De Pete Docter, Kemp Powers
Avec Jamie Foxx, Tina Fey
Chronique : Après le départ plus au moins subi de John Lasseter, papa de Toy Story et l’homme à l’origine des premiers succès de Pixar, Pete Docter en est devenu la figure artistique historique. Son nom est immédiatement synonyme de filiation avec ses succès passés, quand le studio enchainait les chefs d’œuvre sans rien craindre de la concurrence. Son dernier film en tant que réalisateur date d’il y a 5 ans, il s’agissait de Vice Versa et c’était un petit bijou. Depuis, le studio a alterné bons films (Coco, Les Indestructibles 2, Toy Story 4) et très moyens, voir ratés (Le monde de Dory, En Avant, Arlo), mais aucun long métrage majeur. Il perdait de sa superbe et laissait ses concurrents contester son hégémonie dans le monde de l’animation (Dreamworks avec Dragons, Sony avec Spider-man : Into the Spiderverse et même leurs cousins chez Disney avec Vaina ou Zootopia)
Le retour aux affaires de Pete Docter, même sur Disney+, sonne le retour de Pixar au premier plan.
Soul est d’une virtuosité formelle et d’une richesse narrative éblouissantes. L’auteur-réalisateur se saisit comme à son habitude de concepts abstraits, mais les traduit à l’écran avec une épatante simplicité.
Il déroule une réflexion poussée et immédiatement compréhensible sur le passage vers l’au-delà, traitant frontalement mais ludiquement de la mort, et théorise sur la part de déterminisme et de libre arbitre ou encore sur le sens de notre place ici-bas.
Tout un programme exécuté avec beaucoup d’humour qu’il rend incroyablement vivant en divisant son récit sur deux univers, l’un bien réel, le New York dans lequel Joe essaie de se réaliser en grand musicien, et l’autre conceptuel, le Grand Avant où les nouvelles âmes attendent d’être « complétées » pour qu’on leur attribue un corps humain et être envoyées sur terre, ce que Âme 22 refuse catégoriquement.
Le jour où Joe a un accident, son âme se retrouve en transit dans ce Grand Avant et rencontre 22. Commence alors un buddy movie d’une grande drôlerie et d’une profondeur remarquable.
Soul prend dans sa narration plusieurs virages, dont un twist inattendu et irrésistible, sans jamais souffrir de moments faibles. La qualité de l’animation est folle, s’aventurant dans plusieurs styles, toujours avec goût et à propos, car la mise en scène fourmillant d’idées de Pete Docter est toujours au service de son histoire. Un récit érudit qui fait confiance en son spectateur pour appréhender son exigence, qui l’amuse autant qu’il le questionne et l’émerveille. En effet, le photoréalisme de New York est aussi convaincant que l’onirisme dans lequel baigne le Grand Avant. Soul garde cependant en permanence une cohérence visuelle que les gimmicks irrésistibles des personnages amplifient, tout en réservant quelques surprises. L’idée derrière le personnage du comptable est ainsi absolument géniale.
Soul se place dont très haut dans la filmographie de son auteur, et par conséquent de Pixar. Il retrouve ce que les films du studio n’auraient jamais dû perdre, l’ambition d’allier la richesse technologique à l’exigence narrative, cette recherche permanente du sens en même temps que de l’émerveillement. Soul rassemble ces qualités-là. Et replace confortablement Pixar, au moins pour un moment, sur le trône qu’il avait quitté.
Synopsis : Passionné de jazz et professeur de musique dans un collège, Joe Gardner a enfin l’opportunité de réaliser son rêve : jouer dans le meilleur club de jazz de New York. Mais un malencontreux faux pas le précipite dans le « Grand Avant » – un endroit fantastique où les nouvelles âmes acquièrent leur personnalité, leur caractère et leur spécificité avant d’être envoyées sur Terre. Bien décidé à retrouver sa vie, Joe fait équipe avec 22, une âme espiègle et pleine d’esprit, qui n’a jamais saisi l’intérêt de vivre une vie humaine. En essayant désespérément de montrer à 22 à quel point l’existence est formidable, Joe pourrait bien découvrir les réponses aux questions les plus importantes sur le sens de la vie.