Créateur de séries majeures comme le cultissime Queer as Folk ou plus récemment l’implacable Years and Years, Russel T Davies se confronte enfin à un sujet qu’il avait jusque là évité d’aborder frontalement, l’arrivée du Sida dans les années 80 et l’effroyable hécatombe provoquée par l’épidémie dans une communauté gay livrée à elle-même.
Peut-être avait-il besoin de murir ce projet, toujours est-il qu’il livre son œuvre la plus bouleversante, un récit poignant se déroulant sur dix années qui allie la puissance émotionnelle de la fiction à la force de la nécessité documentaire. Une œuvre aussi essentielle que Philadelphia, Angels in America ou 120 Battements.
It’s a Sin raconte l’histoire d’un groupe d’amis qui se rencontrent et se lient dans le milieu gay londonien encore confidentiel et secret. Ayant chacun fuit un environnement familial peut propice au coming-out, ils sont bien décidés à vivre leur vie librement et profiter avec exaltation de leur jeunesse. Lorsque les premiers articles sur une mystérieuse maladie décimant la communauté gay à NY commencent à sortir, l’insouciance se voile d’inquiétude. Mais le peu de relai dans les médias traditionnels, le silence assourdissant des institutions politiques et médicales laissent s’installer l’incrédulité et le scepticisme dans la communauté, voir le déni. Jusqu’à ce que la maladie les percute de plein fouet. Les premiers cas, d’abord lointains et incertains. Puis des amis qui ne donnent plus de nouvelles, avant que l’on comprenne. Les téléphones qui sonnent comme des couperets. La peur. Et alors que le virus se propage, la suspicion, l’ostracisation, la mise au ban de la société de gamins qui meurent seuls en pestiférés, la honte au corps. Et un monde qui détourne le regard.
Russel T Davies raconte cette histoire en s’appuyant des personnages beaux et forts, immédiatement attachants. Sa mise en scène qu’il veut pudique mais suffisamment suggestive pour marquer durablement les esprits alternent avec beaucoup de dignité pulsion de vie et souffle de mort. Elle pétille de plein d’idées emballantes autant qu’elle sidère par l’horreur du drame qui se déroule devant nos yeux. Que son sujet mortifère soit quasi constamment adouci par une légèreté indestructible est le plus beau des hommages fait à ces garçons fauchés au début de leur vie.
It’s a Sin rappelle à quel point il est nécessaire de raconter l’histoire de cette génération et ce que les suivantes lui doivent. Chacun pourra retrouver un peu de sa jeunesse en Ritchie, Jill, Ash, Roscoe et Colin, c’est ce qui rend It’s a sin si pertinent. Vous ne sortirez pas indemnes de ces 5 épisodes, ces gamins ne vous lâcheront pas de si tôt. Absolument brillant, définitivement essentielle et nécessaire. Là !