Eureka (2000) de Shinji Aoyama

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Sélectionné au festival de Cannes 2000 ce film reçoit le Prix de la Critique Internationale. Un film qui a reçu un bon accueil critique et public malgré sa durée non négligeable de 3h37 ! Après des films comme "Helpless" (1996) et "Deux Voyous" (1997), le réalisateur japonais se lance dans un projet ambitieux : "Ce film est une forme de prière pour l'homme moderne qui cherche le courage de vivre (...). Dans mes films précédents, j'ai raconté des histoires juxtaposant des personnages socialement inadaptés, sur lesquels pèse le fardeau psychologique de la société d'après-guerre. Avec Eureka, j'ajoute à mon oeuvre une prière pour la vie, un désir de renaître. Le nombre quatre tient une place importante dans Eureka. Il y a quatre personnages principaux, et quatre tombes devant la maison. C'est un nombrequi conduit le destin, en tous cas dans la prmeière partie. En japonais, quatre se prononce "shi", qui peut signifier aussi la mort. Le nombre quatre se rapporte par ailleurs à la famille traditionnelle (deux parents, deux enfants). Ces vingt dernières années, la tradition familiale s'est désintégrée et ce nombre idéal n'a plus de sens." À noter que Shinji Aoyama est réalisateur-scénariste de son film, et qu'il retrouve son Directeur Photo Masaki Tamura après "Helpless" qui deviendra un fidèle en enchaînant ensuite avec "Desert Moon" (2001)...

Lors d'une prise d'otage dans un bus, seuls trois survivants s'en sortent après le massacre, le chauffeur et deux ados frère et soeur. Deux ans après, l'ex-chauffeur qui avait quitté les lieux est de retour en ville au même moment où un tueur en série commet ses premiers crimes. Il croise les deux ados, devenus mutiques, qui vivent désormais seuls. Il emménage avec eux, se comprenant suite à leur soucis post-traumatique... Le chauffeur est incarné par la star Koji Yakusho vu peu de temps avant dans "L'Anguille" (1997) de Shohei Imamura Palme d'Or à Cannes, et qu'on reverra dans des films comme "Babel" (2006) de Alejandro Gonzales Inarritu, "Hara-Kiri : Mort d'un Samouraï" (2011) de Takashi Miike et "The Third Murder" (2017) de Hirokazu Kore-Eda. Les deux ados sont interprétés par une fratrie, Masaru et Aoi Miyazaki (rien à voir avec le génie de chez Ghibli !), si Masaru et Aoi se retrouveront dans "Hatsukoi" (2006) de Yukinari Hanawa c'est surtout Aoi qui fera une carrière remarquée en retrouvant notamment son réalisateur Shinji Aoyama pour ""Eli Eli Iema Sabachtani ?" (2006) et surtout "Sad Vacation" (2007). Le quatrième de la bande est joué pat Yoichiro Saito vu dans "Tokyo Eyes" (1997) de Jean-Pierre Limosin et plus tard dans "La Forêt de Mogari" (2007) de Naomi Kawase. Ce dernier retrouve ainsi son partenaire de "Tokyo Eyes" Ken Mitsuishi qui lui-même retrouve le réalisateur après "Helpless", il retrouve Koji Yakusho après "13 Assassins" (2010) de Takashi Miike, et retrouve un autre partenaire, Yutaba Matsushige après "Outrage 2" (2012) de et avec Takeshi Kitano. Pour finir citons Machiko Ono vue dans "Suzaku" (1997) de Naomi Kawase qui retrouvera donc Yoichiro Saito dans "La Forêt de Mogari" et vue dernièrement dans "Tel Père, Tel Fils" (2013) de Hirokazu Kore-Eda... Premier constat, le DVD indique une durée de 2h30, et au vu du speech qui tient su run timbre poste on se doute que le cinéaste joue la carte du temps qui s'étire et/ou du contemplatif. Mais alors que n'arrive-t-il pas quand on s'aperçoit durant la séance qu'en fait le film dure pas moins de 03h37 ?! Pas grave me direz-vous, de grands chefs d'oeuvres dépassent allègrement les 3h ("Autant en Emporte le Vent", "La Liste de Schindler", "Titanic", "Il était une Fois en Amérique"...) mais on constate que ces derniers films cités ont un scénario dense et une réelle évolution autant dans l'action que dans le temps. Premier constat, "Eureka" peut raconter exactement la même histoire avec 1h en moins sans soucis. D'abord on est séduit par le choix d'un Noir et Blanc plus inhabituel qu'à l'accoutumée, un peu terne, un genre de sépia qui rappelle surtout des photos d'archives comme celles d'Hiroshima après son bombardement ; de là à y voir un parallèle...

Après un prologue sans doute obligatoire mais un peu long (pourquoi en montrer autant au fond ?!), l e récit se focalise sur le chauffeur qui se retrouve soupçonner d'être le tueur en série, pourquoi ?! Comment ?! On ne le saura jamais tant cette suspicion est gratuite. Ensuite il y a la "mise en ménage", et là ça choque semble-t-il personne qu'un homme célibataire s'incruste au domicile de deux ados qui vivent seuls de surcroît ?! Puis arrive le quatrième larron, qui n'apporte strictement rien à l'histoire, ni ne l'enrichit, ni provoque d'évolution des uns ou des autres à l'exception notable d'une scène qu'on pourrait qualifier de "twist", si vous ne l'aviez pas encore deviné. Le film est plombé par trop d'invraisemblances donc, dont une police qui n'enquête pas à priori, qui laisse chacun vaquer à ses occupations ?! Presque pire que la longueur/lenteur du récit, ces incohérences n'aident à la crédibilité de l'ensemble. Mais forcément, la mise en scène de Shinji Aoyama prend son temps, étirant toutes les scènes au maximum de leur limite, de la prise d'otage pas si utile à être montrer, à un long plan sur un simple poste radio (?!) en passant par une autoroute, à tel point qu' il nous faudrait extrapoler un moment pour y déceler (ou non !) une symbolique éventuelle à tout ça. Pourtant, on s'attache forcément à ces personnages, on a forcément de l'empathie même si niveau psychologique ça reste limité, du moins un peu caricatural, le post-traumatique se résumant à des cauchemars et à des ados qui ne disent pas un mot. Si être fasciné est trop fort, la mise en scène lancinante et surtout la photographie impose un style et un climax singuliers jusqu'à ce final qui ne manque pas d'onirisme. Shinji Aoyama signe un film intéressant, avec un vrai fond mais à force de s'extasier devant sa propre mise en scène il en a oublié l'efficacité nécessaire à séduire le public, car au vu du style et du concept, 2h30 était déjà une gageure. Dommage.

Note :