[CRITIQUE] : Voyagers

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Neil Burger
Acteurs : Tye Sheridan, Lily-Rose Depp, Fionn Whitehead,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Science-fiction, Thriller, Aventure.
Nationalité : Américain, Tchèque, Roumain, Britannique.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
Trente enfants sont envoyés dans l'espace dans le cadre d'une mission visant à peupler une planète récemment découverte. Mais le capitaine adulte de l'équipage décède dans des conditions mystérieuses. Les enfants sont alors livrés à eux-mêmes. Petit à petit, le chaos s'installe sur la planète.

Critique :

S'inscrivant fébrilement dans l'ombre de Gattaca et High Life, dans son désir - vain - de dépeindre l'élitisme et l'orgueil de l'humanité, #Voyagers louche sur le mimétisme rebattu de Lord of the Flies et incarne un bon gros Z irritant façon pilote gag d'un télé-crochet au rabais pic.twitter.com/d7RXyHmXqG

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 26, 2021


L'artifice le plus éculé de la SF moderne, du blockbuster limité à la série Z décérébrée, est sans doute celui de la planète Terre condamnée, qu'il faut urgemment (bon, au moins sur quatre-vingt-dix minutes) soit sauver soit fuir pour préserver l'humanité.
On connaît la chanson donc, et si parfois elle est chanté avec justesse, du côté de chez Neil Burger et de son Voyagers, on penche plutôt vers le pilote gag d'un télé-crochet au rabais, qui ferait presque reconsidérer son adaptation déjà faisandé, de Divergente - avec lequel il a d'ailleurs plus d'un point commun.
Sorte de fusion amorphe entre la quasi-intégralité des drames spatiaux récents et le monument Sa Majesté les Mouches de William Golding, le film feint d'utiliser son cadre science-fictionnel et apocalyptique comme une opportunité de mieux comprendre la condition humaine, mais son exécution est aussi terne et sans ambition que le plus somnambule des scripts d'un DTV de luxe du genre, porté par ce bon vieux Bruce Willis.

Copyright Vlad Cioplea


Avec un premier degré expurgé de toute pointe d'humour ou d'ironie salvatrice, Voyagers annonce la couleur dès son métier quart d'heure, avec une ouverture très (trop) sérieuse expliquant que la Terre en 2063 est ravagée et ruinée de toutes ressources, de sorte à ce que certains humains (à la description tellement désintéressée que l'on ne sait pas si ces personnes sont un groupe multinational de scientifiques - hello Alien -, ou une sorte d'élus, ou d'anciens astronautes eux-mêmes...) se décident alors à envoyer un groupe d'éclaireurs sur une planète nouvellement découverte, contenant à la fois de l'eau et de l'oxygène.
Mais parce que le voyage prendra 86 ans, ils envoient un groupe d'enfants génétiquement modifiés pour être les meilleurs des meilleurs - tout comme leur descendance - , avec un adulte, Richard, qui agira en tant que leader hybride/baby-sitter/thérapeute.
Les enfants sont élevés dans des conteneurs de stockage stériles et isolés du reste du monde, apprennant la vie sur des écrans et des ordinateurs portables.
Ils ne rient pas, ne parlent pas ni n'interagissent entre eux, bassinés tous les jours par des enregistrements à la limite du lavage de cerveau propagandiste (ils sont spéciaux, que leurs futurs petits-enfants nés sur ce même vaisseau spatial coloniseront la planète vers laquelle ils voyagent, et leur sacrifice est hautement apprécié par le monde qu'ils quittent).
Les adultes rationalisent assez facilement ce projet (arf, les mômes ce n'est pas ce qui manque hein), assurés que les enfants mèneront cette mission à bien sauf que même pas dix ans après leur départ, les gosses une fois devenues ados ne sont pas aussi dociles que prévus, certains arrêtent de boire la boisson qui leur est destinée (" Bleue " visant à les rendre docile et à tuer dans l'oeuf tout désir sexuel) et commencent à remettre en cause leur mode de vie...

Copyright Vlad Cioplea


S'inscrivant fébrilement dans l'ombre de Bienvenue à Gattaca et High Life, dans son désir - vain - de dépeindre l'élitisme tout autant que l'orgueil de l'humanité, plongeant tête la première aussi bien dans le mimétisme rebattu de Lord of the Flies (dans un élan de paresse, d'agressivité et d'expérimentation - uniquement- hétérosexuelle), que dans un racisme primaire furieusement abject (les personnes de couleurs sont l'ennemi); Voyagers, qui partait d'un postulat pourtant logique (la rébellion compréhensible de mômes élevés pour mourir pour des étrangers, ou chaque bravement d'interdits est comme une pulsion nouvelle et addictive qui nous fait avancer), vagabonde avec une léthargie effarante dans le néant le plus total.
Sans la moindre sympathie/empathie pour ses personnages (croqués à la truelle), engoncés dans la confusion, l'absence de but - sauf l'éveil sensoriel - et une philosophie de vie affreusement binaire, la péloche abandonne lâchement la moindre de ses idées bis accrocheuses (une force malveillante, l'obligation de se reproduire contre son gré, la peur et la paranoïa qui envahissent tous les esprits,...) pour lui préférer un enchaînement redondant de dialogues insipides et de scènes répétitives constamment sur-explicative (quand elles n'ont pas la subtilité d'un hippopotame en chaleur), reniant toute potentielle question philosophique (sur l'humanité, intrinsèquement égoïste, sur l'aspect d'agneaux sacrificiels des enfants,...).
On a connu plus irritant ces derniers mois, mais pas beaucoup.

Jonathan Chevrier