Avec « Répulsion », Roman Polanski avait, avec son talent de metteur en scène majeur du 7ème art, déjà sondé les arcanes de l’épouvante et de la paranoïa. Abordé comme jamais, il est devenu au fil de sa filmographie une référence en la matière. Il n’use pas des facilités du genre avec ses clair-obscur (ici tout est clair et blanc), ni ses ombres ou ses zones d’ombre, ni ses lieux inquiétants. Et c’est bien ce degré élevé d’épure qui condamne le spectateur de se poser des questions sur la santé mentale de Rosemary. Vit-elle un gigantesque complot ou est-elle victime de problèmes psychologiques dus à sa grossesse. Polanski instille un malaise permanent et une sensation d’inconfort par petites touches et durant 2 heures15 sur un faux rythme qui pourrait être bien ennuyeux. Il s’évertue à mettre en place une atmosphère malsaine. Pourquoi ces voisins sont si prévenants ? Pourquoi son mari a un comportement si étrange ? Comment est-il devenu si soudainement un comédien à succès ? Lui veut-on du mal à elle ou à son bébé ? Menace sataniste ou psychose, son espace privé est envahi par les voisins, les minces cloisons, un fœtus au comportement étrange. L’invasion progressif de son espace physique et mental va jeter un immense voile sur sa démence clinique ou à l’inverse, de sa seule vaillance d’esprit face à une communauté. Les lettres roses du générique tout comme la gentille berceuse en fond sonore laissent bien à penser que tout va bien dans le réel. Mais dans ce film, c’est le possible que l’on suspecte être réel, et qui s’avère in fine être la seule et unique réalité : Rosemary porte en son ventre l’antéchrist, et ses voisins sont des satanistes qui ont convaincu son mari de laisser sa femme se faire violer pour s’assurer du succès dans sa carrière d’acteur ? Il n’y a qu’une réalité et elle est effrayante. La dernière scène est un must du cinéma et lève tout ambigüité : le cauchemar est devenu réalité et fait de ce film un chef d’œuvre absolu d’horreur suggestive. Drame faustien au travers du mari, condamnation des croyances ; mais aussi une réflexion sur nos sociétés. En couverture du Times, on peut lire « Dieu est-il mort ? ». Avec l’émergence de la société de consommation, la mise au pilori des valeurs judéo-chrétienne, certains croyants comme Rosemary voie leurs croyances ébranlées et ne savent plus s’orienter.
Un incontournable du 7ème art par un réalisateur majeur.
Sorti en 1968
Ma note: 20/20