Un des films très attendus après cette pandémie Covid et présenté au Festival de Cannes 2021, l'Histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi (Tout savoir ICI !), un mauritanien enlevé et emprisonné à Guantanamo durant près de 16 ans sans inculpation ni procès. Le film est adapté des mémoires de l'intéressé écrites en prison, "Les Carnets de Guantanamo" (2015) dont la publication a été d'ailleurs aidé par un certain Benedict Cumberbatch, acteur et producteur du film. Précisons que le titre français est "Désigné Coupable", un titre aussi générique que stupide comme souvent en V.F. Un sujet qui revient aux commandes de Kevin MacDonald, pas étonnant pour ce cinéaste Oscar du meilleur documentaire pour "Un Jour en Septembre" (1999) sur la prise d'otage aux Jeux Olympiques 1972 à Munich, et qui a depuis montrer tout son talent sur d'autres histoires vraies comme "La Mort Suspendue" (2003) et surtout "Le Dernier Roi d'Ecosse" (2006). Le scénario a été confié à trois scénaristes, Rory Haines et Sohrab Noshirvani qui commence à faire parler d'eux notamment en co-signant le prochain DC Comics "Black Adam" (2022) de Jaume Collet-Serra, puis M.B. Traven alias Michael Bronner connu avant tout comme producteur notamment des excellents "Green Zone" (2010) et "Captain Phillips" (2013) tous deux de Paul Greengrass... Suite aux attentats du 11 septembre 2001 les Etats-Unis ont promulgué une loi qui leur permet d'emprisonner tous suspects terroristes. La plupart est enfermée en secret à Guantanamo qui se trouve hors juridiction. Le mauritanien Mohamedou Ould Slahi est enlevé en 2002, il faudra attendre 2005 avant que sa famille apprenne qu'il est à Guantanamo. L'avocate Nancy Hollander, spécialiste dans le domaine, choisit de le défendre. Pour commencer, elle pousse le prisonnier à rédiger ses mémoires sur son expérience...
Ould Slahi est incarné par le frenchy Tahar Rahim pas vu depuis "The Kindness of Strangers" (2019) de Lone Sherfig, qui retrouve les barreaux après sa révélation dans le chef d'oeuvre "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard, qui retrouve aussi le réalisateur Kevin MacDonald après "L'Aigle de la Neuvième Légion" (2011). Ses avocates sont interprétées par Jodie Foster qui se fait rare, ayant tourné uniquement dans deux films ces 7 dernières années avec "Hotel Artemis" (2018) de Drew Pearce et "Be Natural : l'Histoire Cachée de Alice Guy-Blaché" (2018) de Pamela B. Green où elle n'est que narratrice, puis Shailene Woodley qui semble perdre un peu d'aura ces dernières années mais vue dans "Endings, Beginnings" (2020) de Drake Doremus et "Last Letter from Your Lover" (2021) de Augustine Frizzell. Côté gouvernement américain on a d'abord le Lieutenant Couch avocat de l'accusation incarné par le producteur Benedict Cumberbatch vu dernièrement dans (2019) de Sam Mendes et "Un Espion Ordinaire" (2021) de Dominic Cooke, Zachary Levi remarqué surtout dans le rôle de (2019) de David F. Sandberg, puis enfin citons Corey Johnson ayant joué une victime du 11 septembre dans "Vol 93" (2006) de Paul Greengrass, réalisateur qu'il a retrouvé dans "La Vengeance dans la Peau" (2007) et "Captain Phillips" (2013), et qui retrouve également Kevin MacDonald après "Maintenant C'est ma Vie" (2013)... S'il s'agit du destin du mauritanien, le scénario partage le récit entre trois protagonistes principaux, avec le désigné coupable, il y a les deux avocats de la défense (Foster) et de l'accusation (Cumberbatch). Ainsi le récit se décompose en trois points de vue qui vont évoluer au fil des ans. Le film est avant tout construit comme un film judiciaire, un sous-genre en soi, un sous-genre phare du cinéma américain.
On suit donc les investigations des deux avocats, et le mauritanien qui a droit à quelques flash-backs au format carré et à l'image floutée façon rêve et souvenirs. Le film est bien construit bien que assez classique dans sa narration, mais les différents points de vue permettent aussi de comprendre les tenants et aboutissants mais surtout de comprendre les conséquences du 11 septembre jusqu'à avoir des doutes sur le mauritanien alors qu'on connaît pourtant l'issue ! Il faut avouer que recevoir un appel d'un proche de Ben Laden via le téléphone perso du leader à de quoi poser problème. Le film reste compréhensible, les coulisses sont parfaitement montrés jusque dans l'incroyable pouvoir liberticide que les Etats-Unis se sont octroyés et sur ces points le film est un pamphlet très démonstratif et particulièrement militant. Trop peut-être avec cette fin concernant le vrai Mohamedou Ould Slahi qui est un peu longue, voir un peu facile. C'est d'autant plus maladroit que le vrai défaut du film est pourtant, et justement, le manque d'émotion. On perçoit bien le conflit intérieur de l'avocat Couch/Cumberbatch, le fait de faire douter sur le mauritanien est aussi très malin, mais la détresse de ce dernier, le rapport à sa famille par exemple semblent trop superficiel et manque un peu de chair. Néanmoins, la force de l'histoire, très documentée au demeurant, un destin qui reste pourtant un parmi tant d'autres, est presque un devoir de mémoire malgré un parti pris flagrant. Il manque peut-être un contre-avis dans ce scénario unilatéral. Malgré ses petits bémols Kevin MacDonald signe un film fort et surtout passionnant, merveilleusement interprété.