Réalisateur : Kornél Mundruczó
Avec : Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Ellen Burstyn, Iliza Shlesinger, Molly Parker, Sarah Snook, Benny Safdie, Jimmie Fails,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain, Canadien, Hongrois.
Durée : 2h06min.
Synopsis :
Vivant à Boston, Martha et Sean Carson s’apprêtent à devenir parents. Mais la vie du couple est bouleversée lorsque la jeune femme accouche chez elle et perd son bébé, malgré l’assistance d’une sage-femme, bientôt poursuivie pour acte de négligence. Martha doit alors apprendre à faire son deuil, tout en subissant une mère intrusive et un mari de plus en plus irritable. Mais il lui faut aussi assister au procès de la sage-femme, dont la réputation est désormais détruite. Pieces of a Woman est une chronique intimiste et déchirante de la vie d’un couple, et le portrait bouleversant d’une femme qui doit apprendre à faire son travail de deuil.
Critique :
De toutes les acquisitions post-TIFF de Netflix, qui a férocement fait chauffer son chéquier, force est d'avouer que le premier long-métrage en langue anglaise du virtuose hongrois Kórnel Mundruczó, Pieces of a Woman, incarnait clairement une pièce de choix - sans mauvais jeu de mots -, à une heure ou les plateformes de streaming sont en passe de faire exploser les compteurs des nominations dans la course aux statuettes dorées.
D'autant plus qu'il réalise ici son film le plus personnel, en s'attachant au deuil tragique d'une femme - et de ses conséquences dévastatrices - d'une manière peut-être plus viscérale qu'aurait pu le faire un cinéaste plus... traditionnel, même avec sous le coude, le formidable scénario de Kata Wéber - compagne du cinéaste -, qui est on ne peut plus légitime à écrire sur ce terrible sujet.
Sans trop exagérer les travers du cinéma Hollywoodien, on peut facilement imaginer qu'avec une telle histoire choc, la majorité des faiseurs de rêves auraient fait de la bataille juridique le coeur du métrage sauf que le papa de White God lui, ne se concentre jamais réellement sur le procès et lui préfère l'intimité douloureuse d'un couple brisé.
Soit Martha et Sean attendaient un heureux événement, ils ont décidés de privilégier un accouchement à domicile, tout ne se passera pas comme prévu et ils blameront leur sage-femme, qu'ils poursuivront en justice - avec le déchaînement médiatique qui en découle.
Vingt-trois minutes, c'est ce qu'il faut à Mundruczó pour retourner son auditoire dans ce qui sera, à n'en pas douter, l'une des immersions les plus virtuoses et marquantes de l'année (voire même de la décennie, tant son plan élaboré et presque ininterrompue grâce à l'aide du brillant directeur de la photo Benjamin Loeb, est une claque qui l'installe directement dans la droite lignée du Children of Men de Cuarón), ou l'accouchement d'une femme nous a jamais paru aussi proche.
Au départ assez décontracté - les contractions de Martha arrivant à six minutes d'intervalle -, la narration s'intensifie rapidement lorsqu'elle perd les eaux.
Sean appelle la sage-femme, mais comme celle-ci est occupée avec un autre accouchement, elle envoie alors une remplaçante, Eva, chaleureuse et encourageante (merveilleuse Molly Parker), les guidant avec bienveillance tout au long du processus... jusqu'au drame.
Faisant grimper crescendo la tension et l'angoisse, le cinéaste fait virer peu à peu ce précieux rite partagé par toutes les femmes en passe de devenir mères, vers la tragédie la plus terrible qui soit.
Il y a du sang dans le bain et le rythme cardiaque du bébé ne se fait pas ressentir.
Le public, tout comme Martha et Sean, doit découvrir par lui-même ce qui se passe, et digérer un choc brutal qui va bien plus loin que le générique de fin, le cinéaste captant avec puissance toute la joie et l'agonie de l'accouchement; dépouillé de glamour mais incroyablement spontané et imprévisible, malgré la planification évidente et minutieuse que cette scène a dû exiger en amont (et la dévotion énorme de Vanessa Kirby).
Dans certains mariages, la grossesse n'est pas tant un miracle qu'un bonheur qui peut créer un fossé dans un couple, bouleversant le magnétisme qui en premier lieu, à catalysé l'attirance entre un homme et une femme.
Dans d'autres, l'arrivée d'un enfant avec les responsabilités et les joies que confèrent la parentalité, est un ciment puissant pour une union.
Chez Martha et Sean, c'est une évidence qu'ils avaient besoin de ce bébé (lui a des problèmes de dépendance, elle subit les stigmates d'une mère dominatrice à la présence manipulatrice), et sa perte ne peut mener justement, qu'à la fin de leur relation, tant ils ne peuvent pas se relever d'un tel drame, même en se lançant à corps perdus dans une poursuite judiciaire pour laquelle ils n'auront peu ou rien à gagner.
Si éloigné (ils ne proviennent pas de la même classe sociale, ont deux caractères bien distincts,...) et pourtant si proche pendant l'accouchement, partageant une intimité intuitive qui les rend infiniment plus forts ensemble, le film va peu à peu faire ressortir les démons intérieurs pour mieux dévoiler qu'ils ressemblent moins à un couple qu'à deux personnes ensembles mais séparées et sensibles.
Avec une habileté fascinante, Mundruczó et Wéber explorent les ramifications de la perte sur ces deux personnes fondamentalement bonnes mais imparfaites.
De nombreux futurs parents ont été confrontés à des défis similaires, ce qui rend Pieces of a Woman à la fois profondément éloquent (une expérience humaine universelle représentée avec sensibilité) et douloureusement mélodramatique, tant la gestion du deuil de ses deux êtres (mais surtout Martha, qui a plus à reconstruire que sa relation, tant c'est son identité même qui est en jeu) se nourrit des conflits plutôt que d'une communication dont ils ont désespérément besoin pour guérir - et qui existait cruellement dans le passé de leur relation.
Mué par un symbolisme il est vrai loin d'être subtil (Sean construit des ponts, une carrière qui a une résonance directe avec sa relation, tandis que Martha est obsédée par les pommes, et alors que ses plantes d'intérieur sont négligées, elle essaie de faire germer leurs pépins, comme pour prouver qu'elle peut créer la vie), Pieces of A Woman est aussi et surtout un film de performance, physique et dévouée.
Si Shia LaBeouf apporte tendresse et vulnérabilité à son rôle furieux, et que l'immense Ellen Burstyn, plus puissante que jamais, rend son personnage de matriarche encore plus imposant, c'est avant tout et surtout le film de Vanessa Kirby, qui offre ici sa performance à l'écran la plus impressionnante à ce jour; pas seulement pour son engagement remarquable durant la scène d'accouchement, mais surtout dans la façon naturelle qu'elle à retranscrire l'incertitude et la détresse de son personnage, avec maestria.
Martha a une relation tellement compliquée, à la fois physique et psychologique, avec sa tragédie qu'il est impossible de ne pas saluer la manière dont la comédienne jongle entre les attitudes et les sentiments contradictoires (dévastée mais résistante, en colère mais empathique, le tout tiraillé par une culpabilité - et pas uniquement la sienne - qui lui colle éternellement à la peau ).
Si le tandem Mundruczó et Wéber donnent les pièces du puzzle à l'actrice, il n'y avait qu'elle pour en faire un portrait aussi juste et étonnant d'une femme inconsolable ou la gestion du deuil est autant une gestion de sa survie, au coeur d'un drame humain mature, pudique et tout simplement magnifique.
Jonathan Chevrier
Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó revient après White Dog (2014), prix Un Certain Regard avec Pieces of a Woman, son premier film en langue anglaise. Acheté par Netflix à la suite d’un passage remarqué dans certains festivals, notamment la Mostra de Venise, où Vanessa Kirby est reparti avec la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine, le film est disponible depuis le 7 janvier sur la plateforme. Oeuvre dramatique, inspirée de l’expérience personnelle de la scénariste (et compagne du cinéaste) Kata Wéber, Pieces of a Woman nous emmène autour de la naissance du premier enfant d’un jeune couple, Martha et Sean (Vanessa Kirby et Shia LaBeouf), et du décès du nouveau-né peu de temps après l’accouchement, effectué à domicile par choix. La malheureuse sage-femme (Molly Parker) est alors accusée d’homicide involontaire et de négligence criminelle. La famille du couple, dont l’omniprésente mère de Martha (Ellen Burstyn), les assiste dans ce deuil douloureux, dans la lente cicatrisation d’un traumatisme déchirant tout sur son passage.
Hélas, pas vraiment. On ne peut nier l’émotion produite par le scénario d’une grande profondeur de Kata Wéber, aidé par un casting quatre étoiles. Le plan-séquence à lui tout seul mérite des louanges. Pour la sublime chorégraphie que nous proposent les trois acteur.trice.s, creusant au plus vrai d’un accouchement. Pour la technique parfaite du chef-opérateur Benjamin Loeb, qui avec sa caméra, confère au spectateur le point de vue unique d’un des moments les plus intimes d’une vie. Pour les choix de mise en scène, où nous avons l’impression d’avoir une présence chaleureuse et diffuse, présence qui disparaît après le carton du titre, laissant l’atmosphère vide, froide dans le cadre. La suite du film prend une tournure beaucoup plus classique, un mélodrame certes poignant, mais portant le lourd cahier des charges d’un film hollywoodien "oscarisable". Le décès de leur fille, catalyseur de la séparation du couple, oriente le film vers une symbolique presque lourde de reconstruction. Pour Martha, ce sont les pommes et la germination de graine. Pour Sean, les ponts qu’il construit sont synonymes d’avancement vers un monde meilleur. L’altération de leurs sentiments devient inévitable, ils ne vont pas au même rythme des étapes du deuil. Sean veut vite avancer, pour arriver de l’autre côté du pont, une vie où la douleur est atténuée. Martha a besoin de temps. Le temps qu’il faut pour qu’une graine de pommes germe, entourée de coton dans un frigo.
Pieces of a Woman porte bien son nom cependant. C’est dans la fragmentation du personnage de Martha, son déchirement interne, où le film tient quelque chose de puissant. Malheureusement, il finit par s’enliser dans un sage mélodrame, indigne du duo Mundruczó/Wéber, qui nous ont habitués à plus original.
Avec : Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Ellen Burstyn, Iliza Shlesinger, Molly Parker, Sarah Snook, Benny Safdie, Jimmie Fails,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain, Canadien, Hongrois.
Durée : 2h06min.
Synopsis :
Vivant à Boston, Martha et Sean Carson s’apprêtent à devenir parents. Mais la vie du couple est bouleversée lorsque la jeune femme accouche chez elle et perd son bébé, malgré l’assistance d’une sage-femme, bientôt poursuivie pour acte de négligence. Martha doit alors apprendre à faire son deuil, tout en subissant une mère intrusive et un mari de plus en plus irritable. Mais il lui faut aussi assister au procès de la sage-femme, dont la réputation est désormais détruite. Pieces of a Woman est une chronique intimiste et déchirante de la vie d’un couple, et le portrait bouleversant d’une femme qui doit apprendre à faire son travail de deuil.
Critique :
Mué par un symbolisme loin d'être subtil, #PiecesOfAWoman n'en reste pas moins un pudique et mature mélodrame qui explore avec brio les ramifications d'un deuil inconsolable, croqué avec sincérité et totalement vissé sur la partition d'une Vanessa Kirby absolument merveilleuse. pic.twitter.com/8dAE6ozLpr
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) January 8, 2021
De toutes les acquisitions post-TIFF de Netflix, qui a férocement fait chauffer son chéquier, force est d'avouer que le premier long-métrage en langue anglaise du virtuose hongrois Kórnel Mundruczó, Pieces of a Woman, incarnait clairement une pièce de choix - sans mauvais jeu de mots -, à une heure ou les plateformes de streaming sont en passe de faire exploser les compteurs des nominations dans la course aux statuettes dorées.
D'autant plus qu'il réalise ici son film le plus personnel, en s'attachant au deuil tragique d'une femme - et de ses conséquences dévastatrices - d'une manière peut-être plus viscérale qu'aurait pu le faire un cinéaste plus... traditionnel, même avec sous le coude, le formidable scénario de Kata Wéber - compagne du cinéaste -, qui est on ne peut plus légitime à écrire sur ce terrible sujet.
Sans trop exagérer les travers du cinéma Hollywoodien, on peut facilement imaginer qu'avec une telle histoire choc, la majorité des faiseurs de rêves auraient fait de la bataille juridique le coeur du métrage sauf que le papa de White God lui, ne se concentre jamais réellement sur le procès et lui préfère l'intimité douloureuse d'un couple brisé.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Soit Martha et Sean attendaient un heureux événement, ils ont décidés de privilégier un accouchement à domicile, tout ne se passera pas comme prévu et ils blameront leur sage-femme, qu'ils poursuivront en justice - avec le déchaînement médiatique qui en découle.
Vingt-trois minutes, c'est ce qu'il faut à Mundruczó pour retourner son auditoire dans ce qui sera, à n'en pas douter, l'une des immersions les plus virtuoses et marquantes de l'année (voire même de la décennie, tant son plan élaboré et presque ininterrompue grâce à l'aide du brillant directeur de la photo Benjamin Loeb, est une claque qui l'installe directement dans la droite lignée du Children of Men de Cuarón), ou l'accouchement d'une femme nous a jamais paru aussi proche.
Au départ assez décontracté - les contractions de Martha arrivant à six minutes d'intervalle -, la narration s'intensifie rapidement lorsqu'elle perd les eaux.
Sean appelle la sage-femme, mais comme celle-ci est occupée avec un autre accouchement, elle envoie alors une remplaçante, Eva, chaleureuse et encourageante (merveilleuse Molly Parker), les guidant avec bienveillance tout au long du processus... jusqu'au drame.
Faisant grimper crescendo la tension et l'angoisse, le cinéaste fait virer peu à peu ce précieux rite partagé par toutes les femmes en passe de devenir mères, vers la tragédie la plus terrible qui soit.
Il y a du sang dans le bain et le rythme cardiaque du bébé ne se fait pas ressentir.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Le public, tout comme Martha et Sean, doit découvrir par lui-même ce qui se passe, et digérer un choc brutal qui va bien plus loin que le générique de fin, le cinéaste captant avec puissance toute la joie et l'agonie de l'accouchement; dépouillé de glamour mais incroyablement spontané et imprévisible, malgré la planification évidente et minutieuse que cette scène a dû exiger en amont (et la dévotion énorme de Vanessa Kirby).
Dans certains mariages, la grossesse n'est pas tant un miracle qu'un bonheur qui peut créer un fossé dans un couple, bouleversant le magnétisme qui en premier lieu, à catalysé l'attirance entre un homme et une femme.
Dans d'autres, l'arrivée d'un enfant avec les responsabilités et les joies que confèrent la parentalité, est un ciment puissant pour une union.
Chez Martha et Sean, c'est une évidence qu'ils avaient besoin de ce bébé (lui a des problèmes de dépendance, elle subit les stigmates d'une mère dominatrice à la présence manipulatrice), et sa perte ne peut mener justement, qu'à la fin de leur relation, tant ils ne peuvent pas se relever d'un tel drame, même en se lançant à corps perdus dans une poursuite judiciaire pour laquelle ils n'auront peu ou rien à gagner.
Si éloigné (ils ne proviennent pas de la même classe sociale, ont deux caractères bien distincts,...) et pourtant si proche pendant l'accouchement, partageant une intimité intuitive qui les rend infiniment plus forts ensemble, le film va peu à peu faire ressortir les démons intérieurs pour mieux dévoiler qu'ils ressemblent moins à un couple qu'à deux personnes ensembles mais séparées et sensibles.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Avec une habileté fascinante, Mundruczó et Wéber explorent les ramifications de la perte sur ces deux personnes fondamentalement bonnes mais imparfaites.
De nombreux futurs parents ont été confrontés à des défis similaires, ce qui rend Pieces of a Woman à la fois profondément éloquent (une expérience humaine universelle représentée avec sensibilité) et douloureusement mélodramatique, tant la gestion du deuil de ses deux êtres (mais surtout Martha, qui a plus à reconstruire que sa relation, tant c'est son identité même qui est en jeu) se nourrit des conflits plutôt que d'une communication dont ils ont désespérément besoin pour guérir - et qui existait cruellement dans le passé de leur relation.
Mué par un symbolisme il est vrai loin d'être subtil (Sean construit des ponts, une carrière qui a une résonance directe avec sa relation, tandis que Martha est obsédée par les pommes, et alors que ses plantes d'intérieur sont négligées, elle essaie de faire germer leurs pépins, comme pour prouver qu'elle peut créer la vie), Pieces of A Woman est aussi et surtout un film de performance, physique et dévouée.
Si Shia LaBeouf apporte tendresse et vulnérabilité à son rôle furieux, et que l'immense Ellen Burstyn, plus puissante que jamais, rend son personnage de matriarche encore plus imposant, c'est avant tout et surtout le film de Vanessa Kirby, qui offre ici sa performance à l'écran la plus impressionnante à ce jour; pas seulement pour son engagement remarquable durant la scène d'accouchement, mais surtout dans la façon naturelle qu'elle à retranscrire l'incertitude et la détresse de son personnage, avec maestria.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Martha a une relation tellement compliquée, à la fois physique et psychologique, avec sa tragédie qu'il est impossible de ne pas saluer la manière dont la comédienne jongle entre les attitudes et les sentiments contradictoires (dévastée mais résistante, en colère mais empathique, le tout tiraillé par une culpabilité - et pas uniquement la sienne - qui lui colle éternellement à la peau ).
Si le tandem Mundruczó et Wéber donnent les pièces du puzzle à l'actrice, il n'y avait qu'elle pour en faire un portrait aussi juste et étonnant d'une femme inconsolable ou la gestion du deuil est autant une gestion de sa survie, au coeur d'un drame humain mature, pudique et tout simplement magnifique.
Jonathan Chevrier
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó revient après White Dog (2014), prix Un Certain Regard avec Pieces of a Woman, son premier film en langue anglaise. Acheté par Netflix à la suite d’un passage remarqué dans certains festivals, notamment la Mostra de Venise, où Vanessa Kirby est reparti avec la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine, le film est disponible depuis le 7 janvier sur la plateforme. Oeuvre dramatique, inspirée de l’expérience personnelle de la scénariste (et compagne du cinéaste) Kata Wéber, Pieces of a Woman nous emmène autour de la naissance du premier enfant d’un jeune couple, Martha et Sean (Vanessa Kirby et Shia LaBeouf), et du décès du nouveau-né peu de temps après l’accouchement, effectué à domicile par choix. La malheureuse sage-femme (Molly Parker) est alors accusée d’homicide involontaire et de négligence criminelle. La famille du couple, dont l’omniprésente mère de Martha (Ellen Burstyn), les assiste dans ce deuil douloureux, dans la lente cicatrisation d’un traumatisme déchirant tout sur son passage.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Vanessa Kirby prête son visage marmoréen à cette femme, qui après un accouchement difficile, n’est que douleur. Car, si le deuil est un sujet universel, il est aussi très intime et singulier dans son approche. En particulier pour une perte aussi tragique que représente la mort d’un enfant, survenue quelques minutes après la naissance. C’est d’ailleurs la reconstruction qui intéresse le réalisateur, plus que la bataille juridique autour du procès. Avec une structure innovante - une présentation rapide, suivie d’un plan-séquence de vingt-cinq minutes avant le titre du film, puis la deuxième partie plus classique dans sa mise en scène - Pieces of a Woman nous rappelle un film sorti en 2020 découpé à peu près de la même manière : Madre de Rodrigo Sorogoyen. Le plan-séquence placé très exactement au même endroit, pour suivre les moindres mouvements des personnages et accompagner leur douleur. Une seconde partie où la souffrance envahit le cadre, dégouline de la mère incapable d’arrêter l’hémorragie. Le risque avec cela, c’est de voir son film retomber à plat après une séquence à la tension extrême. Sorogoyen y était arrivé, grâce à une magnifique mise en scène spacieuse, qui engloutissait presque le personnage. Mais est-ce que le film de Mundruczó réussit également ce pari ?Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Hélas, pas vraiment. On ne peut nier l’émotion produite par le scénario d’une grande profondeur de Kata Wéber, aidé par un casting quatre étoiles. Le plan-séquence à lui tout seul mérite des louanges. Pour la sublime chorégraphie que nous proposent les trois acteur.trice.s, creusant au plus vrai d’un accouchement. Pour la technique parfaite du chef-opérateur Benjamin Loeb, qui avec sa caméra, confère au spectateur le point de vue unique d’un des moments les plus intimes d’une vie. Pour les choix de mise en scène, où nous avons l’impression d’avoir une présence chaleureuse et diffuse, présence qui disparaît après le carton du titre, laissant l’atmosphère vide, froide dans le cadre. La suite du film prend une tournure beaucoup plus classique, un mélodrame certes poignant, mais portant le lourd cahier des charges d’un film hollywoodien "oscarisable". Le décès de leur fille, catalyseur de la séparation du couple, oriente le film vers une symbolique presque lourde de reconstruction. Pour Martha, ce sont les pommes et la germination de graine. Pour Sean, les ponts qu’il construit sont synonymes d’avancement vers un monde meilleur. L’altération de leurs sentiments devient inévitable, ils ne vont pas au même rythme des étapes du deuil. Sean veut vite avancer, pour arriver de l’autre côté du pont, une vie où la douleur est atténuée. Martha a besoin de temps. Le temps qu’il faut pour qu’une graine de pommes germe, entourée de coton dans un frigo.
Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Pieces of a Woman porte bien son nom cependant. C’est dans la fragmentation du personnage de Martha, son déchirement interne, où le film tient quelque chose de puissant. Malheureusement, il finit par s’enliser dans un sage mélodrame, indigne du duo Mundruczó/Wéber, qui nous ont habitués à plus original.
Laura Enjolvy