[CRITIQUE] : La saveur des coings

[CRITIQUE] : La saveur des coings

Réalisateur/trice : Kristina Grozeva et Petar Valchanov
Acteurs : Ivan Barnev, Ivan Sanov, Margita Gosheva, Tanya Shahova, ...
Distributeur : Urban Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie
Nationalité : Bulgare, Grec
Durée : 1h27min
Synopsis :
Vasil, artiste peintre septuagénaire vient de perdre son épouse Ivanka. Persuadé que celle-ci cherche à entrer en contact avec lui depuis l’au-delà, Vasil demande l’aide d’un medium bien connu, faiseur de miracles pour les uns, charlatan sectaire pour d’autres. Son fils Pavel tente de le ramener à la raison mais Vasil insiste obstinément pour faire les choses à sa manière...


Critique :

C’est dans la gestion du chagrin, la communication difficile et les situations cocasses qu’elle entraîne que #LaSaveurdesCoings, dramédie sarcastique et authentique, réussit à faire poindre l’émotion, le fruit devenant le symbole de la relation père/fils rompue. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/C91T5ZVE7J

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 9, 2021


Couple à la vie comme derrière la caméra, les deux cinéastes Kristina Grozeva et Petar Valchanov reviennent sur grand écran avec leur troisième long métrage, La saveur des coings. Il sera question de ce fruit, en confiture de grand-mère faite avec du géranium tandis que Pavel (Ivan Barnev) doit gérer son père Vasil (Ivan Sanov), perdu depuis la mort de sa femme. Les non-dits, les mensonges, les liens père-fils fragiles parsèment cette dramédie bulgare, sarcastique et authentique.
Vasil a une idée précise du tableau qu’il va peindre pour honorer sa femme, tout juste enterrée. Ce peintre à la retraite asticote son fils pour qu’il trouve une photo, parmi le bazar des placards tandis qu’il office une mini-conférence de sa toile pour ses voisins. La relation de Vasil et de son fils est résumée dans cette brève séquence. Vasil fait tout pour être au centre de la scène, s’enveloppant dans une souffrance clinquante, il s’accapare de ce fait le deuil de sa femme et oublie son fils, qui lui vient de perdre sa mère. De son côté, Pavel ne fait rien pour comprendre son père et voit ses demandes comme des excentricités plutôt que des appels à l’aide. En plus de la mort brutale de sa femme, nous comprenons que le vieil homme culpabilise de ne pas savoir la chose qu’elle voulait lui dire avant son opération fatale. Alors quand la tante de Pavel arrive affolée — elle vient soi-disant de recevoir un appel d’outre-tombe de sa sœur —, il n’en faut pas plus à Vasil d’être convaincu de faire appel à un médium. C’est le point de départ d’un road-trip original, fait d’aller-retour, d’une course-poursuite en charrette et de vol de confiture de coings, tout cela en chaussons.

[CRITIQUE] : La saveur des coings

Copyright Urban Distribution


Les cinéastes s’attachent à ne pas nous montrer la vie extérieure des personnages pour ne s’intéresser qu’à leur relation. Nous entendons alors la femme de Pavel uniquement par téléphone et comprenons sa grossesse que par son envie soudaine de confiture de coings maison et de l’empressement de son mari à lui en apporter. C’est par ce fils soumis que le ton burlesque du film apparaît, incapable de retenir les frasques de son père ou de ne pas mentir à sa femme pour protéger ses nerfs d’une grossesse compliquée. Pavel est indécis, ne sait pas comment gérer ce père grossier, distant, incohérent dans son malheur et s’enfonce dans ses mensonges pour ne pas sombrer. C’est une spirale infernale, les mensonges sont de plus en plus gros, tandis que son père s'attire de plus en plus d'ennuis. La volonté de Vasil est muée par une quête impossible, celle de comprendre ce que voulait lui annoncer sa femme, avant sa mort. Il n’a de cesse de vouloir combattre cette mort qui l’empêcherait de communiquer. Faire appel à un médium (possible charlatan) devient le seul moyen et Pavel ne peut s’appuyer sur le soutien des autorités pour faire revenir son père à la raison. L’hôpital pourrait l’enfermer aussi longtemps qu’il le voudrait, le médecin complice, clin d'œil à l’appui. Un patient de plus pour se remplir les poches. La police, de son côté, n’est pas très réactive à l’annonce de la disparition d'un vieil homme en deuil et préfère prendre son café tranquillement. Deux brèves séquences exposant la réalité sociale de la Bulgarie, qui s'oppose au besoin de Vasil de croire en des forces mystiques. Il n'y que son fils, seul, qui peut faire face à son chagrin, malgré des sentiments mitigés à son égard.

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C’est dans la gestion du chagrin, dans la communication difficile et les situations cocasses qu’elle entraîne que La saveur des coings réussit à faire poindre l’émotion. Le fruit devient même le symbole de cette relation père/fils rompue, immangeable en l’état à cause de son amertume, il faut le travailler lentement et patiemment pour le transformer en pâte sucrée.
Laura Enjolvy
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