Un grand merci à Rimini Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Marché de brutes » d’Anthony Mann.
« Je serai prudent. Je veux respirer. C’est pour ça que je dois sortir. »
Le gangster Joe Sullivan tente de s'évader de prison avec la complicité de sa petite amie Pat et de Rick Coyle, le chef de gang qui espère en fait voir l'opération échouer et être ainsi débarrassé de l'homme à qui il doit 50.000 $. Mais l'évasion est un succès, et Joe se réfugie chez Ann, une assistante sociale qui s'est prise de sympathie pour le truand. Celui-ci veut retrouver Rick, et récupérer son argent.
« Ne craignez plus que je vous dénonce. Vous aurez votre compte un jour ou l’autre »
Pour le grand public, le nom de d’Anthony Mann reste principalement associé à ses excellents westerns des années 50, portés le plus souvent par son vieil ami James Stewart (dont il fit la rencontre durant les années 30 sur scène lorsqu’il fut lui-même acteur) : « Winchester 73 », « Les affameurs », « L’appât », « Je suis un aventurier » et « L’homme de la plaine ». Il fut aussi célèbre pour avoir débuté le tournage du mythique péplum « Spartacus » avant d’être rapidement remercié et remplacé par Stanley Kubrick. Une mésaventure qui ne l’empêchera pas de retrouver, plus tard, Kirk Douglas sur le film « Les héros de Télémark ». Mais bien avant d’être une figure reconnue du cinéma américain, Mann, qui fut le poulain du producteur David O. Selznick puis l’assistant de Preston Sturges, débutera sa carrière de cinéaste en enchainant les films de série B à petits budgets. Et notamment des films noirs très maitrisés (« Il marchait la nuit », « Incident de frontière », « La brigade du suicide ») qui lui permettront d’assoir sa réputation. Parmi eux, il tourne notamment « Marché de brutes » en 1948.
« Je me fiche de la sécurité. Je veux de l’honnêteté. »
« Marché de brutes » se base d’abord sur un scénario classique et d’une remarquable simplicité : un taulard parvient à s’évader grâce à la complicité de sa petite amie et avec la ferme intention de faire payer à ses anciens associés le prix de leur trahison. Mais les choses ne se passeront pas tout à fait comme prévu et ses rêves de vengeances seront perturbés par l’irruption inopinée de l’assistance sociale de la prison dont il finira par tomber amoureux. Avec un grand sens de l’épure et sans jamais chercher les effets tape-à-l’œil inutiles, Mann filme ainsi son film avec un formidable souci de réalisme quasi documentaire. Surtout, il réussit avec beaucoup de malice à transcender son sujet pour donner à son récit de faux airs de tragédie. En cela, « Marché de brutes » est un film d’une profonde noirceur, irrémédiablement traversé par la mort et la fatalité. Comme si au fond, quoi qu’il fasse, le héros était d’emblée condamné à rester prisonnier de son statut. Et que cette fuite en avant devait irrémédiablement le conduire à sa propre perte. Ce qui, au final, révèle la vulnérabilité du héros et lui confère toute son humanité. Filmé au cordeau et sur un format resserré (79 minutes à peine), « Marché de brutes » demeure un film noir touchant et d’une remarquable efficacité qui annonce les grandes réussites du genre des années 50 (à commencer par « Quand la ville dort » de Huston sorti deux ans plus tard).
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Féminin singulier » : interview de Jacques Demange, critique à la revue Positif (15 min.).
Édité par Rimini Éditions, « Marché de brutes » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 15 juin 2021.
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