[CRITIQUE] : The Father

[CRITIQUE] : The Father

Réalisateur : Florian Zeller
Avec : Anthony Hopkins, Olivia Colman, Imogen Poots, Mark Glass, Rufus Sewell,...
Distributeur : Orange Studio Distribution / UGC Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Britannique, Français.
Durée : 1h38min
Synopsis :
The Father raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.


Critique :

Jamais condescendant, aussi doux et émouvant qu'il peut être profondément déstabilisant, #TheFather est une merveille de drame qui offre une fenêtre certes fugace mais puissante, sur ce que peut être une vie frappée par la démence, et le détachement lent et cruel qu'elle provoque pic.twitter.com/SiYWrusUbM

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 26, 2021


Sans aller plus loin que ne peut le dire son affiche, The Father de Florian Zeller, qui adapte ici sa propre pièce, avait tout du drame standard fait pour incliner une académie des Oscars à ses pieds.
Ce qui n'est au fond, pas totalement faux puisque le film s'est payé une jolie petite carrière dans la récente course aux statuettes dorées, mais résumer ce premier long à ses (fausses) allures de mécanique calibrée et académique serait une monumentale erreur, tant il est si pertinent dans sa manière d'aborder une tragédie universelle et bien réelle, qu'il semble parfois prendre les contours d'un film d'horreur qui n'aurait pourtant aucune vocation à faire peur, ni même aucun artifice horrifique en son sein autre que la dureté et l'inéluctabilité de la vie.
Plongée intime et dévastatrice dans les méandres obscures de la démence, le premier long-métrage de Zeller n'est pas une expérience facile à encaisser, mais sa précision et sa justesse en fond quelque chose d'aussi merveilleux que terrifiant et nécessaire à mirer.

[CRITIQUE] : The Father

Copyright Orange Studio Cinéma / UGC Distribution


Avec son fameux " Père ", un lion blessé qui ne cesse de rugir et qui est frappé de graves pertes de mémoires au point qu'il ne reconnaît ni son environnement, ni les gens qui l'entourent et encore moins qui il est lui-même; The Father est totalement vissé sur la performance monumentale d'Anthony Hopkins (qui partage son prénom avec le personnage, renforçant le trouble pour le spectateur), tour à tour amical, perdu, en colère ou même effrayé (comme un enfant qui aurait été séparé de ses parents dans un grand magasin) entre quelques brèves périodes de conscience, l'extirpant d'une perplexité cauchemardesque constante.
Incroyablement déchirant à regarder, tant sa partition ne ressemble à rien de ce que nous avons pu le voir faire aujourd'hui, il semble tellement conscient des affres de la démence et de ses engrenages - dans lesquels il se perd sans réserve -, que l'on ne le sent jamais vraiment jouer cette homme intelligent qui ne peut justement plus compter sur son intelligence : il l'est de la première à l'ultime seconde.
Authentique, jamais linéaire et volontairement désorienté puisque rythmé par la confusion mentale de son personnage titre, répétant longuement ses séquences non pas comme une quelconque vanité structurelle, mais bien pour accentuer notre compréhension alors que lui-même se bat pour conserver la sienne; la narration du tandem Christopher Hampton/Florian Zeller, pas dénué de quelques lourdeurs symboliques (le fait qu'Anthony perde souvent sa montre n'est pas très subtil, mais cela fait mouche) se pare d'une double empathie follement rafraîchissante dans l'aspect déconcertant du déclin mental chez la victime (encore plus dans les derniers instants, ou il est à un certain niveau conscient de ce qui lui arrive), mais aussi ses proches.

[CRITIQUE] : The Father

Copyright Orange Studio Cinéma / UGC Distribution


Impossible alors de ne pas être frappé de plein fouet par la bravoure du personnage d'Olivia Colman, éblouissante en fille aimante mais littéralement brisée qui a longtemps mis sa vie sur pause (elle utilise le peu de joie qui l'anime, pour tenter de garder son paternel attaché au présent, et c'est aussi beau que terrible de la voir se décomposer à chaque chagrin, avant de se ressaisir), ou même par les prestations impliqués de ses - mêmes fugaces - seconds couteaux (d'un Rufus Sewell formidablement abject en une poignée de secondes, en passant par une Imogen Poots à l'optimisme charmant).
D'une direction d'acteurs aussi virtuose que sa mise en scène est habile, avec son apanage distinctement scénique (deux décors principaux seulement, mais quadrillé avec une créativité subtile), sublimé autant par la photographie lumineuse de Ben Smithard, que le score intense et contemplatif de Ludovico Einaudi; The Father est un merveilleux drame doux et émouvant sans jamais être condescendant (ni ridicule, un écueil évident avec un tel sujet), qui offre une fenêtre certes fugace mais puissante, sur ce que peut être une vie frappée par la démence, et le détachement lent et cruel qu'elle provoque.

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : The Father