Voici un premier long métrage pour Frédéric Farrucci après quelques courts métrages dont "Sisu" (2015) et "Entre les Lignes" (2018). Ce projet est d'abord une idée du scénariste Nicolas Journet, auquel on doit "Vandal" (2013) de Hélier Cisterne et en retrouvant son réalisateur de "Entre les Lignes" (2018), qui a enquêté sur le métier de strip-teaseuse où il s'est aperçu qu'elles avaient souvent leur chauffeur attitré. Le réalisateur explique : "C'est comme ça qu'est née l'idée de l'histoire d'amour entre Naomi, strip-teaseuse et call-girl, et Jin, chauffeur de taxi. Ce qui m'attirait au premier chef dans cette romance était qu'elle se déroule la nuit. J'ai longtemps été un noctambule, j'aime Paris la nuit : c'est un moment où la norme se mélange à la marge, et cela conduit à des rencontres qui ne pourraient pas se produire le jour, qui est plus clivant. Nous avons alors enquêté avec Nicolas auprès des taxis de nuit et une légende urbaine revenait régulièrement dans les témoignages : la mafia chinoise équiperait de faux taxis et exploiterait des hommes en les mettant au volant. Cela a créé immédiatement un désir de fiction. C'était une véritable matière de film noir. Notre chauffeur est donc devenu un chinois sous la coupe de la mafia et le taxi s'est par la suite transformé en VTC, plus en phase aussi avec laperversion ultralibérale de notre société." Frédéric Farrucci et Nicolas Journet co-signe le scénario avec une troisième complice, Benjamin Charbit auquel on doit des films comme "En Liberté !" (2018) de Pierre Salvadori, "Ami-Ami" (2018) de Victor Saint Macary et "Notre Dame" (2019) de Valérie Donzelli...
Paris, Jin est chauffeur de VTC clandestin pour la triade chinois auprès de qui il a une dette mais il espère encore car il a compté qu'il ne doit plus quelques semaines après 5 ans de soumission. Passionné de musique électro il espère en faire son futur métier. Une nuit, il prend en charge Naomi, une call-girl troublante pour qui il accepte d'être son chauffeur attitré. Alors qu'ils se rapprochent, Jin se retrouve dans une stituation qui remet tout en cause... Pour des raisons d'authenticité, le cinéaste a insisté pour engager des acteurs chinois immigrés depuis peu en France. Ainsi le personnage principal est incarné par un inconnu, Guang Ho, qui fait face à une actrice en pleine ascension, Camelia Jordana qui joue donc de ses charmes juste après en avoir dévoilés dans l'excellent (2019) de Lou Jeunet, et avant les films "Parents d'Elèves" (2020) de Noémie Saglio et "Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait" (2020) de Emmanuel Mouret. Le chef de la triade est incarné par Shue Tien vu dans (2010) de Pascal Bourdiaux, "De l'Huile sur le Feu" (2011) de Olivier Benamou et "L'Âme du Tigre" (2018) de François Yang, il retrouve après (2014) de Benoît Jacquot l'acteur Maurice Cheng, un autre chauffeur vu également dans "Jamais le Premier Soir" (2014) de Melissa Drigeard. Sinon, les autres seconds rôles demeurent des acteurs dans leur première apparition, citons tout de même Xun Liang, Xinglong Zhao, Qiqian Xie et Zhiwei Renj... Le réalisateur avoue s'être inspiré d'un chef d'oeuvre, "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorcese rien que ça, surtout pour son esthétisme nocturne à priori. Franchement, on cherche encore le lien mais avec un budget serré de moins de 1 million d'euros Frédéric Farrucci réussit une jolie immersion dans le Paris noctambule, jouant intelligemment avec les différentes sources de lumière qui habillent la métropole. Le cinéaste impose une atmosphère d'un calme presque inquiétant, sans montrer la moindre once de bonheur entre un homme exploité comme un esclave et une femme asservie au plaisir de la chair qui vont tenter de croire à un avenir meilleur, ensemble peut-être.
On s'intéresse d'abord à Jin dont on apprend peu de choses, juste assez nul besoin d'être trop explicatif. On s'attache avant tout à comprendre le système de ces VTC clandestin et à la détresse de Jin dans un piège qu'il sait être sans issue. On aurait aimé par contre en apprendre plus sur Naomi dont on ne sait rien à part qu'elle est strip-teaseuse et call-girl. Mais est-elle sous la coupe d'un proxénète ou d'un réseau ?! Comment en est-elle arrivée là ?! Par là même pour se payer un chauffeur "privé" il faut un minimum de pouvoir financier ce qui n'est pas le cas de Naomi, loin d'être une escort girl de luxe qui ferait la différence. La dimension de musique électro est à la fois sous-exploitée et peu à même de séduire, d'abord parce que finalement ça reste très secondaire dans le récit, ensuite parce que les morceaux restent trop basiques malgré qu'ils soient signés de l'artiste Rone, à priori un as dans son domaine. Par contre, si Camelia Jordana fait le job, on est surtout impresionné par les acteurs chinois qui impose une vraie présence. Le scénario, bien que classique, est parfaitement géré avec une pincée de sensualité qui paraît néanmoins un peu timorée et une petite montée en pression qui aurait pu être plus assumée encore. Le climax reste un atout certain dans ce film noir urbain qui laisse le temps au temps avec un vrai fond derrière le personnage de Jin. Un bon moment à défaut de tenir ses promesses sur tous les tableaux.