Réalisateur‧trices: Hind Meddeb et Thim Naccache
Avec : Souleymane Mohamad, Valérie Osouf, Agathe Nadimi, Lami T. Nagawo, Adam Misscall, Galaxy Mohammad, Johan Corceron, ...
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h28min
Synopsis :
Ce film est un portrait de Paris vu par Souleymane, 18 ans, réfugié du Darfour. Arrivé en France après un périple traumatisant de cinq longues années, la " ville lumière " dont il avait rêvé, loin de répondre à ses attentes, lui inflige de nouvelles épreuves. À la dureté des situations, répond sa poésie douce- amère. En suivant Souleymane, le film retrace le parcours des migrants dans Paris : les campements de rue, les interminables files d’attente devant les administrations, les descentes de police et la mobilisation des habitants du quartier pour venir en aide aux réfugiés. La caméra témoigne d’une métamorphose d’une ville et nous montre l’émergence de nouvelles frontières intérieures : des kilomètres de grillages pour rendre inaccessibles les allées sous le pont du métro aérien, des pierres pour empêcher les migrants de s’allonger, des rondes de vigiles pour les déloger.
Critique :
En privilégiant privilégient la conversation, le dialogue et la solidarité, #ParisStalingrad offre, par la force du cinéma, un espace d'expression libre aux réfugiés et permet de poser les bonnes questions sur la politique d’invisibilisation des migrants. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/XZkVGwLghk
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 24, 2021
En novembre 2020, les réseaux sociaux et les médias nous abreuvent d’images du démantèlement d’un camp place de la République, suite à une évacuation des réfugiés à Saint-Denis. La violence y est terrible. Les tentes sont déchirées, les couvertures et cartons jetés par des policiers à la main lourde sur les bombes lacrymogènes. Les images indignent, tandis que les migrants sont déplacés loin du centre-ville de Paris, à Aubervilliers. Et ensuite ? Aucune nouvelle. Les médias passent à autre chose, une paix factice est revenue dans la capitale, nous avons éliminé tout ce qui pourrait nuire à sa réputation de ville-lumière, de ville accueillante. Ce silence dans les médias, l’ancienne journaliste et réalisatrice Hind Meddeb n’en pouvait plus. Alors, en juin 2016, elle prend sa caméra, comme une arme pour réaliser Paris-Stalingrad. De son propre aveu, elle avait déjà en tête de réaliser un film d’archive sur cette histoire en creux de Paris, pour garder une trace avec le sentiment que si elle ne le faisait pas, tout disparaîtrait. La suite lui a donné raison.
La Vingt-Cinquième Heure
À cinq heures du matin, un taxi s’élance dans les rues encore ensommeillées de Paris. Hind Meddeb — avec son co-réalisateur Thim Naccache — a reçu un coup de téléphone lui indiquant une descente de police sur un camp de réfugiés vers Stalingrad. Paris-Stalingrad débute alors dans un élan. Un élan de solidarité, un élan d’une colère sourde face à la violence des institutions. Ces hommes, ces femmes, ces enfants vivent dans de petits espaces cloisonnés, leur quotidien est rythmé par l’attente. Devant l’association France Terre d’Asile, pour y recevoir un premier papier, point de départ au long combat administratif. Devant les diverses associations de la ville, pour recevoir du soutien, des couvertures, à manger et parfois des solutions temporaires de logement. Le mouvement est perpétuel dans ce documentaire, au diapason des personnes qu’il filme. Le mouvement est aussi très spécifique, en dehors du centre-ville, des beaux quartiers, puis même à la fin, en dehors de la ville tout court. Parcourir la ville à la recherche d’hébergement, de papier, de solution, sans s’arrêter. Car les brèves arrêts sont synonymes de descente de police, pour effacer ces camps éphémères avec des bus pour les emmener vers un ailleurs jamais identifié et des machines pour écraser les tentes, jeter les couvertures et les objets que les réfugiés n’ont pas eu le temps de récupérer. La caméra se montre parfois dans l’émotion du moment, dans la colère sourde qui monte avec ses images prises sur le vif. Hind Meddeb n’est jamais présente dans le cadre, mais sa voix nous accompagne. Elle parle d’abord à nous, spectateur‧trices, avant de s’adresser aux personnes qu’elle filme, en français et en arabe. Elle rassure, pose des questions, rigole avec les réfugiés. Dans ce mouvement incessant, elle crée, ainsi que certaines militantes, une pause, des moments de solidarité qui passe par la communication, par le temps pris pour écouter et aider face à l’urgence.
La Vingt-Cinquième Heure
C’est dans cet aspect que le film suit un des jeunes réfugiés, Souleymane, qui devient au fur et à mesure, l’élément central du récit. La caméra de Hind Meddeb happe à la fois son visage grave et ses mots. Sa poésie change le cadre et la mise en scène. Tout d’un coup, Paris-Stalingrad se pare de son regard et permet d’interroger plus posément les images qui s’offrent à nous. Car la violence balaie le cadre, toujours présente, sous diverses formes. La violence policière bien évidemment, pendant les démantèlements des camps, la violence administrative que l’on devine en sous-texte, la violence de la ville, qui petit à petit, empêche les camps de se construire et de nuire à l’image de Paris. Pourtant, le film n’est pas emprunt de misérabilisme, il n’a pas pour but d’habiller cette violence et de la mettre en avant. Elle est présente parce qu’elle découle du quotidien des réfugiés, mais elle n’est pas le personnage principal. Hind Meddeb et son équipe privilégient la conversation, le dialogue, la solidarité — au sein de la communauté des camps tout autant que les militant‧es des associations — visant à briser la déshumanisation et à transmettre leurs histoires. Par le cinéma, Paris-Stalingrad offre un espace aux réfugiés et permet de poser les bonnes questions sur la politique d’invisibilisation des migrants.Laura Enjolvy