[CRITIQUE] : Annette

[CRITIQUE] : Annette

Réalisateur : Leos Carax
Acteurs : Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg, Devyn McDowell,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Musicale, Romance, Drame.
Nationalité : Français, Mexicain, Américain, Suisse, Belge, Japonais, Allemand.
Durée : 2h20min.
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021
Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.


Critique :

Entre la satire corrosive (avec un jab dans les gencives de la masculinité toxique de l'industrie), la méditation tendue sur l'anxiété créative ou même l'hommage passionnée à l'âge d'or d'Hollywood, #Annette est un conte de fées amer qui dévore comme un amour que l'on sait perdu. pic.twitter.com/nIj5jf7JiV

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 7, 2021

Laisser les clés du festival aussi bien aux Sparks Brothers qu'au trop rare Leos Carax, faisait déjà d'Annette une ouverture mythique gravé dans la légende, avant même que la première bobine ne vienne percer l'obscurité des salles.
Une promesse que le film ne viendra jamais trahir, sommet d'opéra rock follement mélodramatique sujet aux envolées folles du désir, du désespoir et de l'absurdité; une oeuvre glorieusement artificielle, franche et folle, nous défiant constamment de la prendre au sérieux et d'épouser ses excès, pour mieux vaciller avec elle dans un balai des sens étrange, troublant et infiniment personnel.
De son ouverture follement évocatrice (" So May We Start ? "), à ses délires grotesques (le personnage de Marion Cotillard qui donne naissance au bébé marionnette aux grandes oreilles et effrayant du couple) voire totalement improbables (le personnage d'Adam Driver qui lève la tête de l'entrejambe de Cotillard en plein cunnilingus, pour chanter une chanson d'amour... oui), le nouveau rejeton impertinent de Carax exalte autant qu'il déconcerte, ose tout (comme parsemer de gags loufoques ses séquences les plus sérieuses) pour mieux déstabiliser son auditoire, et le faire irrémédiablement tomber sous son charme vénéneux et dévastateur - bien aidé par la sublime photographie de Caroline Champetier.

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La romance improbable entre la célèbre soprano Anne Defrasnoux et le comédien de stand-up Henry McHenry a déjà débuté quand la caméra pose sur elle, ne nous donnant jamais vraiment les tenants de l'attirance qui les a unit, même s'ils sont follement amoureux l'un de l'autre - " We Love Each Other So Much " -, embarqués dans une liaison contre-intuitive, illogique et imprévue... comme le monde dans lequel ils vivent.
Mais toute cette exagération volontaire ouvre la voie a un regard subtilement plus intime et sincère, une sorte d'abîme délicat embaumé par le spectre carnassier de la dépression, de la colère et dû dégoût - surtout de soi -, des monstres humains qui habitent l'âme du plus séduisant d'entre eux : Henry.
Exposant physiquement et psychologiquement ses personnages jusqu'à la rupture, le cinéaste - et les Mael, derrière le script - unit et explose les contraires entre eux, sublime et dynamise le surréalisme de leur rencontre, pour mieux sonder la magie cruelle et contre-intuitive de l'amour autant que de l'acte créatif lui-même.
Henry (auquel Carax s'identifie clairement, guidant la performance extraordinaire de Driver) est un humoriste jamais drôle, qui a besoin de mépriser sa foule en adoration, pour mieux " créer " son art là où celui d'Anne est résolument plus élégant et redempteur; lui incapable d'exprimer la joie, la grâce ou la crainte, alors qu'elle sublime tout ce qu'elle fait.
Lui " tue ", fait mal, elle " sauve ", se sacrifie; des extrémités émotionnelles que le film embrasse avec une imagination fervente et une conviction ludique et inébranlable en lui-même.
En déconstruisant avec sensibilité un mariage - déjà - condamné (on pense instinctivement à A Star is Born), dans un tourbillon d'aliénation, de perte et de regret; Leos Carax créer la tragédie musicale et rappelle que l'amour et le drame font souvent des amants intimes follement cinégénique, et encore plus lorsque l'on ne sait plus ou se termine le premier, ni ou le second commence...

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Entre la satire corrosive de comédies musicales du type La La Land, avec un jab dans les gencives de la masculinité toxique de l'industrie, l'extension sombre et chantée de Marriage Story (avec un doigt d'Anomalisa), la méditation tendue et terrifiante sur l'anxiété créative ou même l'hommage passionnée à l'âge d'or d'Hollywood; Annette est un conte de fées amer qui passionne et dévore comme un amour que l'on sait perdu.
Une nouvelle preuve éclatante que le poète de l'amour fou qu'est Carax n'a strictement rien perdu de sa superbe, provoquant une frustration d'autant plus intense face à sa productivité aussi morcelée dans le temps.
Jonathan Chevrier
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Le 74ème Festival de Cannes a ouvert ses portes hier soir, avec son tapis rouge que foulent les plus grandes stars du cinéma. Leos Carax a eu l’honneur d’ouvrir le bal, avec son nouveau long métrage, une tragédie musicale portée par Sir Adam Driver et Dame Marion Cotillard. Annette fait suite à Holy Motors, lui aussi en compétition à Cannes il y a déjà neuf ans. Le cinéaste continue de plonger sa caméra dans l’univers sans pitié du spectacle. Si Holy Motors transformait Paris en une terre sacrée du cinéma, Annette s’invite dans le star-system américain, dans le monde sans pitié du spectacle vivant, qui paradoxalement s’enroule autour de la mort.

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Henry aime passionnément Ann. Ann aime tendrement Henry. Les extrêmes s’attirent nous dit un dicton et il est plus vrai que nature ici. Après une ouverture hors-récit, d’une inventivité folle, recréant le moment sacré du générique de film - moment d’introspection et d’attente, où l’on se donne au film sans limite, notre attention, notre temps, parfois même notre patience - avec le morceau entraînant “So we may start ?” (auquel nous avons envie de répondre “oui s’il vous plaît !”), le film peut commencer. Henry (Adam Driver) est un humoriste torturé, sombre, qui a besoin de cynisme pour faire entendre les précieux éclats de rire. Subversif, provocateur, immensément sexy, séducteur, il “tue” ses fans dans son spectacle et les méprise. Tout le contraire d’Ann (Marion Cotillard), une beauté irréelle à la voix d’ange. Cantatrice célèbre dans le monde de l’Opéra, elle meurt tous les soirs sur scène, mais “sauve” ses fans. Leur amour est suave, tendre et donne naissance à une petite fille, Annette.
Il n’est pas aisé de rentrer dans le monde que nous propose Leos Carax. Un monde bruyant, grotesque, sans cesse remis en question par la mise en scène. Doit-on, peut-on croire à ce que le cadre nous montre ? Doit-on se laisser séduire par le regard de braise d’Henry, par la voix envoûtante d’Ann ? Peut-on croire une seule seconde à la marionnette qui fait office de petite-fille ? Et pourtant … Pourtant si on se laisse porter par la proposition d’Annette, par sa longue descente aux enfers, par son monde où la recherche de la gloire mène à la perdition, et bien, on y croit ! On peut y voir tant de choses dans ce long métrage : un hommage aux comédies musicales hollywoodiennes, aux grandes histoires d’amour tragiques. Un regard sur notre industrie cinématographique actuelle, qui encense ses grands artistes “incompris”, “ à l’âme torturé”, où il faut séparer l’homme de l’artiste, le bourreau du créateur.

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Leos Carax transforme Los Angeles, comme il a transformé Paris. La ville se mue en un théâtre de marionnettes, en un cimetière d’étoiles où la beauté renonce face au cynisme. La noirceur détruit tout, l’amour passionnel, la tendresse et laisse place à un abîme sans fond. Pourtant Annette défie parfois cette noirceur et offre un spectacle clinquant. Si Marion Cotillard et Adam Driver sont au firmament de leur art, il ne faut pas oublier Simon Helberg, bien loin de ses mimiques de Big Bang Theory. Il offre une incroyable prestation, lumière dans les ténèbres. Annette, comme toute œuvre radicale, se fera clivante. Le film engendrera peut-être des débats houleux, des mésententes ou des alliances solides. “Le cinéma est là pour ça”, nous disait Jodie Foster à la cérémonie d’ouverture, “pour toucher, pour connecter, pour transformer.” Leos Carax l’a prise aux mots.

Laura Enjolvy[CRITIQUE] : Annette