Un sujet fort, deux acteurs de tempérament. Slalom de Charlène Favier sortira enfin au cinéma le 19 mai prochain. Pour l'occasion, rencontre avec les deux interprètes principaux, Noée Abita et Jérémie Renier.
Avez-vous appréhendé jouer Fred ? Ce fut une décision facile à prendre ?Jérémie Renier : Non, effectivement cela ne l'a pas été. Mais si j'ai accepté, c'est qu'avec Slalom, Charlène Favier (la réalisatrice) a voulu ouvrir un débat et pas seulement stigmatiser un personnage ou un acte, pour en faire un sujet. Et il était très important pour moi que je me retrouve dans cette démarche, avant d'accepter. C'est pourquoi, nous avons beaucoup discuté avec Charlène et débattu entre nous, pour que je me sente à l'aise. Mais, je dois avouer que même après tout ce travail, la première fois que j'ai vu le film terminé, ce fut une expérience assez violente. Parce que oui, c'est déstabilisant. Oui, ça nous met nous - Hommes - dans une position complexe et effrayante. Mais, je pense que c'est un sujet de société qu'il est important de voir au cinéma et c'est aussi pourquoi j'ai accepté le film.
Et vous, Noée ? Jouer Lyz, fut aussi une décision difficile ?Noée Abita : Pour moi c'était différent, car je connaissais déjà Charlène. Nous avions déjà fait un court métrage ensemble et j'aimais déjà sa personne. Nous étions des intimes et je savais ce qu'elle voulait exprimer avec son film. Bien sûr, ça n'a pas été simple, car ce sont des personnages qui ne sont pas faciles à interpréter, mais je ne me suis pas posé de question. J'ai accepté sa demande, j'étais en totale confiance. Évidemment, il y a eu également beaucoup de discussions entre nous non seulement pour enrichir mon personnage, mais surtout pour être parfaitement au clair, elle et moi. Il était primordial qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous.
Selon vous, Fred tombe-t-il amoureux de la jeune fille ou de la future championne ?Jérémie Renier : Je pense un peu des deux, en fait. Après, chacun voit les choses comme il veut. Mais c'est avant tout un coach qui a le devoir de former des champions et de pousser au cul des gamins et des gamines pour en faire des pros et les amener aux J O. Alors, effectivement, il se sent investi d'une mission, d'un combat. Et tout d'un coup, il voit un potentiel en Lyz. Ça le ramène à ce qu'il aurait pu être, lui. Il tombe à la fois amoureux de cette jeune fille que de son combat, de tout ce qu'elle représente à ses yeux et qu'il n'est plus. Fred est vraiment un personnage extrêmement complexe...
Sans trop révéler : la scène finale est vraiment très forte alors qu'elle ne se joue qu'en un mot et un regard entre Lyz et Fred. Comment l'avez-vous abordé ?Noée Abita : Effectivement, elle n'était pas vraiment simple. En plus la scène est arrivée vers la fin du tournage et nous étions tous assez épuisés. Pour ne rien arranger, nous tournions en pleine tempête de neige, à 4 heures du matin. Nous étions gelés, c'était assez terrible. Après, au niveau du jeu, du fait que nous avions justement une grande partie du tournage dans les bottes, en fait ça s'est passé presque naturellement. C'était comme une étape qu'il fallait passer. Moi, comme pour le personnage.
Jérémie Renier (rires) Oui, tout est un peu naturel pour Noée. Il y a une aisance qui me bluffe, chez elle ! Elle ne se pose pas de question. En fait, elle vit l'instant ! Mais bon, ça me parle aussi, car nous sommes tous les deux assez instinctifs. Nous n'avons pas vraiment pris de cours de comédie, ni l'un ni l'autre. On s'est formés avec les tournages. Noée est comme son personnage : c'est un instinct qui avance ! Quand on est son partenaire, c'est très agréable de voir la liberté dont elle jouit, en jouant.
Pour finir, y a-t-il dans cette description de la relation sportif / coach, quelque chose de celle acteur / réalisateur ?Jérémie Renier : Oui.... (pause)... Il peut en effet y avoir dans le cinéma une forme de perversité psychologique et de domination, c'est sûr. J'ai toujours essayé d'éviter. Mais, je suis tombé sur des gens comme cela, effectivement parfois. Mais il y a aussi parfois un tel désir d'être aimé par son coach / son réalisateur. C'est là où les relations et la création de ce genre de relations sont complexes. Ce n'est jamais totalement manichéen. Vous avez raison, on peut faire un lien entre les deux milieux. Après, dans le sport, il y a quand même un rapport au corps... Mais bon, si on y réfléchit bien, dans le jeu aussi... Mais c'est pour cela que le sujet du film est vraiment fort. Et c'est pour cela que pour que je sois à l'aise, pour que Noée soit à l'aise, qu'on soit à l'aise de le jouer à deux... Il fallait qu'il y ait eu un débat entre nous et qu'on perce l'abcès sur tout ce qui était dit dans le film. Il était primordial qu'on comprenne nos personnages, de comprendre leurs relations, de comprendre leurs trajets.
Propos recueillis par Nicolas Bellet