Réalisatrice : Anne-Claire Dolivet
Acteurs : -
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h31min
Synopsis :
À quoi ressemble la vie de petites filles qui rêvent de devenir des danseuses étoiles ? Elles ont entre 6 et 10 ans. À la maison, à l’école ou dans la rue, elles vivent la danse avec passion. Mais comment grandir dans un monde de travail intensif, d’exigence et de compétitions quand on est si petite ?
Critique :
#PetitesDanseuses privilégie l’intime à l'exubérance tout en mettant l’accent sur l'exigence de l’art, dans un récit plein de douceur sur la difficulté et des sacrifices demandés pour atteindre, ne serait-ce qu’une infime part, le rêve d’étoile. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/aoR1gFrD1g
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 24, 2021
Des peintures de Degas au tutu rose poudré, la danse classique a toujours eu ce côté éthéré. Dans les yeux d’une petite fille, devenir la prochaine danseuse étoile, acclamée à l’Opéra de Paris, est le rêve ultime. Interpréter Odette et Odile, Kitri, la fée Dragée et bien d’autres, … Fouettés, entrechats, grand jeté à l’infini, un idéal à incarner, comme les photographies des plus grandes danseuses du moment accrochées aux murs de leur chambre. Mais comme tout rêve, la réalité prend facilement le pas et mène la danse. Dans le tout premier film d’Anne-Claire Dolivet, Petites danseuses, nous entrons dans le quotidien de quatre petites filles, de six à onze ans, pour qui devenir danseuse étoile est plus qu’un rêve mais un but à atteindre. Pour cela, il faut s'entraîner sans relâche, subir les corrections, parfois rudes, des professeurs et laisser soucis, tracas et douleurs au vestiaire pour devenir un être léger, cotonneux, sourire aux lèvres. Mais comment demander autant de rigueur à un si jeune âge ?
Dans un studio du 18e arrondissement, une voix pleine d’entrain ne tarit jamais. Muriel, professeure de danse classique, prépare ses élèves à différents concours tout au long de l’année. À la fois tendre et dure, elle sait le travail qu’elle leur demande mais n’y met aucune forme. Le but de Muriel réside dans l’apprentissage professionnel de la danse, des nombreuses répétitions aux gestes maintes fois étudiés jusqu’à la perfection. Le futur, même si rempli de tutus et paillettes, n’a rien de facile. Mais loin de se conformer à la rigueur de l’école de l’Opéra de Paris, la professeure préfère entretenir la singularité de chacune de ses élèves. Les gestes deviennent alors une émotion, qu’il faut parfois canaliser ou, au contraire, libérer. Muriel fait rimer intransigeance avec passion, un équilibre fragile entre le travail acharné et l’amusement que contient la danse, malgré tout.
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Si la plupart des élèves de Muriel font de la danse sans envie de professionnalisation ensuite, d’autres, au contraire, ne rêvent que de ça. Anne-Claire Dolivet suit, avec pudeur, quatre d’entre elles. La petite Jeanne, six ans, est une timide petite fille qui s’éclaire dès lors qu’elle se trouve sur scène. La pétillante Olympe a un riche univers intérieur qu’elle essaye de traduire en dansant, si le trac de la scène ne vient pas se mettre au travers de son chemin. Ida a déjà tout d’une danseuse professionnelle, malgré ses blessures répétées à la hanche. Marie, la plus grande, est au Conservatoire de Paris mais suit également les cours de Muriel pour participer à des concours. Sauf qu’entre les nombreux cours de danse, le collège, les devoirs et la préparation des concours, à tout juste onze ans, Marie a un emploi du temps pire qu’un ministre.
“Je danse le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi et le samedi. Le dimanche, c’est mon jour de repos.” Cette phrase, prononcée par la petite Jeanne, soulève quelques rires dans la salle, par son ton innocent face à la réalité de ses dires. Le travail demandé paraît immense pour des enfants aussi jeunes, d’un point de vue extérieur. La danse, art rigoureux, leur prend du temps et oblige à une vie rangée, une organisation drastique. Dans ces visages de petites filles se cachent déjà l’adulte responsable, le futur fait de pointes et d'entraînements dix heures par jour. Mais quand le justaucorps est enlevé, c’est l’enfant qui reprend le dessus. Des rares moments où réside le besoin d’un câlin par ses parents, ou l’occasion brève de rire entre amies, que l’on peut revivre à l’infini grâce aux reels sur Instagram. La danse n’est pas loin cependant et pointe le bout de son nez, même pendant une fête d’anniversaire, où le jeu se transforme en concours de danse improvisé.
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Il y a ce que la caméra d’Anne-Claire Dolivet capte, le quotidien intense et rigoureux, et il y a ce qu’elle ne dit pas. La classe sociale à laquelle appartiennent les familles filmées par exemple. Un univers aisé facilite en conséquence l’acheminement vers le rêve étoilé. Le studio de Muriel n’a rien de bourgeois, cependant, entre les différentes classes, le prix des chaussons, des tenues, des inscriptions au concours et des hôtels pour y aller, nous ne sommes pas étonnés — quand le cadre filme les protagonistes chez elles — par les intérieurs grands et spacieux dans lesquels elles vivent. Il est d'ailleurs étrange que la narration (menée par la réalisatrice et Mathias Féry) n’en fasse jamais mention, préférant mettre l’accent sur l'exigence de l’art, sans aller creuser vers le privilège que cette exigence requiert.
Avec une image douce, dans les tons bleus et blancs, Petites Danseuses privilégie l’intime à l'exubérance. La mise en scène est faite de gros plans, et capte à la fois les moments familiaux ou entre amies et à la fois le geste de danse. La douceur qui se dégage de l’ensemble est fragilisée par les péripéties, preuves de la difficulté et des sacrifices demandés pour atteindre, ne serait-ce qu’une infime part, le rêve d’étoile.Laura Enjolvy