Copyright Universal Pictures
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#145. Massacres dans le train fantôme de Tobe Hooper (1981)
C'est lorsque les cinéastes ne sont plus parmi nous, qu'ils nous manquent décemment le plus.
Cette vérité générale foutrement évidente et digne d'être dégueuler par un Captain Obvious du pauvre, n'a pourtant jamais été aussi vraie que lorsqu'on la juxtapose sur la disparition de quelques-uns des plus grands maîtres de l'horreur.
Que ce soit feu Wes Craven, George Romero ou encore Tobe Hooper, si l'on avait vraiment du mal à soutenir leurs dernières péloches en salles ou directement dans les bacs (ce qui ajoute une tristesse encore plus douloureuse à leurs fins de carrières), il est aujourd'hui bien plus difficile de ne pas les regarder, tout comme leurs plus indéfendables bandes, avec une certaine mélancolie voire même une bienveillance assez étonnante.
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Impossible aujourd'hui donc, de ne pas ressentir une certaine tendresse à la vision d'un Lifeforce (melting-pot foutraque, gore et sexy, un spectacle inégal coincé le cul entre les deux fauteuils du blockbuster généreux et la série B décomplexée), d'un L'invasion vient de Mars (remake un poil suranné des Envahisseurs de la Planète Rouge, entre la parodie assumée et le revival des péloches SF fauchées made in 50s/60s) ou meme d'un Le Crocodile de la Mort (honnête petit bout d'horreur cultivant une horreur bien inconfortable), d'autant plus que Hooper a toujours incarné une figure à la fois puissante et attachante, aussi vite avalée que recrachée par la machine Hollywoodienne, et qui ne s'est jamais vraiment remis de sa longue traversée du désert amorcée après la fin de son association avec une Cannon ayant déjà plus d'un pied dans la tombe, à la fin des 80s.
Pourtant, les vrais fans de cinéma de genre et encore plus les amoureux du bonhomme, savent qu'il était et a toujours été un cinéaste inimitable, un texan pur jus bien au fait de la violence qui gangrène son pays meurtri, et qui l'expose sur grand écran via un style volontairement excessif, mélange habile entre une terreur bien réel et un humour très singulier.
De loin l'un de ses meilleurs cauchemars sur pellicule, Massacres dans le train fantôme (terrible et racoleur titre VF pour The Funhouse), produit dans la foulée du carton planétaire d'un Halloween sur lequel toute firme se devait de capitaliser un brin (et à laquelle il croque un hommage sincère, dans un opener en mode POV), et ou il montre à la fois sa gamme et sa cohérence thématique en contant le conte de fées perverti et macabre d'une poignée d'ados apprenant la cruauté de la vie, lors d'une nuit dans un sinistre carnaval.
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Monster movie redéfinissant quelques codes clés du slasher (la nudité ne mène pas forcément à une mort immédiate, la créature, bien définie, est in fine plus humaine que certaines de ses victimes, le body count ne s'affole pas,...), tout en prenant savamment son temps pour installer son atmosphère claustrophobique et tranquillement dérangeante (un vrai esprit " grand huit " de l'horreur comme on n'en fait plus), Hooper croque un petit bout shocker génial, bricolé (Rick " Fucking " Baker et Craig Reardon aux affaires), visuellement inspiré (qui profite pleinement de son décor coloré) et aux tueries amusantes, qui divertit et effraie sans jamais ressentir le moindre besoin de sombrer dans la débauche facile ou la terreur farfelue.
Sans lâcher sa colère envers sa propre terre (un regard très vraie sur les 80s et son American Dream, entre intolérance de l'autre et pur individualisme), tout autant que son regard sur le comportement humain - ambivalent - face à l'horreur, le texan fou s'offrait un petit trip frénético-régressif et cynique avant de définitivement entrer dans la cour des grands un an plus tard avec Poltergeist.
Cette légende nous manque, et pas qu'un peu...
Jonathan Chevrier