Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 28 Mars au 3 Avril.
Dimanche 28 Mars. Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier sur France 2.
Jeune enarque, Arthur Vlaminck est recruté par le cabinet d’Alexandre Taillard de Worms, flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il lui confie le « langage », autrement dit, la rédaction des discours. Le directeur de cabinet le charge alors de préparer l’allocution du ministre aux Nations-Unis.
Hommage oblige on plonge dans cette adaptation de la BA de Christophe Blain et Antonin Baudry, Quai d’Orsay qui recréer l’esprit de l’œuvre originale. Emporté par des dialogues percutants, piquants et savoureux, le film fait de la politique une sorte de vaudeville de haut standing. Bertrand Tavernier, loin de se prélasser dans le domaine de la satire, préfère observer sans juger. Ainsi, le long-métrage dépeint les arcades du pouvoir, avec une plume aérienne et une réalisation d’une belle inventivité. Porté par un casting sans faille, dont un tonitruant Thierry Lhermitte, Quai d’Orsay est un bijou de finesse, d’intelligence et de fluidité. Une forte dissonance dans une comédie française souvent engluée dans la facilité, le formatage et la vulgarité.
Lundi 29 Mars. Comment voler Un Million de Dollars de William Wyler sur Arte.
Charles Bonnet possède une impressionnante collection d'art, dont il vend parfois quelques pièces à d'autres amateurs. Seul problème, les œuvres sont en fait d'ingénieuses imitations. Par défi et orgueil, il accepte de prêter une somptueuse statuette à un musée: la Vénus de Cellini. Ce qu'il ignore, c'est que la fameuse statuette va faire l'objet d'une expertise. Sa fille, inquiète, décide de régler l'affaire à l'aide d'un séduisant inconnu, qu'elle prend pour un voleur mais qui est en réalité un détective privé.
Pour l’un de ses derniers films, William Wyler retrouve Audrey Hepburn pour une comédie très Donen-ienne. En effet, comment ne pas penser à Charade où Hepburn, déjà, arpenter avec Cary Grant les rues parisiennes, avec ses quiproquos et autres répliques truculentes, Comment voler Un Million de Dollars est un régal qui démontre encore une fois toute la maitrise cinématographique de Wyler. En effet, le cinéaste multi-tache, qui a toujours su enchainer les films et les genres, cultive ici une envie d’espièglerie tout en déroulant un récit policier aux accents romantiques. Tout cela étant emballé dans une esthétique vintage au charme dévastateur, que cela soit l’élégance naturelle de Hepburn ou le regard enivrant de Peter O’Toole, Comment voler Un Million de Dollars respire la classe. En bref, cette escapade au ravissement 60’s a de quoi bien faire débuter sa semaine.
Mais aussi...W9 programme Forrest Gump de Robert Zemeckis. Un film qui résume toutes les aspirations du cinéma de Zemeckis, l’émerveillement. Ambitieux dans sa forme autant que dans son fond, le long-métrage bénéficie d’une sublime interprétation de la part de Tom Hanks et de la puissance visuelle du cinéaste. Loin du film guimauve, Forrest Gump est certes attendrissant, mais le regard de Zemeckis sur la société qui évolue autour de son personnage n’a rien de sa candeur; il y montre une époque allant trop vite ou le futile l’emporte sur le nécessaire.
Mercredi 31 Mars. The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance sur Cstar.
Cascadeur à moto, Luke est réputé pour son spectaculaire numéro du «globe de la mort». Quand son spectacle itinérant revient à Schenectady, dans l’État de New York, il découvre que Romina, avec qui il avait eu une aventure, vient de donner naissance à son fils. Pour subvenir aux besoins de ceux qui sont désormais sa famille, Luke quitte le spectacle et commet une série de braquages. Chaque fois, ses talents de pilote hors pair lui permettent de s’échapper. Mais Luke va bientôt croiser la route d’un policier ambitieux, Avery Cross, décidé à s’élever rapidement dans sa hiérarchie gangrenée par la corruption. Quinze ans plus tard, le fils de Luke et celui d’Avery se retrouvent face à face, hantés par un passé mystérieux dont ils sont loin de tout savoir…
The Place Beyond the Pines est une fresque mélodramatique qui, va plonger au cœur d’une Amérique miteuse. Ici le récit ne cesse d’évoquer la pauvreté, la facilité déconcertante avec laquelle on peut basculer, comment ces lieux viennent comme contaminer les êtres génération après génération. Tout cela construit un film dont la puissance dramatique se savoure au fur et à mesure, passant de la petite romance à la tragédie bouleversante qui convoque autant l’esprit des western de Ford que le cinéma de Minnelli. Des références qui se moderne pour offrir un film épais, dont l’aspect bordélique cache une envie, celle de créer une œuvre aux nombreuses ramifications, et qui est, au fond, aussi rude que douce. Entre tension et contemplation.
Thibaut Ciavarella