Après son dyptique "Jeannette l'Enfance de Jeanne d'Arc" (2017) et "Jeanne" (2019) le réalisateur-scénariste Bruno Dumont adapte une nouvelle fois l'auteur Charles Péguy pour une histoire transposée à notre époque très "hyper connectée". Cette fois donc le cinéaste adpate librement "Par ce demi-clair Matin" (1952) de Charles Péguy, oeuvre posthume qui est en fait un recueil de manuscrits. Le cinéaste a voulu avec ce film montré et démontré les ravages d'un monde aujourd'hui trop connecté, où le parallèle médias-réseaux sociaux brouille les pistes : "Une méditation sur les médias d'aujourd'hui, à la fois sur un plateau et sur le théâtre des opérations. Beaucoup de gens bien dans le journalisme sont pris par un système qui les broie totalement. Comment se fait-il que des gens aussi intelligents en arrivent à considérer aussi peu le public pour faire des choses aussi vulgaires ? C'est une aliénation du public sous prétexte du divertissement."...
Aujourd'hui ascension et chute d'une journaliste aux dents longues. Vite célèbre elle va devoir gérer la pression, sa vie intime, les jalousies, les nouveaux médias... etc... toujours secondée par son assistante fidèle et prête à tout... Dans le rôle titre on trouve Léa Seydoux qu'on a pas vu depuis "Roubaix, une Lumière" (2019) de Arnaud Depleschin et en attendant "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson. Son assistante est incarnée par l'humoriste Blanche Gardin qu'on voit de plus en plus au cinéma et souvent dans des films justement ancrés dans notre monde contemporain comme le film collectif (2019) ou plus récemment "Effacer l'Historique" (2020) du duo Kerven-Delépine. L'époux de la vedette est interprété par Benjamin Biolay vu récemment dans "Les Apparences" (2020) de Marc Fitoussi et "Madame Claude" (2021) de Sylvie Verheyde. Et enfin, citons deux autres protagonistes joués par Emanuele Arioli, acteur mais aussi chanteur et surtout médiéviste renommé, et l'actrice allemande Juliane Köhler vue dans "La Chute" (2004) de Oliver Hirschbiegel, "Eden à l'Ouest" (2009) de Costa Gravas et "Ultimatum" (2016) de Erik Poppe. Notons que pour la musique Dumont a fait de nouveau appel au chanteur-compositeur Christophe qui avait signé la B.O. de "Jeanne", mais qui est malheureusement mort (2020) bien avant la sortie du film... Dans le style "ascension et chute d'un vedette", Dumont triche un peu avec une journaliste qui est déjà très connue et populaire au début du film. Elle a tout pour elle, amour, gloire et beauté mais elle lui manque quelque chose sans trop savoir pourquoi jusqu'à cet accident qui va déclencher chez elle une dépression quasi insurmontable.
Le début est assez classique, une jeune journaliste qui a de l'ambition et qu'on nous présente dans son quotidien afin de nous attacher à minima à cette jeune femme qui a tout pour réussir. Sur la grande ligne le film reprend le canevas des drames "gloire et chute" si ce n'est que le réalisateur-scénariste en profite pour égratigner la télévision, mais surtout en critiquant l'effet "paillettes" des coulisses en oubliant vite ce pourquoi les journalistes sont fait à la base. La fond importe peu si la forme fait illusion. Mais il en profite aussi pour instiller quelques messages sur la géo-politique du moyen-orient ou sur l'immigration. Niveau acteurs/personnages on constate que l'époux/Biolay n'offre aucun enjeu réel tant le conflit conjugal est balisé, par contre l'assistante/Gardin est un second rôle qui méritait sans doute d'être plus étoffé, d'abord parce qu'elle apporte autant le rire que le dégoût, parce qu'elle est en quelque sorte le symbole abject de la télévision et que le parallèle avec la vedette/Seydoux aurait pu donner plus d'étincelles. Mais si on comprend la satire sur la célébrité, les médias, le monde intrinqèque du journalisme où on est souvent l'arroseur arrosé, le poison de l'audimat... etc... on constate malheureusement que le récit est focalisé sur une dépression omniprésente de A à Z qui parasite les autres sujets abordés. La vedette pleure pour un rien, ne trouve pas trop ses mots alors que c'est à priori son talent (?!). Sinon on est un peu perplexe sur les choix de mise en scène de Dumont, on y retrouve que peu son amour des "gueules", son mélange des genres, tandis que certaines idées étranges (appartement-musée, intérieur de voiture "hors du temps"...) ne servent finalement à pas grand chose. En conclusion le réalisateur-scénariste signe un film qui paraît bien vain car trop superficiel, qui manque de sel notamment parce qu'on y voit surtout un exercice de style qui arase le propos. Un film mi-figue mi-raisin qui risque fort de tomber dans l'oubli. On aura connu Dumont plus inspiré.