[CRITIQUE] : Lina de Lima

[CRITIQUE] : Lina de LimaRéalisatrice : Maria Paz González
Acteurs : Magaly Solier, Emilia Ossandón, Exequiel Alvear,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Chilien, Péruvien, Argentin.
Durée : 1h23min.

Synopsis :
Comme beaucoup d’émigrés péruviens au Chili, Lina soutient sa famille en travaillant loin de ses proches. Elle est notamment employée comme nounou pour une riche famille de Santiago. Avant son voyage de Noël, pour rejoindre à Lima son fils adolescent, elle se rend compte que celui-ci n’a plus besoin d’elle comme auparavant. Pour échapper à ses soucis quotidiens, elle rêve en chansons.


Critique :

Sondant le trauma invisible et inaudible des immigrés venus au Chili par nécessité, tout en pointant du doigt autant l'omniprésence que l'aspect frustrant de la technologie moderne, #LinadeLima est une chronique douce-amère portée par l’interprétation magistrale de Magaly Solier. pic.twitter.com/7RNN8r5t5h

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 18, 2021


Pour sa première réalisation d’un long métrage de fiction, la talentueuse María Paz González, qui avait jusque-là uniquement réalisé des documentaires, louche gentiment (mais de manière totalement assumée) sur le film The Hole de Tsai Ming-liang, pour mieux raconter avec Lina de Lima l’histoire vraie de Lina, dont elle s’est également inspirée.
Ainsi, Lina est non seulement un personnage réel mais elle peut aussi se voir comme le miroir vibrant de nombreuses femmes péruviennes venues au Chili dans l'unique but de travailler, et de subvenir aux besoins de sa famille à distance; des femmes dont le seul lien qui les unit à leurs proches, autre que l'argent envoyé, et une communication en ligne qui démontre très (trop) vite ses limites, notamment avec les enfants (et encore plus quand ceux-ci arrivent à l'adolescence, époque charnière qui nécessite une attention toute particulière des parents, construite dans une saine et respectable distance.

[CRITIQUE] : Lina de Lima

Photo DR


Avec justesse, la cinéaste s’empare du prisme de la fiction pour mieux entrer dans l’univers intérieur indicible de la solitude et de la souffrance de Lina, qui passe par une émancipation enthousiasmante dans des compositions musicales chantées et chorégraphiées; les contours de la comédie musicale classique américaine avec ses excès kitsch assumés créant de facto une nouvelle greffe fiévreuse s’insèrant pleinement dans le surréalisme magique propre à l’Amérique latine.
Oeuvre profondément expérimentale et novatrice, le métrage se pare d'une facture originale pour mieux dégainer son hommage au trauma invisible et inaudible des immigrés hommes et femmes venus au Chili par nécessité, et qui restent résolument en marge d’une société où les séparations de classe sont extrêmement marquées.
Pas si éloigné sur certains point du brésilien Que horas ela volta? d’Anna Muylaert (où une employée de maison avait plus de familiarité avec le fils délaissé de sa patronne que son propre enfant), tout en pointant du doigt autant l'omniprésence que l'aspect frustrant de la technologie moderne (ou le rêve d’une connexion sociale qui ne sera jamais vraiment permis à Lina), Lina de Lima est une savoureuse chronique douce-amère portée par l’interprétation magistrale de Magaly Solier, qui donne du corps et de la voix à une vraie femme libre qui porte dignement sa destinée.
Avec subtilité, María Paz González évite tout misérabilisme et fatalisme, sans pour autant nier la réalité sociale des femmes que représente Lina au Chili.

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Lina de Lima