La dernière fanfare

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La dernière fanfare » de John Ford.

« En Amérique, le sport qui attire le plus de spectateurs, c’est la politique. C’est un jeu passionnait à suivre ! »

Maire d’une ville de la Nouvelle Angleterre, le roublard Frank Skeffington brigue un cinquième mandat. Il se lance dans une campagne féroce au terme de laquelle, il est donné perdant. Avec contre lui, un candidat supporté par les grands industriels de la région et un autre, plus jeune, qui utilise des moyens modernes, Skeffington ne s’avoue pourtant pas vaincu…

« Les espoirs déçus ne font jamais beaucoup de bruit »

Cinéaste parmi les plus importants de l'histoire du cinéma américain (pour ne pas dire mondial), John Ford aura traversé plus de cinquante années, passant sans encombres de l'ère du muet au cinéma parlant. Cinq décennies durant lesquelles, en touchant un peu à tous les genres (western, polar, comédie, drame...), il se sera imposé comme l'un des plus fins observateurs et chroniqueurs des évolutions de la société américaine et de ses mœurs. Et ce, toujours avec ce même regard teinté d'humanisme et d'idéalisme. Mais plus encore, on décèle en creux dans l'œuvre de John Ford une appétence certaine pour les questions liées au fonctionnement de la vie politique américaine. Une thématique que l'on retrouve par exemple dans « Le soleil brille pour tout le monde » (1953) dans lequel une histoire de procès prend pour toile de fond une campagne électorale, ou encore dans « L'homme qui tua Liberty Valance », film incroyablement dense qui raconte à sa manière la structuration des territoires sauvages de l’est en états de l’Union à part entière.

« Si ce n’est pas un adieu disons que ça y ressemble beaucoup »

Mais c'est sans doute avec « La dernière fanfare » qu’il traite du monde politique de la façon la plus frontale et la plus directe. Adaptation du roman éponyme d’Edwin O’connor, ce film tardif dans la carrière du cinéaste prend pour sujet la campagne électorale du maire d’une grande ville américaine (qui ressemble à s’y méprendre à la très irlandaise Boston, même si le nom n’est jamais cité) en vue de sa propre réélection. Un postulat a priori très simple sur le papier, mais qui donne lieu à un récit très dense et d’une grande acuité, avec plusieurs niveaux de lectures. « La dernière fanfare » est ainsi le portrait affectueux d’un politicien progressiste qui trouve ses racines dans les strates les plus populaires de la population : fils d’immigrés irlandais, il aura survécu à une jeunesse miséreuse, gravissant les échelons sociaux pour finalement incarner le rêve américain en devenant un édile puissant et charismatique. Un homme débonnaire qui, en dépit des apparences, n’aura jamais vraiment oublié ses racines (dont il garde de nombreuses relations plus ou moins amicales, notamment avec l’évêque de la ville, qui n’est autre qu’un ami d’enfance) et dont les actions, parfois à la limite de la légalité (chantage, manipulations) restent toujours mues par un profond désir de servir la communauté et notamment les plus faibles. Mais en creux, au détour de quelques détails ou autres répliques, il raconte une certaine réalité des rapports sociaux américains (opposition entre riches WASP au comportement féodal et pauvres irlandais, persistance des inégalités, importance des communautarismes). Surtout, au détour de cette campagne dont le résultat ne sera pas celui escompté, Ford rend compte des transformations en cours de l’Amérique, avec l’émergence de la télévision et de l’importance donnée à l’image et au paraitre (qui prendra tout son sens quelques mois plus tard avec l’élection de Kennedy). Une ère de modernité dans laquelle un vieux lion comme Skeffington (sorte de double du cinéaste) ne semble désormais plus avoir sa place. En mode nostalgique, John Ford signe là une chronique élégiaque à la fois brillante et poignante sur la fin d’une époque et d'une certaine Amérique. Le tout porté par la prestation de haut vol d’un Spencer Tracy habité. Sans aucun doute, il s'agit là de l’un des chefs d’œuvre les plus méconnu du cinéaste.

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Le DVD : Le film est présenté dans une copie remastérisée à partie d’un scan 2k, en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de trois présentations exclusives respectivement signées par Jean-Baptiste Thoret (13min.), Jean-Francois Rauger (24 min.) et Patrick Brion (19 min.), ainsi que d’une bande-annonce originale. Le blu-ray comprend également un bonus supplémentaire, « Ford par Lindsay Anderson » (1993, 40 min.).

Edité par Sidonis Calysta, « La dernière fanfare » est disponible en édition collector blu-ray + DVD + livre de 80 pages depuis le 20 octobre 2020.

Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.