"Le casse-cou du cinéma français", le roi des cascadeurs, Rémy Julienne est mort ce 21 janvier 2021 à l'âge de 90 ans.
Né en 1930 dans le Loiret de parents restaurateurs, le petit Rémy connaît une enfance qu'on pourrait qualifier de "normale". Il devient chauffeur-routier dès ses 18 ans, d'après certaines sources il travaillait pour l'entreprise de son père (?!).
Passionné de sport mécanique, il fait alors beaucoup de moto-cross jusqu'à devenir champion de France 1957 de 500 National, terminant 2nd en 1960-62 en Coupe de France et plusieurs fois sélectionné en Equipe de France. Toujours chauffeur-routier, il rencontre Gil Delamare alors un des cascadeurs les plus réputés qui l'engage sur le tournage du film (1964 - ci-dessous sur le tournage) de André Hunebelle. C'est son premier film comme cascadeur.Gil Delamare dira alors de Rémy Julienne : "J'ai trouvé un motard fantastique, un authentique champion de cross, et en plus, un garçon bien. Bien moralement - droit, franc, presque timide, modeste en tout cas - et bien physiquement, ce qui lui permettra de doubler n'importe quelle vedette."
Le cascadeur impressionne et n'arrêtera plus de tourner. Il quitte son boulot de chauffeur et est engagé aussitôt sur plusieurs tournages dont la mythique saga de "Le Gendarme de Saint-Tropez" (1964-1982 - ci-dessous) de Jean Girault où il double notamment la religieuse dans les célèbres course de la bonne soeur !
Julienne perd son mentor prématurément, Gil Delamare meurt lors du tournage d'une cascade sur le film "Le Saint prend l'Affût" (1966) de Christian-Jaque ce qui rappelle que le métier, encore nouveau pour Rémy Julienne, est un métier dangereux ce qui poussera Rémy Julienne à toujours rechercher de nouvelles techniques afin de sécuriser les tournages, et à professionnaliser à tous les niveaux ce métier encore très marginal.
Il tourne pour l'énorme succès historique "La Grande Vadrouille" (1966) de Gérard Oury sur lequel il retrouve Louis de Funès, acteur qu'il recroisera de nombreuses fois. On peut citer également les films "Le Grand Restaurant" (1966) de Jacques Besnard, "Les Grandes Vacances" (1967) de Jean Girault, "Au Diable les Anges" (1967) de Lucio Fulci, (1968) de George Lautner...
Il participe une première fois avec un certain Jean-Paul Belmondo, alors considérer comme assumant lui-même ses cascades, pour "Ho !" (1968) de Robert Enrico, il retrouve la star aussitôt ainsi que Bourvil dans (1969) de Gérard Oury, puis commence à se faire un nom à l'international. Rémy Julienne coordonne les cascades sur des films comme "L'Or se Barre" (1969 - ci-dessus) de Peter Collison avec les poursuites cultes en mini cooper, mais citons aussi "De la Part des Copains" (1970) de Terence Young et "La Cité de la Violence" (1970) de Sergio Sollima tous avec la star Charles Bronson.
Il assure également sur le film "Le Casse" (1971 - ci-dessous) de Henri Verneuil avec une nouvelle fois Jean-Paul Belmondo où il assume une course-poursuite de 9mn au sein d'une circulation non stoppée ni sécurisée jusqu'à ce que le cascadeur s'oblige à s'encastrer dans une bordure pour éviter une voiture non prévue dans le programme.
Les années 70 sont particulièrement prolifiques avec les films (listes non exhaustives !) "Le Silencieux" (1972) de Claude Pinoteau, "Le Serpent" (1972) de Henri Verneuil, "La Nuit Américaine" (1972) de François Truffaut, "Le Chacal" (1972) de Fred Zinnemann, "Cosa Nostra" (1972) de Terence Young, "L'Aventure c'est l'Aventure" (1972) de Claude Lelouch, "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) de Gérard Oury, "Deux Hommes dans la Ville" (1973) de José Giovanni, "French Connection 2" (1974) de John Frankenheimer, "Flic Story" (1975) de Jacques Deray, "L'Alpagueur" (1975) de Philippe Labro, "Police Python 357" (1976) de Alain Corneau, (1977) de Claude Zidi, "La Coccinelle à Monte Carlo" (1977) de Vincent McEveety, "Mort d'un Pourri" (1977) de Georges Lautner, "Coup de Tête" (1979) de Jean-Jacques Annaud, "Avec les Compliments de Charlie" (1979) de Stuart Rosenberg, "Inspecteur la Bavure" (1980) de Claude Zidi, "Le Guignolo" (1980 - ci-dessous) de Georges Lautner...
On peut dire que la consécration arrive ensuite, pour mieux débuter les années 80 puisqu'il est choisit comme coordinateur cascade sur le nouveau James Bond, "Rien que pour vos Yeux" (1981) de John Glen. Un succès et une reconnaissance qui va se poursuive sur les 5 prochains de la saga.
Rémy Julienne est sans doute alors au sommet de sa gloire et de sa renommée, et désormais est de quasi tous les films où les têtes d'affiche sont Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo.Citons "Le Professionnel" (1981) de Georges Lautner, "Pour la Peau d'un Flic" (1981) de Alain delon, "L'As des As" (1982) de Gérard Oury, "Mortelle Randonnée" (1982) de Claude Miller, "Le Marginal" (1983) de Jacques Deray, le 007 (1983) de John Glen, le monument "Il était une Fois en Amérique" (1983) de Sergio Leone, "Canicule" (1984 - ci-dessus) de Yves Boisset, "La Femme Publique" (1984) de Andrzej Zulawski, "La Septième Cible" (1984) de Claude Pinoteau, "Les Morfalous" (1984) de Henri Verneuil, le 007 "Dangereusement Votre" (1985) de John Glen et sa célèbre Renault 11 "décapitée", "Mauvais Sang" (1986) de Leos Carax, "Mr Dynamite" (1986) de et avec Jackie Chan, "Twist Again à Moscou" (1986) de Jean-Marie Poiré, "Le Solitaire" (1987) de Jacques Deray, retour avec nouveau 007 "Tuer n'est pas Jouer" (1987) de John Glen, "Man on Fire" (1987) de Elie Chouraqui, "Frantic" (1988) de Roman Polanski, "Permis de Tuer" (1989 - ci-dessous) de John Glen, "Netchaiev est de Retour" (1991) de Jacques Deray, "Les Associés" (1991) de John Woo, "Un Crime" (1993) de Jacques Deray, et retrouve une ultime fois 007 pour (1995) de Martin Cambell...
Entre temps le cascadeur se diversifie, il remporte entre autre les 24H Motonautiques de Rouen en 1982 (ci-dessous) avec Bruno Masurier et Jean-Claude Bouttier, et surtout il monte le spectacle mécanique "Motor Show" en 1986 à Bologne (Italie) qui réunit pas moins de 1,6 millions de spectateur en 9 jours !
Il effectue un caméo "officiel" sur le film "Le Huitième Jour" (1996) de Jaco Van Dormael, retrouve ses stars Delon et Belmondo ensemble dans "Une Chance sur Deux" (1998 - ci-dessous) de Patrice Leconte avant d'assumer les cascades sur un film évènement, "Taxi" (1998) de Gérard Pirès produit par un certain Luc Besson.
"Taxi" est un succès énorme et la suite est logiquement lancée. Malheureusement, le tournage de "Taxi 2" (2000) de Gérard Krawczyk est endeuillé par la mort d'un cameraman le 16 août 1999 (votre serviteur était présent sur les lieux ce jour-là !) alors que Rémy Julienne est le responsable des cascades. Dans un premier temps Rémy Julienne est condamné à 18 mois avec sursis et 13000 euros d'amende, puis en Appel en 2009 à 6 mois de sursis et 2000 euros d'amende. Le cascadeur ne sera pas présent lors des audiences suites à deux infarctus du myocarde.
Entre temps, plus étonnant, Rémy Julienne est sollicité par la Justice Française pour une reconstitution judiciaire concernant un meurtre commis par le tueur en série Sid Ahmed Rezala.
Il ne tournera plus que deux longs métrages comme coordinateur cascade, "Riders" (2002) de Gérard Pirès et la superproduction "Da Vinci Code" (2006) de Ron Howard, sans compter quelques courts et/ou documentaires dont sa dernière apparition dans le court "Void and Method" (2017) de Rémy Bazerque.
Parallèlement il est engagé par le groupe Disney pour créer l'attraction "Moteurs, Action !" (ci-dessus) pour Disneyland Paris qui est présentée en 2002. La réussite du projet et le succès rencontré permet de reproduire l'attraction au Disney-MGM Studios en Floride.
Rémy Julienne aura collaboré sur plusieurs centaines d'oeuvres (1400 chiffres plutôt "légendaires", mais par exemple IMDB relève 222 crédits...), environs 200 longs métrages sans compter des shows divers et variés et de nombreuses publicités pour la plupart des grands constructeurs automobiles.
Rémy Julienne a deux fils, Dominique et Michel qui sont également coordinateurs cascades et donc les enfants poursuivent eux aussi la tradition familiale.Si la tragédie sur "Taxi 2" a assurément mis un coup de frein à la carrière de Rémy Julienne, l'artiste demeure une légende dans son domaine, où il aura écumé les plateaux et le bitume sur 5 décennies de cinéma. La profession singulière de cascadeur doit énormément à cet homme, ne l'oublions pas, à l'instar d'un Yakima Canutt outre-Atlantique.
Rémy Julienne est mort de suites du Covid-19 ce jeudi 21 janvier 2021 à l'âge de 90 ans.