(Critique - sans spoilers - de la saison 1)
Pas besoin d'avoir fait des études en culture antique pour le savoir : Zeus n'était pas le plus fidèle des conjoints. C'est en partant de ce postulat que Blood of Zeus décide d'inventer son propre pan de mythologie grecque, en attribuant au Dieu volage un énième rejeton en la personne de Heron. Ignorant de ses origines, le demi-dieu vit reclus avec sa mère à proximité d'un village qui les traite en pariahs. Son destin atypique le rattrape pourtant avec brutalité lorsqu'une horde de démons fait une apparition sanglante et qu'une amazone du nom d'Alexia lui propose de se joindre à elle pour les éradiquer. Sans qu'il le sache, cette quête le met sur la route de son propre héritage qu'il lui reviendra de confronter et d'embrasser.
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Il va sans dire que la série prend de vastes libertés par rapport au canon mythologique, émancipation qui va bien au-delà de la seule originalité de son intrigue. Le principal coup d'éclat de Blood of Zeus est en effet dans ses propositions esthétiques, qui viennent dépoussiérer les images des gravures pour y substituer un character design d'une modernité désarçonnante. Ainsi, les divinités aux looks anachroniques côtoient des créatures d'une monstruosité poétique, au premier rang desquelles on retrouve des Géants aux incarnations aussi diverses qu'inquiétantes, pour une réinterprétation de la Gigantomachie qui n'est pas sans rappeler l'invasion des Anges dans Neon Genesis Evangelion. S'il s'agit d'une production américaine inspirée de légendes grecques, le format évoque en effet plutôt l'anime japonais, que ce soit en termes de dessins ou d'arcs narratifs.
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Scénaristiquement, pas question de remettre en cause la théorie du monomythe de Joseph Campbell : on déroule sous les pieds d'Heron un obscur chemin fait de tragédies, de sacrifices et de transcendance. Pour autant, il serait malhonnête de porter sur ce carcan narratif un regard désapprobateur, puisqu'il tient avant tout les promesses de grandeur et d'héroïsme que laissait présager le sujet, en nous emmenant, au fil des péripéties, des sommets de l'Olympe aux berges du Styx, en passant par le repère des Moires où se tissent les fils tortueux du destin et l'étrange tanière des Oneiroi qui déversent les songes dans le sommeil des hommes. C'est donc avec un plaisir certain que l'on découvre cette variation toute neuve des récits qui peuplent depuis des millénaires l'imaginaire de notre civilisation, et qui a comme un arrière-goût de madeleine de Proust revisitée.
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L'autre avantage de ce socle familier est qu'il permet d'aller à l'essentiel concernant la caractérisation des personnages et de l'univers. Ainsi, si les protagonistes nés de la seule plume des scénaristes ont leur lot de passé trouble et de blessures secrètes à nous révéler, il suffit d'un attribut pour évoquer Poséidon ou Hadès et toute la puissance ou la crainte qu'ils inspirent. Si l'on est parfois frustré de tout juste identifier, dans un arrière-plan, les attraits d'Aphrodite ou la fierté d'Artémis sans que leur soit donnée l'occasion de faire la démonstration de leurs pouvoirs, c'est bien que notre curiosité est piquée et que l'on est déjà prêt à en redemander. En définitive, seule la dynamique de couple entre Zeus et Héra fait l'objet d'un traitement un peu plus étoffé, humanisant de fait les deux époux dont l'envergure surnaturelle ploie sous le poids des sentiments les plus triviaux.
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La saveur si particulière de la série repose ainsi aussi bien sur le croisement de diverses traditions dramaturgiques que sur une habile synthèse de figures classiques et d'influences modernes ; ce faisant, elle semble aller main dans la main avec le jeu Hadès qui, tout juste un mois plus tôt, avait fait une entrée remarquée sur la scène vidéoludique en redorant lui aussi le sex-appeal des divinités grecques. Sans l'ombre d'un doute, Blood of Zeus est conscient de l'enchantement que suscite sa direction artistique, et nous gratifie de savoureux concepts arts et storyboards à chaque fin d'épisode. Cela nous ferait presque oublier le seul bémol à apporter sur sa forme : l'animation n'atteint pas la fluidité auxquelles nous habituent les productions nippones, et laisse flotter quelques interrogations sur le budget dont elle a disposé...
Lila Gleizes