[CRITIQUE] : Horror Noire : A History of Black Horror

[CRITIQUE] : Horror Noire : A History of Black Horror

Réalisateur : Xavier Burgin
Acteurs : Keith David, Jordan Peele, Rachel Vrai, Tony Todd, Tananarive Due, Robin R. Means Coleman, Ashlee Blackwell,..
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h23min.
Synopsis :
Un regard sur l'histoire des films d'horreur noirs et le rôle des Afro-Américains dans le genre cinématographique depuis le tout début.



Critique :

Vision incisive et directe sur la représentation des afro-américains au sein de l'industrie,#HorrorNoire associe histoire et 7ème art au coeur d'un fascinant discours cinématographique, montrant combien l'horreur est un véhicule solide et pertinent pour aborder les maux sociétaux pic.twitter.com/XEn2OeiExC

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 6, 2021


Tous ceux qui ne considèrent pas l'idée que le cinéma horrifique puisse avoir une réelle dimension politique, plus que la majorité des autres genres cinématographiques, auront sans doute beaucoup de mal à déceler autant la nécessité que la puissance d'un tel effort génial tel que peut l'être le documentaire Horror Noire : A History of Black Horror de Xavier Burgin, mise en images du roman Horror Noire : Blacks in American Horror Films from the 1890s to the Present de Robin Means Coleman; et qui a tout de la séance immanquable de cette édition 2021 du BIFFF.
Férocement d'actualité tant ses questionnements et thématiques rejoignent celles plus larges soulevées sur la représentation, la violence et les inégalités du Black Lives Matter (on seulement aux États-Unis, mais aussi et surtout dans le monde entier), le documentaire prend le pli de la petite révolution Get Out de Jordan Peele (qui fut, on le rappelle, le premier scénariste afro-américain à avoir été récompensé d'un oscar), et associe dès sa première bobine histoire et cinéma de manière férocement explicite, avec les mots de l'écrivaine et activiste Tananarive Due - qui évoque les lynchages systématiques ou même l'assassinat de Martin Luther King Jr.

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Vision incisive et directe de la façon dont une minorité peut être représenté au cinéma, Horror Noire rappelle - car il est toujours bon de le faire - à son auditoire, combien les luttes du quotidien peuvent être les mêmes dans l'industrie cinématographique, mais surtout comment notre rapport à la culture peut jouer un rôle majeur dans la formation de ce qui nous fait peur.
Avec minutie, le documentaire retrace l'histoire des acteurs, actrices et autres artisans noirs à travers le genre horrifique, jetant un regard semi-chronologique sur l'expérience noire à partir des années 1910 avec le problématique (disons plutôt pro-Ku Klux Klan) The Birth of A Nation, considéré comme le premier véritable film d'horreur pour les afro-américains, et dans lequel les personnes de couleurs étaient présentés comme des violeurs aux yeux fous qui méritaient tout simplement d'être lynché.
Comme l'explique Means Colman et les nombreux intervenants interrogés, les films d'horreur avec des comédiens et comédiennes noires se divisent en deux catégories : ceux qui les présentent comme des monstres, et ceux qui les présentent comme des victimes, souvent confrontés aux climats politiques de l'époque - dans le cas de The Birth of a Nation, cette horrible représentation a servi de justification à la violence bien réelle qu'ils ont pu subir au fil des décennies suivantes.
À l'autre extrémité du spectre de cette analyse, se trouve le monument La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, une oeuvre majeure aussi bien culturellement parlant que d'un point de vue social, tant il est le premier film à avoir présenté à l'écran, un homme noir fort - l'immense Duane Jones - dans une position d'héroïsme, pour mieux laisser le public sous le choc quand il meurt à la fin (sa mort avait justement une importance décuplé compte tenu du climat politique de 1968 outre-Atlantique).

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Comme dit plus haut, Get Out est lui aussi analysé en profondeur, avec des interventions riches et généreuses sur la façon dont Jordan Peele a transformé des éléments typiques de l'histoire afro-américaine, en une attaque subversive qui a mis plus d'un spectateur K.O.
Avec ses deux exemples lourds de sens, le documentaire démontre que tous ses efforts n'ont jamais été vide de sens, et ont toujours reflété autant un climat que des vérités de la société jamais - ou très peu - représentés à l'écran alors.
Comme avait pu le faire la majorité des films de vampires avec son rapport à l'épidémie de sida galopante, il est décrit ici comment les films sur les Afro-Américains ont toujours existé pour faire référence à l'histoire que nous balayons volontairement sous le tapis, qu'il s'agisse des expériences de Tuskegee ou les coups reçus par Rodney King.
Il est remarquable de voir mais surtout d'entendre un discours cinématographique aussi fascinant sur le sujet (notamment la place des personnages et actrices afro-américaines aussi bien dans les dits films qu'au sein d'une industrie ou elles sont toujours, comme les autres minorités, douloureusement marginalisées), mais aussi d'entendre la résistance réelle de l'industrie à permettre aux réalisateurs noirs de raconter toutes ces histoires; Rusty Cundieff, Ernest Dickerson et William Crain sont d'ailleurs interrogés sur leurs expériences compliquées, ce dernier expliquant comment sur le tournage de Blacula, le premier assistant réalisateur a tenté de séparer les figurants noirs et blancs pour une danse.

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Avec sincérité et puissance, Horror Noire : A History of Black Horror est un rappel nécessaire à quel point quelque chose d'aussi basique et potentiellement oubliable qu'un film d'horreur - imparfaits mais souvent en avances sur leur temps - , peut être un véhicule étonnamment efficace et pertinent pour aborder des problèmes sociaux beaucoup plus larges.
Le changement est lent, mais un tel effort pousse à ce qu'il s'active un brin autant que les consciences - si besoin était - des cinéphiles/spectateurs, et on ne peut que louer son intention.

Jonathan Chevrier
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