Après deux courts métrages et un premier long métrage avec "Les Hommes ne Pensent qu'à ça" (1954), le réalisateur-scénariste Yves Robert adapte librement le roman "L'Affaire Blaireau" (1899) de Alphonse Allais. Le cinéaste fait appel à des collaborateurs pour écrire, Jacques Cekhay qui a auparavant signé "Leur Dernière Nuit" (1953) de Georges Lacombe et surtout Jean Marsan à qui ont doit "Le Mouton à Cinq Pattes" (1954) de Henri Verneuil, "Les Grandes Manoeuvres" (1955) de René Clair ou plus tard "Ne Nous Fâchons Pas" (1966) de Georges Lautner. Précisons que Yves Robert va construire une carrière semé de succès populaires comme "La Guerre des Boutons" (1961), les dyptiques "Le Grand Blond..." (1972-1974) et "Un Eléphant.../Nous irons... " (1976-1977)... Dans le village de Montpaillard, le maire fait tout pour que son village soit réputé pour son calme mais c'est sans compter sur la rivalité devenue trop populaire entre le braconnier Blaireau et le garde-champêtre Parju qui s'est juré de piéger Blaireau. Entre temps, un conseiller municipal se sert de cette lutte intestine pour tenter de déstabiliser le maire avant les prochaines élections... Yves Robert réunit un casting riche avec une belle collection parmi les plus grands seconds rôles du cinéma français des années 40-50. Mais évidemment, le film est surtout connu comme étant le premier rôle principal d'un certain Louis De Funès, qui devient de plus en plus populaire grâce à des films comme "Le Mouton à Cinq Pattes", "Ah ! Les Belles Bacchantes" (1954) de Jean Loubignac, "La Traversée de Paris" (1956) de Claude Autant-Lara, "La Belle Américaine" (1961) de Robert Dhéry ou encore "Le Gentleman d'Epsom" (1962) de Gilles Grangier.
Le garde-champêtre est incarné par Moustache, méconnu aujourd'hui il a été un artiste complet, acteur mais aussi batteur de jazz ayant travaillé avec Sidney Bechet et Boris Vian. Parmi les plus connus on reconnaîtra Claude Rich qui débuta dans "Les Grandes Manoeuvres", Pierre Mondy qui retrouve De Funès après "Rendez-Vous de Juillet" (1949) de Jacques Becker, Danièle Delorme en caméo entre "Les Misérables" (1958) de Jean-Paul Le Chanois et "Le Septième Juré" (1961) de Georges Lautner. Citons quelques uns des plus fameux seconds rôles du cinéma français avec Frédéric Duvallès, Roland Armontel, Robert Vattier un des célèbres joueurs de cartes dans (1931) de Alexander Korda, Paul Faivre qui tourna plus de 180 films entre 1931 et 1967 et Guy Favières dont la carrière va de 1912 à 1960. N'oublions la gent féminine avec Noëlle Adam qui retrouvera De Funès dans "L'Homme Orchestre" (1970) de Serge Korber, Madeleine Barbulée vue cette même année 58 dans "Les Misérables" de Le Chanois et "En Cas de Malheur" de Claude Autant-Lara, puis Monette Dinay célèbre madame Jambier épouse de De Funès dans une séquence cultissime du chef d'oeuvre "La Traversée de Paris". Mais n'oublions pas non plus les membres du "club de la fine gaule" avec le chien Fous-le-camp, le cochon Parju, la pie Lucienne et le corbeau Napoléon !... Le film est une adaptation libre, à tel point que toutes les scènes de braconnage et de pêche, tous les passages avec les conflits entre Blaireau et Parju, et l'existence même du chien Fous-le-camp sont des inventions des scénaristes et ne proviennent pas du livre.
Autant dire qu'il ne reste plus grand chose du roman originel, mais il reste l'allusion à peine voilée à l'affaire Dreyfuss (personnage hors caste accusé à tort car bouc émissaire idéal). Le garde-champêtre à tout du sergent Garcia dans la série TV "Zorro" de notre enfance, un gaillard un peu empoté qui se retrouve souffre-douleur malgré ses bonnes intentions, tandis que Blaireau est malin comme un singe, on pense à Scapin entre autre. Mais cette lutte entre le libertaire écolo et l'agent protecteur des lois n'est qu'un prétexte à la majorité des gags, en arrière-plan si tout reste sur un ton léger, le drame se dessine entre lutte pour le pouvoir communal, lutte pour le patriarchat, lutte ou non pour que justice soit rendue... etc... C'est particulièrement jouissif une comédie populaire et potache où en filigrane le propos est bien plus sérieux qu'il n'y paraît. Sur une musique continuele de la pièce "La Truite" composée de Franz Schubert, Blaireau braconne, Blaireau tourne en bourrique le pauvre Parju, Blaireau vit en pacha derrière les barreaux, Blaireau est innocenté et joue au cupidon. Louis de Funès est évidemment l'attraction, sans abuser de ses mimics qui feront sa gloire, il compose un Blaireau drôle et humain avec plusieurs séquences cultes dont le concours de pêche où Blaireau tape du pied avec génie. Yves Robert signe un joli succès (2 millions d'entrées France) aux scènes savoureuses et drôles, un personnage attachant, des seconds rôles bien croqués pour une comédie qui mérite d'être plus connue. Un très bon moment.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :