Ce projet est avant tout une production de la star Denzel Washington, qui a signé un contrat pour produire une série de 9 films adaptés des oeuvres d'un certain August Wilson ; une oeuvre qui forme un ensemble sur l'expérience afro-américaine durant le XXème siècle. Si à l'origine ce contrat était prévu avec HBO c'est finalement Netflix qui devient bénéficiaire de ces projets. Denzel Washington avec une première adaptation où il a tenu les casquettes de producteur-réalisateur-acteur du film "Fences" (2016) adapté d'une pièce éponyme de August Wilson, lauréat du prix Pulitzer pour ce roman, qu'il obtiendra une seconde fois mais par pour "Ma Rainey's Black Bottom" (1982) la pièce de théâtre dont il est question ici. Précisons que Ma Rainey (Tout savoir ICI !) a réellement existé et est une des premières légendes du Blues.L'adaptation est signé de Ruben Santiago-Hudson dont la seule expérience dans le domaine reste le scénario du téléfilm "Lackwanna Blues" (2004), il était jusque là surtout acteur notamment dans "American Gangster" (2007) de Ridley Scott dans lequel jouait justement Denzel Washington. La production a confié la réalisation à George C. Wolfe auquel on doit des drames comme "La Vie Immortelle de Henrietta Lacks" (2017) sur le destin d'autre figure afro-américaine, mais aussi "Le Second Souffle" (2017) et "Nights in Rodhante" (2018)... 1927, la chanteuse de Blues Ma Rainey est déjà une légende et est au sommet de sa popularité. Elle quitte son sud natal pour Chicago où un groupe de musiciens l'attendent pour enregistrer plusieurs chansons pour des producteurs blancs. Mais l'orgueil de Ma Rainey et sa position de star afro-américaine crée des tensions avec ses producteurs tandis qu'un de ses musiciens, Levee tente d'imposer son talent, tout ça créant des tensions fortes qui pèsent sur cette journée...
Le fait d'avoir Denzel Washington comme producteur n'est pas anodin, il a choisit dans les deux rôles principaux deux proches. D'abord Viola Davis dans le rôle de la légende Ma Rainey, une actrice reconnue sur le tard avec "La Couleur des Sentiments" (2011) de Tate Taylor, et surtout qui a été l'épouse de Washington dans "Fences", ensuite le musicien Leve incarné par Chadwick Boseman qui retrouve Viola Davis après (2014) de Tate Taylor, juste avant de devenir une star avec le succès mondial de "Black Panther" (2018) de Ryan Coogler en précisant que l'acteur était le protégé de Denzel Washington qui lui avait entre autre payé ses études ! Malheureusement, rappelons que ce film est le dernier rôle de Chadwick Boseman mort prématurément cet été 2020. Les trois autres musiciens du groupe sont joués par des acteurs moins connus, Glynn Turman aperçu dans quelques films mais qui a surtout été l'époux d'une autre légende Aretha Franklin, Colman Domingo vu dans plusieurs films "afro-américains" comme (2015) de Ava DuVernay et "The Birth of a Nation" (2016) de Nate Parker, puis Michael Potts surtout vu dans les séries TV "True Detective" (2014-...) et "Gotham" (2014-...). Ma Rainey est accompagné de sa maîtresse interprétée par la belle Taylour Paige connue depuis sa série TV "Hit the Floor" (2013-2016) et sinon qu'on aura aperçu dans "Undercover" (2018) de Yann Demange, et son neveu joué par le jeune Dusan Brown qui retrouve Chadwick Boseman après "42" (2013) de Brian Helgeland. Puis enfin les deux producteurs blancs, joués par Jonny Coyne aperçu récemment dans "Opération Beyrouth" (2018) de Brad Anderson et (2018) de Corin Hardy, et Jeremy Shamos vu entre autre dans "Hotel Woodstock" (2009) de Ang Lee et (2014) de Alejandro Gonzales Inarritu et qui retrouve Viola Davis après avoir partagé l'affiche de "The Disappearance of Eleanor Rigby" (2014) de Ned Benson... Précisons d'entrée que ce film n'est pas un biopic. Si l'un des personnages principaux est Ma Rainey, et que l'histoire reprend 2-3 éléments de sa vie comme sa bisexualité, Bessie Smith, son tempérament, l'enregistrement de ses chansons entre 1923 et 1928 le reste n'est qu'invention notamment et surtout ces quatre musiciens et ses deux producteurs.
En effet, à cette époque Ma Rainey collabore essentiellement avec deux pianistes, Thomas Dorsey (une autre légende) et Lillian Hardaway Henderon et donc pas du tout un inconnu qui se nommerait Toledo (joué par Glynn Turman), et encore moins d'existence de deux producteurs blancs, Ma Rainey était produite pas la Paramount et par un producteur afro-américain nommé Jay Mayo Williams (une autre légende du blues !). Dans un sens c'est extrêmement décevant, car l'auteur manipule l'Histoire et les faits pour créer une tension sur fond racial entre Ma Rainey et ses producteurs alors que sur cette relation, s'il y avait tension elle n'était en vérité que pécuniaire. Et pourtant, une séquence dans le film annonce une tragédie ou du moins un problème racial (pour l'achat d'un coca) avant une ellipse qui n'apportera absolument rien au récit. Etonnant. Le plus intéressant dans le film est pourtant ce que représente Ma Rainey, une star certe, une légende vivante oui, mais uniquement pour sa communauté noire et reste cantonnée à un public noir tandis que son statut repose à priori sur la confiance de producteurs blancs (alors que rappelons-le son producteur était noir). Mais si elle est une poule aux oeufs d'or, ces messieurs blancs comprennent le potentiel de cette musique par le biais de Levee, jeune musicien ambitieux auquel Ma Rainey ne prête pas attention, ce qui va marquer aussi le début de son déclin (qui arrive à partir de 1930). Plus que la ségrégation, que le film survole par 2-3 passages vite fait bien fait (policier, magasin) le film impose surtout une réflexion sur la création et l'ambition ce qui, au vu de l'oeuvre originelle et de la production, un petit hors sujet maladroit. Néanmoins, si les libertés historiques sont décevantes, l'hagiographie demeure intéressante, grâce à quelques jolis moments de grâce, des acteurs impliqués et une tension permanente.
Note :