La clé de verre

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La clé de verre » de Stuart Heisler.

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« Il vaut mieux ne pas faire de cadeaux tant  qu’on n’est pas sûr qu’ils soient acceptés »

Paul Madvig, un politicien, est soupçonné du meurtre du fils d’un sénateur. Il subit alors la campagne calomnieuse de son ennemi Nick Varna, qui utilise tous les moyens pour le déstabiliser et le calomnier. Tout le monde le pense coupable, même sa propre sœur, Opal. Ed Beaumont, le bras droit de Paul commence son enquête…

« Lorsqu’on a entamé la lutte il faut la finir »

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Monteur réputé de la fin des années 20 jusqu’aux années 30 – période à laquelle il officie notamment sur des films de premier plan comme « The wedding night » (Vidor, 1935), « Peter Ibbetson » (Hathaway, 1935) ou encore « Annie du Klondike » (Walsh, 1936) – Stuart Heisler finit par accéder à son tour à la réalisation. Là, il mènera durant vingt-cinq ans une carrière d’honnête faiseur principalement dédiée aux films de série B, alternant pour l’essentiel entre les films noirs (« Tokyo Joe », « La peur au ventre ») et les westerns (« Le grand Bill », « Dallas ville frontière », « Collines brûlantes »). Des films de second plan qui lui permettent cependant de diriger les grandes vedettes de l’époque, tels Gary Cooper, Humphrey Bogart, Sterling Hayden, Bette Davis ou encore Susan Hayward. Mais son film le plus emblématique reste sans conteste « La clé de verre » (1942), immense classique du film noir inspiré du roman éponyme de Dashiell Hammett dont il s’agit alors de la seconde adaptation cinématographique (après celle signée Frank Tuttle en 1935 avec George Raft en tête d’affiche). Un roman qui inspirera aussi, de façon plus ou moins directe des films comme « Le garde du corps » (Kurozawa, 1961) et « Pour une poignée de dollars » (Leone, 1964).

« Sa sœur et sa fiancée qui veulent l’envoyer sur la chaise électrique... Paul a une sacrée veine avec les femmes ! »

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« La clé de verre » du titre, c’est celle qui, de par sa fragilité, ne saurait finalement ouvrir aucune porte. Une sorte de leurre, qui placera le héros devant ses propres responsabilités : laisser la porte fermée ou forcer la serrure pour l’ouvrir sans plus pouvoir jamais la refermer. Dans le cas présent, « La clé de verre » illustre le dilemme du héros, fidèle bras droit du parrain de la pègre locale, face à la machination ourdie contre son patron : rester spectateur ou plonger tête baisser dans un complot plus grand (et dangereux) que lui pour tenter de l’en sortir. Pour sa deuxième collaboration (quelques mois seulement après « Tueur à gages » de Frank Tuttle), le couple mythique Alan Ladd/Veronica Lake se retrouve ici à l’affiche d’un polar qui brasse tous les thèmes inhérents au film noir : le gangstérisme, la corruption, la manipulation, l’amour et l’amitié. Mais « La clé de verre » se démarque des autres productions par son ambiance étonnement subversive pour l’époque compte tenu du code de censure alors en vigueur. D’une part en ce qu’il choisit pour héros des personnages peu recommandables (des maffieux) et à la moralité douteuse (ils tiennent le vrai pouvoir politique en truquant ouvertement les élections locales). D’autre part du fait des relations pour le moins ambigües qu’entretiennent entre eux les personnages. A commencer par l’étrange amitié teintée de rivalité qui lie les deux héros, épris - différemment - de la même femme. Ou de cette relation sado-maso pour le moins équivoque entre le personnage de Ladd et son Némésis interprété par William Bendix. Il en résulte un film intrigant, aux rebondissements parfois un peu téléphonés, mais qui séduit par son ambiance sombre (très bonnes scènes où le héros doit se libérer du gang dont il est prisonnier), son rythme alerte, sa violence crue et par la noirceur absolue de sa conclusion. S’il n’est sans doute pas l’un des sommets du film noir classique, « La clé de verre » demeure néanmoins l’un de ses titres les plus emblématiques. Quant au couple Ladd/Lake, il sera réuni encore deux fois à l’écran dans « Le dahlia bleu » (Marshall, 1946) et dans « Trafic à Saïgon » (Fenton, 1948).

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Stéphane Du Mesnildot ainsi que d’une Bande-annonce d’époque.

Édité par Elephant Films, « La clé de verre » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 25 mai 2021.

Le site Internet d’Elephant Films est ici. Sa page Facebook est ici.