Avec des films comme "Parlons Femmes" (1964), "Drame de la Jalousie" (1970), "Une Journée Particulière" (1977) ou "Le Bal" (1983), Ettore Scola s'est imposé comme un des plus grands réalisateurs italiens. Après "Nous nous Sommes tant Aimés" (1974) le réalisateur avait prévu de signer un documentaire sur les bidonsvilles du quartier Monte Ciocci à Rome. Mais finalement il décida d'aborder le sujet via une comédie grinçante qui devait avoir une "préface écrite et lue" par Pier Paolo Pasolini où ce dernier aurait décrit la "transformation du sous-prolétariat au contact de la société de consommation". Malheureusement celui qui venait de faire scandale avec son ultime film "Salo ou les 120 Journées de Sodome" (1975) est assassiné avant de pouvoir terminer. Néanmoins, Scola poursuit, produit par le nabab Carlo Ponti grand producteur notamment de (1954) de Federico Fellini, "Le Mépris" (1963) de Jean-Luc Godard ou "Blow-Up" (1966) de Michelangelo Antonioni, puis il co-signe son scénario avec Ruggero Maccari scénariste réputé qui a signé des comédies majeures du cinéma italien surtout pour comme "Le Fanfaron" (1962), "Les Monstres" (1963) et "Parfum de Femme" (1974). Le film est un succès avec en prime le Prix de la Mise en scène pour Ettore Scola au 29ème Festival de Cannes... Dans un bidonville romain, une vingtaine de membres d'une même famille vivent sous le même toit de tôle, ils vivent tous sous l'autorité du patriarche tyrannique et surtout avare de sa petite fortune qu'il garde et cache. Cette fortune de 1 million de lire est une indemnité qu'il a reçu pour avoir perdu un oeil à la guerre mais il refuse d'en faire profiter sa famille, et obsédé par la crainte de se le faire dérober il change la cachette chaque nuit. Bien que marier, il impose une prostitutée comme seconde épouse, ce qui va pousser sa légitime à chercher vengeance...
La grande majorité du casting sont des amateurs ou des acteurs débutants. Seul le patriarche Giacinte Mazzatella est incarné par une vedette, Nino Manfredi vu entre autre dans "Les Amoureux" (1955) de Mauro Bolognini et "Les Aventures de Pinocchio" (1972) de Luigi Comencini, et qui retrouve Ettore Scola après "Nos Héros réussiront-ils à retrouver leur Ami mystérieusement Disparu en Afrique ?" (1968) et surtout "Nous nous Sommes tant Aimés". Outre les inconnus on peut tout de même citer les rares acteurs déjà vu ou aperçu comme Ettore Garofolo vu dans "Mamma Roma" (1962) et "La Ricotta" (1963) tous deux de P.P. Pasolini et qui retrouvera Scola pour "Le Dîner" (1998), Franco Merli vu également chez Pasolini dans "Les Mille et Une Nuits" (1974) et "Salo où les 120 Journées de Sodome", Zoe Incrocci vue dans "La Dame de Tout le Monde" (1934) de , "Les Passionnés" (1953) de Giorgio Simonelli et "Le Témoin à Abattre" (1973) de Enzo G. Castellari, Marcella Michelangeli vu dans "Prenez Garde à la Sainte Putain" (1971) de Rainer Werner Fassbinder et "Padre Padrone" (1977) des frères Taviani et aussi vu dans "Nous nous Sommes tant Aimés", puis enfin citons Beryl Cunnigham actrice jamaïcaine qui fera carrière en Italie et notamment vue dans "La Possédée du Vice" (1970) et "Le Decaméron Noir" (1972) de Piero Vivarelli... D'emblée ce qui frappe c'est qu'on aura rarement vu au cinéma une smala pareille, une famille aussi réellement affreuse, sale et méchante au sens le plus littéral du terme. Une chronique sur une famille dite du "quart-monde" où pas un seul des membres ne semble apte à l'empathie.
Evidemment, celui qui attire notre opprobre reste le patriarche, être abject, radin, égoïste, paranoïaque qui semble détester toute sa famille. Incarné par Nino Manfredi on s'amuse d'autant plus que le cinéaste décrit son acteur : "le petit bonhomme italien, sympathique, pas très intelligent, mais astucieux (...), celui qui est né pour être victime mais qui ne le devient pas à cause de sa richesse intérieure." ; on retirera seulement le mot "sympathique" et "richesse". Dans la première partie le cinéaste nous plonge au sein du taudis familial où on fait connaissance avec les membres, des petits enfants à l'arrière-grand-mère en passant par les frères et soeurs, les épouses légitimes ou les maîtresses, où la plupart ne semblent pas faire de travail honnête, où celle qui semble le mieux réussir vend son corps la tête haute, et surtout où tous on un côté libidineux qui tient de la pathologie. Le titre du film, cette famille cra-cra autant physiquement que moralement, jusqu'au genre du film comédie sociale et satirique cynique et à l'humour plus noir que noir, tout est raccord ce qui est déjà un record de cohérence. Bref, cette famille est immonde et finalement le père a une famille à son image. On suit donc surtout le quotidien de ce Giacinto/Manfredi où tout nous ait montré pour qu'on ne lui trouve aucune excuse : l'empathie ou l'indulgence n'a pas lieu d'être. Mais quand la "seconde concubine" arrive le film évolue enfin et la nature véritable des uns et des autres se révèle. Ettore Scola nous invite donc au sein d'une famille vraiment détestable, et la jubilation du spectateur vient sans doute de là, on se sent finalement bien supérieur quand on voit cette famille qui s'entredéchire, le film réveille sans doute aussi notre part d'ombre entre égoïsme et estime de soi. Le film est atypique finalement car on passe un bon moment malgré des protagonistes infects.