[COEURS D♡ARTICHAUTS] : #29. Step Up

[COEURS D♡ARTICHAUTS] : #29. Step Up

© Buena Vista Pictures, All Rights Reserved.

Parce que l'overdose des téléfilms de Noël avant même que décembre ne commence, couplé à une envie soudaine de plonger tête la première dans tout ce qui est feel good et régressif, nous a motivé plus que de raison à papoter de cinéma sirupeux et tout plein de guimauve; la Fucking Team vient de créer une nouvelle section : #CoeursdArtichauts, une section ou on parlera évidemment de films/téléfilms romantiques, et de l'amour avec un grand A, dans ce qu'il a de plus beau, facile, kitsch et même parfois un peu tragique.
Parce qu'on a tous besoin d'amour pendant les fêtes (non surtout de chocolat, de bouffe et d'alcool), et même toute l'année, préparez votre mug de chocolat chaud, votre petite (bon grande) assiette de cookies et venez rechauffer vos petits coeurs de cinéphiles fragiles avec nous !

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#29. Sexy Dance de Anne Fletcher (2006)

En 2006, un tout jeune Channing Tatum jouait les bad boys au cœur tendre dans un modeste film de danse, qui se révélera très lucratif. Sorti sous le nom de Sexy Dance en France, ce premier film d’une saga qui en compte désormais cinq (ainsi qu'une adaptation en série sous le nom de Sexy Dance : High Water, diffusée sur Youtube depuis 2018) a connu un joli succès à sa sortie. Réalisé avec le petit budget de douze millions de dollars, il en a rapporté plus de vingt millions sur le territoire américain lors de sa première semaine d’exploitation.
Step Up, son nom original (plus à propos), est réalisé par Anne Fletcher. Danseuse de formation, le long métrage est sa toute première réalisation, où elle signe également l’ensemble des chorégraphies du film. Écrit par Duane Adler, le scénariste du film Save the Last Dance, avec Julia Stiles (2001) et Melissa Rosenberg, également danseuse de formation et aujourd’hui showrunneuse de la série Jessica Jones, Sexy Dance se veut réaliste dans la performance technique des acteur‧trices et dans son propos. Si le film tire vers la rom-com teenage (malgré l’âge moyen réel du casting, qui tourne autour des vingt-six ans), il place la danse au centre de sa narration. 

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Nous suivons Tyler, un orphelin de dix-huit ans, qui vit avec sa famille d'accueil dans la banlieue de Boston. Il rencontre Nora, une jeune danseuse, étudiante à l’école d’art de la ville. Alors qu’il a saccagé le théâtre de l’école lors d’une soirée avec ses amis, il doit effectuer deux cent heures de travaux d'intérêt général pour rembourser les dégâts. Nora prépare son gala de fin d’année, mais son partenaire se blesse et personne ne peut le remplacer. Comme le hasard fait bien les choses, il se trouve que Tyler est un danseur de breakdance hors pair, capable d’apprendre d’autres formes de danse, vite et bien. Alors que tous deux répètent la chorégraphie imaginée par Nora pour intégrer de prestigieuses compagnies de danse, les protagonistes vont tomber éperdument amoureux‧ses.
Parce que Sexy Dance met les chorégraphies en avant, il devient presque évident de voir Tyler et Nora tomber sous le charme l’un de l’autre. La danse permet un rapprochement des corps qui remplace les fameuses scènes de déclaration d’amour des comédies romantiques classiques. Le désir et les sentiments se dévoilent par le corps et offrent de beaux moments lyriques, telle une comédie musicale de l’âge d’or hollywoodien. Les gestes substituent les mots dans une séquence filmée lors d’un couché de soleil, avec vue sur l’océan. Nous pensons à Gene Kelly et Leslie Caron, dansant amoureusement sur les quais de Paris (Un américain à Paris, 1951). Ou encore à Fred Astaire et Cyd Chariss, qui laissent leur différend de côté pour partager un doux moment de danse au travers de Central park (Tous en scène, 1953). Channing Tatum et Jenna Dewan se transforment en couple star, exprimant par la danse l’amour naissant. Une alchimie palpable, qui deviendra réelle suite au tournage. Anne Fletcher tenait à ce que son casting comporte de véritables danseur‧euses, ce qui rapproche de nouveau Sexy Dance aux deux films cités précédemment. Il permet à la cinéaste d’éloigner sa caméra pour apprécier la chorégraphie dans son ensemble. Le duo principal a été peu doublé pendant le tournage, le montage peut donc être rythmé en fonction de la danse et éviter d’être découpé à outrance pour masquer les défauts. Le film n’est évidemment pas le seul à avoir cette ambition. Nous pouvons citer Danse ta vie (Center Stage, 2001), où l’on peut voir le corps de ballet de l’American City Ballet de New York dans les rôles principaux (mais également Zoe Saldana, danseuse professionnelle avant de devenir actrice). 

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Sexy Dance c’est aussi cette histoire d’amour entre deux âmes si différentes. Une sorte de Roméo et Juliette moderne, où les Capulet et les Montaigu seraient remplacés par les deux formes de danse : le classique et le hip-hop (le classique est ici remplacé par du modern’jazz). Ce n’était pas la première fois que l’on met en exergue cette confrontation. Hélas, le long métrage renforce ce cliché tenace de montrer le hip-hop comme une danse qui ne requiert aucune rigueur. Une danse énergique et libre, qui paraît presque innée quand on la compare à celle qu'effectue Nora, qui demande entraînement et sacrifice. Le hip-hop étant une danse de rue, créé par les communautés afro-américaines, de nombreux écueils, apportés par le cinéma notamment, sont ici repris. Le hip-hop devient une danse “amatrice”, qui ne s’étudie pas. L'apprentissage se considère dans un unique sens : le danseur de rue doit apprendre une danse plus classique, jamais l'inverse. Cette vision se retrouve dans ce film, où Nora apporte à Tyler la technique et en retour, il lui apporte le lâcher-prise. Pourtant, à la vue des quelques gestes de bras de Channing Tatum, comme des vagues, comment ne pas penser aux gestes tout aussi techniques du ballet Le Lac des Cygnes, où les bras deviennent des ailes ? Sexy Dance s’inscrit dans une vision très blanche des banlieues, du monde du hip-hop, qui a traversé la pop-culture des années 2000. Heureusement, la dichotomie des deux danses tend à disparaître au fur et à mesure que le duo se rapproche. Tyler finit par insérer quelques gestes de breakdance dans la chorégraphie finale, un entre-deux entre hip-hop et modern’jazz, métaphore du couple que forment maintenant Tyler et Nora. Cependant, on ne peut éviter un propos sans nuance sur les communautés noires de Boston, les dimensions politique et sociale étant tues, au profit de la comédie romantique. Il ne faudrait surtout pas complexifier cette partie de la narration !

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Sexy Dance est porté par une énergie sans faille. Véritable film de danse, cet art devient l’élément clef du récit. Il rapproche deux êtres esseulés par la vie dont la danse est devenue un échappatoire, un but à atteindre. La mise en scène joue sur le dynamisme des corps sans toutefois être aidé par des substituts de montage. C’est dans ce réalisme, ce refus d’artifice que se cache le plaisir du spectateur. Anne Fletcher transmet ce respect du geste filmé, un enthousiasme communicatif qui n’a pas pris une ride.
Laura Enjolvy
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