À ne pas confondre avec le "Ondine" (2009) de Neil Jordan qui s'inspire également, mais plus librement encore, du mythe éponyme auquel s'intéresse aussi le réalisateur-scénariste allemand Christian Petzold. Ce dernier est connu pour plusieurs bons films, souvent avec son actrice fétiche comme "L'Ombre de l'Enfant" (2003), "Yella" (2007), (2012) et "Phoenix" (2014). Pour ce nouveau projet, pensé comme le premier d'une trilogie sur les mythes allemands, le cinéaste explique : "L'histoire d'Ondine, je la connaissais depuis mon enfance, mais en fait j'ai toujours de faux souvenirs des choses. C'est peut-être nécessaire, d'ailleurs, pour écrire des scénarios : des faux souvenirs, comme un faux témoignages... Ce dont je souvenais bien, c'est cette phrase qu'Ondine prononce à la fin, quand elle tué l'homme infidèle et dit à ses serviteurs : "je l'ai noyé dans mes larmes". J'ai toujours aimé cette phrase de Fouqué. Ce souvenir s'est mêlé à d'autres versions, celles de Lortzing ou de Hans-Christian Andersen avec sa "Petite Sirène", où ce thème revient sous une autre forme. Et un jour, j'ai lu aussi Ingeborg Bachmann : Ondine s'en va. Chez elle, j'ai bien aimé le fait que ce soit Ondine qui parle, et non un narrateur ou un homme quelconque. C'est cette femme qui parle. Sous cet angle-là, on pourrait faire un film, me suis-je dit : en se focalisant sur Ondine, sur son désespoir."...
Christian Petzold a surtout adapté la version de la nouvelle "Ondine s'en va" tirée du recueil "La Trentième Année" (1961) de Ingeborg Bachmann. Précisons que le film a été sélectionné au Festival de Berlin où l'actrice principale a remporté l'Ours d'argent de la meilleure actrice... Ondine vit à Berlin où elle est conférencière historique de la ville. Son fiancée la quitte, la douleur est telle qu'elle le menace de mort si il part vraiment. A peine est-il parti qu'elle tombe amoureuse d'un scaphandrier qui travaille sur un barrage, mais le destin est ainsi fait qu'Ondine se doit de tuer son ex-fiancée avant de se retourner dans les eaux... Ondine est incarnée par Paula Beer déjà vue dans "The Dark Valley" (2014) de Andreas Prochaska, (2016) de François Ozon et dernièrement dans "Le Chant du Loup" (2019) de Antonin Baudry, puis retrouve son réalisateur Christian Petzold et son partenaire Franz Rogowski après "Transit" (2018), acteur vu également dans (2015) de Sebastian Schipper, (2017) et "Une Vie Cachée" (2019) de Terrence Malick. À leur côté, citons les autres partenaires joués par Maryam Zaree vue dans "Shahada" (2010) de Burhan Qurbani et récemment dans "Benni" (2019) de Nora Fingscheidt, puis Jacob Matschenz vu dans "La Vague" (2008) de Dennis Gansel et "Jack" (2014) de Edward Berger, et qui retrouve le réalisateur après avoir joué pour lui dans un téléfilm en 2011... Après des premières minutes qui entrent dans le vif du sujet, d'une efficacité redoutable où les bases du récit sont posés en quelques minutes on est soudain stoppé, comme un interlude sorti de son contexte où comment une scène de conférence est tirée en longueur pour combler (sans doute !) quelques minutes afin de tenir les 90mn habituelles et minimum d'un long métrage.
Le réalisateur l'explique, après avoir vu les maquettes d'un certain Christoph Hochhäulser au Stadtmuseum : "Berlin est une ville construite sur des marais, elle a pour ainsi dire asséché un monde pour devenir une grande ville. Et elle n'a pas de mythes propres, c'est une ville moderne, elle est le résultat d'une conception. En tant qu'ancienne ville de marchands, elle a toujours importé ses mythes. Et dans mon imagination, tous ces mythes, toutes ces histoires que les marchands voyageurs ont apportées ici se sont rertrouvés, avec l'assèchement des marais, comme échoués sur un estran, et se sont lentement desséchées. En même temps, Berlin est une ville qui efface de plus en plus son histoire. Le Mur, qui donnait une identité à Berlin, a été démoli en un rien de temps. Ici, nous avons un rapport au passé et à l'histoire extrêmement brutal. Le Humboldt-Forum, lui aussi, est une destruction du passé parce que le Palais de la République fait partie de l'histoire de Berlin. Et j'ai pensé que tout cela, ces passés détruits, ces mythes résiduels, faisiat partie intégrante de notre histoire d'Ondine."... Certe, on comprend la métaphore entre le mythe de Ondine avec la ville Berlin mais elle est un peu tirée par les cheveux, et était-ce si primordial d'en tiré des monologues parfois intéressants sur le fond mais beaucoup trop ennuyeux au vu du sujet originel, pour ne pas dire tout simplement hors sujet. On perçoit également le parallèle entre passé et modernité, symbolisé par le lac, qui n'est pas un beau lac champêtre mais un lac de barrage industriel. Un choix compréhensif mais qui retire toute magie et/ou romanesque, ce qui est problématique quand on aborde un mythe. Le film manque alors cruellement de mystère et de poésie même si l'épilogue y réussit, mais un peu tard. La dimension industrielle bloque nos émotions car elle s'impose trop face au mythe et au fantastique qui paraît alors sous-exploité aussi bien du point de vue sensoriel que du point de vue matériel. Christian Petzold a été inspiré, assurément, mais il semble que le parallèle bascule trop en faveur d'un réalisme froid et asptisé. Dommage.
Note :