Dotée d'une approche originale pour certaines thématiques qui ne le sont pas nécessairement de base, Le prix de la paix créée et écrite par Petra Volpe ( Traumland, L'Ordre divin) nous immerge dans une Suisse au sortir de la Seconde Guerre mondiale tandis que l'Europe est sur le point de démarrer sa reconstruction. Le fait de situer l'action en territoire Suisse est tout sauf anodin pour cette fiction qui entend nous exposer l'histoire dudit pays, présenté à cette époque comme une terre d'accueil bienveillante pour les survivants des camps d'extermination nazis, véritable vitrine paradisiaque qui va finalement révéler des lendemains désenchantés pour ceux qui vont y débarquer avec de l'espoir plein le cœur. Si Petra Volpe avait d'abord songé à écrire son projet en long-métrage, c'est finalement sous forme d'une mini-série que Le prix de la paix vit le jour ce qui fut indéniablement une bonne idée, pour prendre le temps nécessaire au brossage des problématiques de différents ordres allant des survivants des camps jusqu'aux criminels de guerre en cavale tout en passant par les conséquences des stoylines en question sur une entreprise appartenant à la famille des protagonistes. Si le chocolat proposé est appréciable à déguster, gageons qu'il n'est pas dénué d'aspérités.
Le prix de la paix se focalise ainsi comme nous le disions sur une famille. Il y a tout d'abord Klara ( Annina Walt), la fille d'un industriel dont la santé est aussi défaillante que celle de son entreprise, qui s'occupe de jeunes rescapés des camps de concentration. Si Klara s'avère tout d'abord être extrêmement candide, maladroite et peu dégourdie, le capital sympathie d' Annina Walt nous permet malgré tout de ressentir assez aisément un certain attachement à son égard. C'est donc par son biais que les conditions d'accueil des rescapés nous sont présentées avec l'idée de nous montrer d'emblée que les survivants ont malheureusement quitté un camp pour un autre. En effet l'arrivée en Suisse se fait assez ironiquement : les enfants les plus âgés sont au départ persona non grata, l'absence de budget empêche ces jeunes pousses d'être nourries à leur faim ou éduquées, et elles n'ont quasiment aucune marge de manœuvre ou divertissement au sein de leur nouveau foyer dont elles contemplent les murs en n'y voyant que les barreaux d'une énième prison. Klara est mariée à Johann ( Max Hubacher) qui va finir, via un concours de circonstances, par reprendre l'entreprise de ses beaux-parents pour tenter de la sauver de la faillite avec un projet de production de fibres synthétiques. Le projet en question va toutefois demander une main d'œuvre précise et qualifiée exposant rapidement l'entreprise à la tentation d'aller la chercher du côté d'un criminel de guerre. Enfin il y a Egon (le très charismatique Dimitri Stapfer), frère de Johann, traumatisé par d'obscures exactions de guerre, qui chasse les Nazis réfugiés et cachés en Suisse pour se reconstruire incognito une nouvelle vie ; son but est simple : les retrouver et les faire extrader. Si les trames sont au départ relativement indépendantes elles vont rapidement finir par s'entremêler d'une façon logique, ingénieuse et divertissante permettant à la série de lever le voile sur une période géographique et historique globalement assez méconnue de l'après-guerre et c'est là son plus gros point fort.
Le prix de la paix est intéressante lorsqu'elle contextualise la jeune génération helvète dans ce contexte branlant, hypocrite et souvent moralement douteux, mais elle n'est pas pour autant particulièrement surprenante dans les péripéties de ses personnages où le personnel prend souvent le pas sur les grands enjeux. Bien que les trois protagonistes préalablement présentés cultivent suffisamment d'intérêt tout le long de la narration, leurs histoires demeurent assez cousues de fil blanc et le premier épisode suffira d'emblée à nous donner de nombreuses pistes sur leur potentiel avenir. Ce n'est d'ailleurs pas différent pour Herschel ( Jan Hrynkiewicz), quatrième personnage important que nous n'avons pas encore présenté ; il s'agit d'un jeune juif survivant des camps qui va se rapprocher de Klara. Là encore la série entame des interactions assez convenues entre chacune de ces trajectoires. Outre cet aspect assez linéaire des intrigues, qui ne manquent néanmoins pas d'intérêt, Le prix de la paix est faiblarde en termes d'émotions notamment par rapport aux jeunes survivants. Difficile de dire si c'est au niveau de l'écriture ou de la mise en scène que la puissance potentielle insufflée dans certaines scènes tombe à l'eau, mais le fait est que l'ensemble demeure souvent bien trop lisse. Pourtant plusieurs passages, principalement centrés sur les enfants juifs, se revendiquent pudiques et émouvants mais la mayonnaise ne prend jamais réellement...peut-être qu'au fond tout cela ne s'avère un peu trop mécanique et balisé pour réellement nous toucher. La série a indéniablement dans sa construction un côté didactique et pédagogique si nous prenons de la hauteur sur le contexte en tant que tel, mais elle peine à insuffler de la vie au milieu de ses différents pions, et pourtant les personnages ne manquent pas de problèmes et de dilemmes moraux. Nous retiendrons néanmoins une belle scène assez touchante offerte par Egon au cours d'un épisode.
Le prix de la paix est donc à voir pour se cultiver ludiquement sur une période assez peu abordée de la Suisse durant l'après-guerre, son mini format la rendant aisément accessible. Tandis que la série se montrera efficace pour brosser ledit tableau, en proposant quelques bonnes idées comme le fait d'axer l'intrigue sur une entreprise de textile et sa modernisation tout en jonglant habilement avec les différents points de vue de ses personnages, elle peinera davantage lorsqu'il s'agira d'insuffler de l'émotion en son sein. Le dernier épisode nous a également laissé un goût de trop peu, la mini-série se concluant de façon légèrement expéditive. A découvrir sur ARTE les jeudis 25 mars et 1er avril et en intégralité sur arte.tv du 18 mars au 30 avril.
Crédits: Arte