tout traiter avec ces différents personnages. Des pions profondément anecdotiques pour la plupart dont on ne retiendra que quelques passages pas toujours très clair ou utiles à la narration.
On se plaît toutefois à contempler ce " clown " hollywoodien qu'est Mank incarné par l'excellent Gary Oldman, Oscar du meilleur acteur en 2018 pour son interprétation de Winston Churchill dans Les Heures sombres ! On se plait aussi à découvrir encore un peu plus les déboires d'un artiste qui va créer son ultime chef-d'œuvre. Car c'est bien là le point central, et le plus intéressant de ce film : observer la création artistique à travers la vie d'un artiste et cette industrie trop forte, trop malsaine.
Ce scénariste si haut en couleur qui ne se préoccupe que de lui-même et son confort, pour enfin s'engager pleinement, mais malheureusement trop tard. C'est à la fois une chute mélancolique et la naissance de quelque chose qui le dépassera. Un chef-d'œuvre nommé Citizen Kane, qui deviendra alors son unique objet de réconfort, sa récompense après un long chemin hollywoodien.
Mank est une œuvre touchante, émouvante et rayonnante d'esprit malgré ses nombreux petits défauts qui ne gâchent cependant aucun plaisir. L'énergie qui en ressort est communicative, passionnante à suivre et à la limite du grandiose parfois. Référencée de toute part avec plus ou moins de réussite, Mank n'est pas sans rappeler un autre film de ce genre réalisé par Quentin Tarantino : Once Upon a Time in Hollywood. L'on y perçoit ce même amour poétique et passionnel pour le cinéma, pour donner une œuvre belle et généreuse. Une œuvre qui s'appuie sur un personnage pour la porter et en faire une belle réussite d'un réalisateur qui, décidément, continue de nous émerveiller.
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