On entend et on lit beaucoup sur le concept de structure. Pour atténuer l'aspect arbitraire que comporte par sa nature même une structure, il est souvent dit que la structure est un principe flexible, qui n'est point la formule qu'il apparaît être.
Une structure est donc un ordonnancement de moments singuliers comme les passages entre les actes Un et Deux puis Deux et Trois, mettre un point médian comme une articulation majeure du récit, créer un All is Lost (un moment où tout semble perdu pour le héros ou l'héroïne) et puis encore quelques nœuds dramatiques savamment placés à des endroits stratégiques du récit.
Un besoin qui n'en est pas un
Vouloir se conformer à une structure préétablie n'est pas une mauvaise chose en soi. Après tout, l'artisan qui crée de ses propres mains, malgré tout le génie dont il est capable, se sert d'outils pour créer.
Dans l'écriture, se référer à un système (même s'il est établi par de grands théoriciens) s'avère souvent impraticable.
Si vous voulez construire une histoire qui a du sens, qui touche et émeut lecteurs et lectrices, ce n'est pas vraiment d'une structure dont vous avez besoin mais de personnages, des personnages auxquels vos lecteurs s'intéresseront.
Si vous lisez Scenar Mag régulièrement, vous avez certainement constaté que je consacre beaucoup de recherches à la théorie (et pratique) narrative Dramatica. Dramatica distingue quatre lignes dramatiques dans un récit. Trois d'entre elles présentent un voyage émotionnel et philosophique pour au moins deux personnages : le personnage principal et un autre personnage qui influence le personnage principal (quelle que soit la fonction de cet autre personnage : antagoniste, Love Interest...) et parallèlement à ces deux lignes dramatiques, la relation qui unit ces deux personnages connaît elle aussi sa propre évolution indépendamment du cheminement personnel des deux individus impliqués dans cette relation.
En quoi consiste ce voyage émotionnel ? Il mène ce ou ces personnages, à la fin de l'histoire, à une position émotionnelle et philosophique différente de celle qu'ils avaient au début de l'histoire. Est-ce néanmoins suffisant et nécessaire ? Non, car il faudrait aussi qu'à travers vos personnages, vous ayez quelque chose à dire, c'est-à-dire un thème.
Un récit comporte plusieurs thèmes mais parmi eux, l'un sera nommé comme un argument dramatique. Un argument, c'est un débat entre deux approches, deux points de vue ou perspectives sur un même sujet (le pile et le face d'une même pièce de monnaie, si vous me permettez cette analogie).
Si vous avez bien réfléchi à vos personnages, il vous suffit d'imaginer les événements et, surtout, les relations qui feront passer votre personnage de sa position philosophique et émotionnelle de départ à celle qu'il occupera à la fin de l'histoire, lorsqu'il reconnaîtra que le thème est vrai.
Un argument comme thème
Alors, qu'est-ce qu'un thème ou argument dramatique central ? Il n'existe pas de définition certaine, certains pensent néanmoins qu'un thème est une assertion sur la vie. Il sera de votre responsabilité par votre récit d'exposer les deux aspects de votre argument de façon dépassionnée (c'est-à-dire sans privilégier ouvertement l'un des deux côtés) et honnête afin qu'en fin de compte, votre argument débouche sur votre message, votre vérité.
Considérons Les Croods par exemple. Le personnage principal Grug croit que l'on doit se méfier de tout, d'avoir peur de tout. C'est ainsi qu'il est lorsque nous faisons sa connaissance.
Au fil de son aventure, néanmoins, il apprendra (bien que ce changement soit intervenu avant une complète évolution de sa personnalité) qu'il est vain de tout craindre. Le film retrace le parcours émotionnel et philosophique de Grug avec chaque développement de l'intrigue conçue par les scénaristes pour faire passer le protagoniste d'une croyance à son contraire à la fin de l'histoire.
Par exemple, la fille de Grug remet continuellement en question ses valeurs. Puis Guy arrive et montre à Grug une autre voie, même si pour Grug le processus d'apprentissage de sa fille et de Guy est douloureux et humiliant. Car cette transformation nécessaire d'un héros ou d'une héroïne se fait toujours dans la souffrance.
Donc, si vous voulez préparer votre récit à l'avance, pensez à l'état émotionnel et aux croyances de votre personnage au début et à ce que vous voulez qu'il devienne émotionnellement et philosophiquement à la fin. En d'autres termes, pensez au thème ou argument dramatique central que vous voulez que votre protagoniste reconnaisse comme vrai à la fin de l'histoire. Ensuite, réfléchissez aux événements ou aux relations qui amèneront votre protagoniste, souvent sans le vouloir, à passer de sa position émotionnelle et philosophique de départ à celle qu'il aura à la fin.
Souvent, le protagoniste adopte finalement le nouveau système de valeurs juste avant ou pendant le climax (c'est-à-dire l'ultime confrontation), et c'est ce changement personnel qui lui permet de triompher à l'issue du climax.
Grug utilise son ancien ennemi, le tigre - le genre de créature qu'il craignait - pour résoudre son problème au moment du climax. Il cesse d'avoir peur et, grâce à cela, il résout le redoutable problème de l'histoire qui se pose à lui : passer d'un côté du gouffre à l'autre, où sa famille l'attend.
Racontez une histoire qui a vraiment quelque chose à dire sur cette expérience folle qu'est la vie, et le public l'adorera.
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