Réalisateur : Dominic Cooke
Acteurs : Benedict Cumberbatch, Merab Ninidze, Rachel Brosnahan, Jessie Buckley, Angus Wright,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Drame, Espionnage, Thriller, Biopic.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h52min
Synopsis :
1960. Modeste représentant de commerce anglais, Greville Wynne se retrouve plongé au cœur de la guerre froide. À la demande du MI-6 et de la CIA, il noue une alliance aussi secrète que périlleuse avec le colonel soviétique Oleg Penkovsky. Objectif : fournir les renseignements nécessaires aux Occidentaux pour éviter un affrontement nucléaire et désamorcer la crise des missiles de Cuba. Il entame alors une série d'allers-retours entre Londres et Moscou en prenant de plus en plus de risques…
Critique :
Comme Le Carré, Cooke use d'un regard presque romantique sur les artifices du film d'espionnage et les amitiés platoniques qui l'habitent, et fait de son #UnEspionOrdinaire autant un solide drame sur le voyage d'une vie dans l'inimaginable, qu'un vrai devoir de mémoire captivant. pic.twitter.com/DUPA23orCR
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 23, 2021
Il y a quelque chose de férocement ordinaire dans la prestance du génial Benedict Cumberbatch, de son visage distinctif à sa stature assez banale, en passant par un timbre aussi robuste que sensuel, qui le rend de facto plus qu'idéal pour incarner à l'écran, un potentiel héros du quotidien dans lequel des grands comédiens britanniques tels que Daniel Day Lewis ou encore Gary Oldman, auraient peut-être plus de mal à se fondre.
Rien de plus normal alors, qu'il incarne avec brio et sans trop d'efforts, un homme d'affaires britannique banal qui se retrouve mêlé à un stratagème d'espionnage élaboré et résolument plus imposant que lui, en pleine guerre froide au coeur des 60s.
C'est l'histoire du bien nommé Un Espion Ordinaire, second long-métrage de Dominic Cooke (le plutôt réussi Sur la plage de Chesil), mais surtout celle donc de Greville Wynne, un ingénieur/VRP modeste et respectueux dont les fréquents voyages d'affaires en Europe de l'Est dans les années 50, ont incité les services secrets américains et britanniques à l'enrôler pour espionner l'URSS et être le contact du colonel Oleg Penkovsky (Merab Ninidze), opposé au programme nucléaire de Nikita Khrouchtchev.
Ces efforts extraordinaires ont permis aux USA et à la Grande-Bretagne d'obtenir des informations clés sur le renforcement militaire soviétique à Cuba (précipitant le monde au bord d'une guerre nucléaire en 1962), mais a également permis à l'établissement d'une ligne directe entre Moscou et Washington, sauvant ainsi vraisemblablement la planète de futures calamités.
Copyright Liam Daniel
En somme, sa vie est le terreau fou et fascinant de l'une des histoires d'espionnage les plus remarquables du 20e siècle, que Cooke présente judicieusement non pas comme un sommet d'héroïsme suranné et familier sous fond de contexte géopolitique tendu comme la ficelle d'un string, mais bien plus comme une histoire de loyauté personnelle et intime, certes très académique, mais qui n'est pas si éloigné du prisme opéré par John Le Carré dans ses oeuvres.
Comme lui - toute propension gardée évidemment -, Cooke use d'un regard presque romantique sur les artifices du film d'espionnage et les amitiés platoniques qui l'habitent, faisant naître le suspense non pas des révélations balancés à l'écran (la crise des missiles cubains est même presque traitée comme un bruit de fond) ou du cadre dangereux dans lequel il gravite (ou les idéologies écrasent littéralement l'humanité), mais bien de la nature de plus en plus codépendante entourant de l'amitié entre Oleg et Greville, à mesure que leur situation devient de plus en plus désespérée.
Autant drame d'espionnage sur le voyage d'une vie dans l'inimaginable, qu'un vrai devoir d'histoire/de mémoire important (une dualité qui se ressent même dans la structure du métrage, avec une seconde moitié plus sombre et intense que la première), porté par la justesse du tandem Cumberbatch/Ninidze et la superbe photographie de Sean Bobbitt; le familier Un Espion Ordinaire ne chasse jamais plus loin que le genre nous a habitué, mais reste de ses séances agréables à qui font suffisamment bien le café pour nous divertir à défaut de nous étourdir.
Et c'est déjà pas si mal.
Jonathan Chevrier