[CRITIQUE] : On Gaku : Notre Rock !

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Kenji Iwaisawa
Acteurs : avec les voix de Shintarô Sakamoto, Ren Komai, Tomoya Maeno,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Animation, Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h11min.
Synopsis :
Une bande de lycéens marginaux menée par Kenji décide de créer un groupe de musique, sans savoir jouer. Le groupe Kobujutsu est né.


Critique :

Chronique mordante et burlesque qui capte de manière vivante et visuelle l'ennui adolescent, tout autant qu'elle incarne une exploration vibrante du pouvoir de la musique, #OnGakuNotreRock est un petit bijou feel good à l'animation aussi simple qu'elle est follement expressive. pic.twitter.com/HbiwfTJNJL

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 20, 2021

Reprendre le chemin des salles obscures avec une séance feel good est sans doute la meilleure chose que l'on puisse souhaiter à un spectateur, mais si en plus c'est pour se prendre une gentille claquette dans la nuque avec une vraie oeuvre d'auteur cornaquée avec le coeur et les tripes; c'est ce qu'on peut appeler des retrouvailles parfaites.
Adaptation fidèle du manga éponyme de Hiroyuki Ohashi, On-Gaku : Notre Rock ! est un pur tour de force comme on en voit peu, fruit d'un travail acharné et hors du commun du cinéaste nippon Kenji Iwaisawa, qui a chapeauté le film quasiment en solo et sans expérience sur sept années de dur labeur (40 000 cadres dessinés à la main et beaucoup de rotoscopie plus tard); une oeuvre à part aussi profondément intime et personnelle que d'une ambition assumée jusque dans le moindre détail de son animation (de nombreuses ruptures stylistiques qui ne font qu'accentuer son charme délicat).

Copyright Eurozoom


Avec un pitch de départ résolument atypique (un ado délinquant redouté par beaucoup d'élèves de son lycée, Kenji, décide de monter un groupe avec ses deux meilleurs amis, Ota et Asakura, sans avoir pourtant la moindre compétence musicale - Ota et Kenji à la guitare basse et Asakura à la batterie), fixé sur trois losers - presque - marginaux, Iwaisawa capte de manière vivante et visuelle l'ennui adolescent dans ce qu'il a de plus universel (celui qui nous marque dans notre quotidien, et que l'on essaye de rompre dans une répétition d'actions souvent plaisantes mais sans réelle passion), démontrant que cette manière d'être spectateur de son existence plutôt que de la vivre, que cet enfermement d'une répétitivité passive contrôlée n'est qu'une sorte d'échappatoire au vide subjectif qui marque et que seul une réelle passion peut dompter.
L'invitation de Kenji à former un groupe n'est pas tant une manière de tromper l'ennui qu'une façon d'enfin réellement jouir de la vie, d'exprimer un vrai désir dans un quotidien par la force d'une vibration commune qui en est jusqu'ici dénué : faire de la musique et trouver sa place grâce à elle (même quand Kenji affirme qu'il s'ennuie en faisant de la musique, ce qu'il faut y voir n'est pas tant une vérité mais la preuve de son anxiété face à l'assouvissement concret de quelque chose qu'il aime intimement faire).
On peut même sincèrement, y déceler une exploration convaincante du pouvoir inhérent de la musique, un pouvoir de transformation permettant à celui/celle qui en joue - ou se laisse porter par elle - de voir son existence si ce n'est totalement changée, au moins frappée par la magie de la passion artistique.

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Chronique mordante - et même un poil ironique - d'une adolescence mystérieuse et perdue (mais pas moins attachante pour autant), le film se distingue aussi bien dans son propos que dans sa facture originale, une animation aux lignes soignées (et dont l'immobilité, qui est une vraie contraire budgétaire pour le coup, est un choix artistique qui sied justement avec son exploration intime de l'ennui), les arrière-plans aquarellés - solaires et fourmillant de détails - tranchant merveilleusement avec le design très épuré des personnages qui, bien qu'ils soient plutôt simplistes dans leurs traits, sont joyeusement dynamiques et bourrés d'expressions émotionnelles subtiles.
Avec une force rare, Kenji Iwaisawa démontre magnifiquement que l'animation aux lignes simples (tirant le meilleur parti des quelques traits esquissant les personnages et leurs mouvements à l'écran), est souvent beaucoup plus expressive et communicative dans ce qu'elle exprime et convoque, que ce que des animations visuellement plus complexes (coucou la 3D) sont capables d'accomplir.
Une vraie oeuvre burlesque et passionnante signée par un artiste passionnée, tout simplement.

Jonathan Chevrier