Nouveau film de Paul Verhoeven sur une femme qui aura marqué son temps, à savoir Benedetta Carlini (Tout savoir ICI !), une religieuse du 17ème siècle mystique et lesbienne en pleine période de Contre-Réforme en Italie. Tourné en 2018 la sortie du film en parallèle du Festival de Cannes a comme beaucoup été retardé à cause du Covid mais également à cause d'un ennui de santé du réalisateur en 2019. Le réalisateur déclare à propos de ce projet : "J'ai été attiré par l'audace et l'unicité de cette histoire, par le mélange entre christianisme et sexualité lesbienne. Le personnage m'intéressait, avec la question de savoir si on peut manipuler les gens sans se rendre compte qu'on les manipule. D'autre part, j'ai toujours été intrigué par Jésus, j'ai même écrit un livre sur lui. Ce film montre mon intérêt pour les religions, mais aussi mes doutes sur les réalités religieuses." Pas étonnnant effectivement qu'une telle histoire vraie puisse attirée le cinéaste hollandais. L e film est adapté du livre "Soeur Benedetta, entre Sainte et Lesbienne" (1987) de Judith C. Brown, historienne qui a retrouvé les documents sur cette histoire et notamment les verbatim du procès dans les archives de Florence. Au départ, le réalisateur avait prévu d'écrire le scénario avec Gerard Soeteman son collaborateur sur de nombreux films de "Business is Business" (1971) à (2006) en passant pat "Spetters" (1980) et "La Chair et le Sang" (1985), mais cette fois les deux amis n'ont pu parvenir à une entente artistique. Le réalisateur fait donc appel à David Kirke avec qui il a signé son précédent film (2016)...
Au 17ème siècle, alors que la Peste se propage en Italie, la jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Semblant prédestinée à un destin singulier au sein de l'Eglise, très vitre Benedetta se fait une place au sein du couvent jusqu'à devenir une Elue, qui se veut épouse de Jésus Christ. Elle devient une religieuse importante dont l'Eglise va se servir, ou est-ce l'inverse ? Mais Benedetta va se brûler aux ailes du désir auprès d'une autre religieuse, la "presque" sainte va alors devenir une hérétique... Le rôle titre est incarnée par Virginie Efira qui retrouve le réalisateur après "Elle" (2016), et vue depuis entre autre dans ( 2020) de Anne Fontaine et "Adieu les Cons" (2020) de Albert Dupontel. D'autres religieuses sont interprétées par Charlotte Rampling actuellement dans un autre film du Festival de Cannes avec "Tout s'est bien Passé" (2021) de François Ozon et en l'attendant dans le très attendu "Dune" (2021) de Denis Villeneuve, Daphné Patakia vue et remarquée dans "L'Eveil du Printemps" (2015) de Constantinos Giannaris et surtout "Djam" (2017) de Tony Gatlif, et Louise Chevillotte vue dans "L'Amant d'un Jour" (2017) et "Le Sel des Larmes" (2020) tous deux de Philippe Garrel. Chez les hommes nous avons Lambert Wilson vu dernièrement dans "Les Traducteurs" (2020) de Régis Roinsard et (2020) de Gabriel Le Bomin, puis Olivier Rabourdin vu dans "La Réunification des Deux Corées" (2019) de Yoonyoung Choï et "Boîte Noire" (2020) de Yann Gozlan. Et enfin, citons la maman de la jeune Benedetta jouée par Clotilde Courau vue dans "La Fête des Mères" (2018) de Marie-Castille Mention-Schaar et "Une Fille Facile" (2019) de Rebecca Zlotowski... Le prologue est peu inspiré avec des soldats mercenaires caricaturaux. Le film débute vraiment avec l'arrivée au couvent où déjà Verhoeven assène un coup bien senti sur la rapacité de l'Eglise. Bon point, le cinéaste annonce la couleur, Benedetta n'est pas un simple biopic. Le cinéaste va surtout se servir de cette histoire vraie, ce destin pour montrer la face moins lumineuse de l'Eglise chrétienne du Vatican. Ainsi il dénonce l'hypocrisie du clergé notamment envers la sexualité au sein de leur institutio, mais aussi toute l'ambiguité des instances supérieures notamment quitte à exploiter les "miracles". Le Clergé est alors démontrée comme une machine politique plus qu'une maison de foi. La lutte intrinsèque entre les membres de l'Eglise, une lutte de pouvoir et d'opinion est parfaitement maitrisé et intégré à l'intrigue derrière Benedetta.
Sur cette dernière, Verhoeven choisit très judicieusement de laisser planer le doute sur sa position : est-elle réellement choisie par Jésus ? A-t-elle vraiment eu une vision de Jésus ? Croit-elle réellement à ses visions ? Ou, à contrario, est-elle une simple mythomane, au point peut-être d'y croire à force de mensonge ? Et même, Benedetta est-elle une dangereuse manipulatrice, lucide et prête à tout pour obtenir une liberté qui lui permettrait de vivre sa vie sexuelle comme elle l'entend ?... Toutes ces interrogations sont légitimes et logiques, et la vraie force du film est justement de ne jamais y répondre. Rappelons que l'histoire se déroule au début du 17ème et qu'alors toutes ces interrogations sont complètement compréhensibles. Par contre, on reste un peu perplexe quant aux parties "visions" ainsi matérialisées, peu inspirées peu inspirantes elles sont peu intéressantes et surtout frôlent un grotesque qui ne correspond pas au reste du film. Sinon on apprécie la reconstitution sans esbroufe, ni trop ni peu juste le nécessaire avec en prime un choix judicieux à la photographie signée Jeanne Lapoirie (déjà sur "La Fracture" de Catherine Corsini également au Festival de Cannes) qui repose sur une lumière naturelle (bougie, soleil). Sur ce travail Verhoeven aurait fortement conseillé à la Directrice Photo de regarder le film "Ivan le Terrible 2" (1958) de Sergueï M. Eisenstein. Sur la question de la Peste, il y a là un soucis de chronologie car si il y a bien eu une épidémie c'était en 1629-1631 (tout savoir ICI) et Benedetta était démasquée et cloîtrée déjà depuis quelques années. Un détail, mais qui renvoie surtout à un sujet déjà abordé par le Verhoeven dans son chef d'oeuvre "La Chair et le Sang" (1986), tandis que le cinéaste avoue s'être inspiré pour cette partie d'un autre chef d'oeuvre, "Le Septième Sceau" (1957) de Ingmar Bergman. Malgré les parties "visions" trop peu convaincantes le film est donc un drame historique aux sujets riches et foisonnants avec différents niveaux de lecture, avec en prime la perfromance des acteurs qui sont tous remarquables.