Dans le Silence de l'Ouest (2015) de Daniel Barber

Voilà un film tourné en 2013, sortit aux Etats-Unis en 2015 mais qui arrive sur le réseau télé français (OCS) qu'en 2021 !... Pourtant cette histoire a été placée dès 2012 sur la Black List des meilleurs scénarios. Un scénario signé Julia Hart qui réalisera et écrira plus tard des films comme "Miss Stevens" (2016) et "I'm your Woman" (2020). L'histoire est celle de femmes durant la guerre de Sécession, deux paramètres qui ont séduit le réalisateur Daniel Barber parce que cette période est pour une fois racontée d'un point de vue féminin. Pourtant, sur des femmes durant la Sécession on peut citer quelques films connus et pas des moindres avec surtout "Autant en Emporte le Vent" (1939) de Victor Fleming, "Les Proies" (1971) de et son remake éponyme (2017) de Sofia Coppola, "Retour à Cold Moutain" (2004) de Anthony Minghella et on pourrait aussi pousser jusqu'aux différentes adaptations du célèbre "Les Quatre Filles du Docteur March" jusqu'au tout récent "Les Filles du Docteur March" (2019) de Greta Gerwig. Ensuite, des histoires de femmes dans le far-west sont légions. Néanmoins, le réalisateur a été assez séduit pour assurer le film après avoir été remarqué avec l'excellent "Harry Brown" (2009) avec Michael Caine...

Dans le Silence de l'Ouest (2015) de Daniel Barber

1865, Sud des Etats-Unis, les hommes étant partis à la guerre les femmes assument tous les travaux de la ferme. Augusta et sa jeune soeur Louise sont donc livrées à elles-mêmes aidées par leur esclave Mad. La vie continue tant bien que mal jusqu'à un drame lorsqu'elles rencontrent des yankees (soldats de l'union en uniforme bleu nordiste donc). Ces derniers ont bien l'intention de revenir et annoncent d'ores et déjà un massacre. Elles vont devoir choisir, prendre les armes et se défendre ou fuir et quitter leur terre... Les deus soeurs sont incarnées par Brit Marling remarquée dans les films "Another Earth" (2011) et "I Origins" (2014) tous deux de Mike Cahill alors son conjoint à la ville, puis Hailee Steinfeld révélée par un western déjà (2010) des frères Coen et qui a poursuivi dans le far-west avec "The Homesman" (2014) de et avec Tommy Lee Jones. Leur esclave est interprétée par Muna Otaru aperçue dans "Détention Secrète" (2007) de Gavin Hood et "Lions et Agneaux" (2007) de et avec Robert Redford. Les hommes sont joués par Sam Worthington star récente après le succès de "Avatar" (2009) de James Cameron et "Terminator : Renaissance" (2009) de McG, Kyle Soller vu dans "Anna Karénine" (2012) de Joe Wright et "Le Cinquième Pouvoir" (2013) de Bill Condon et qui retrouve après "Monsters : Dark Continent" (2014) son partenaire Nicholas Pinnock, puis citons enfin Ned Dennehy vu dans "Tyrannosaur" (2011) de Paddy Considine et (2011) de Roland Emmerich... Le film débute avec un encart spécifique : "La guerre est une cruauté. Il est inutile d'essayer de la réformer, plus elle est cruelle, plus vite elle sera terminée." de William Tecumseh Sherman, un des plus grands généraux de l'Union qui sera par la suite très critiqué pour sa politique sans concession de la terre brûlée et de la guerre totale qu'il a imposé comme une reconquête des états du Sud. Cet encart n'est évidemment pas anodine, la guerre fait que le monde n'est ni noire ni blanche (ni gris ni bleu dans ce contexte), et pousse inexorablement des gens biens vers leurs plus bas instincts et à devenir des monstres.

Dans le Silence de l'Ouest (2015) de Daniel Barber

Le film débute ensuite par un prologue court mais violent et d'une efficacité redoutable posant ainsi les bases d'un western qui vire vers le drame dans un genre proche du survival en huis clos. Western avant tout avec ses soldats confédérés et yankees, ses dames blanches du Sud sans oublier les esclaves, les plantations, des paysages désormais bien connus, le tout parfaitement réaliste grâce à une reconstitution historique minimale mais tout à fait vraisemblable au vu du contexte géo-sociale des protagonistes. Et n'oublions pas que le viol est depuis toujours une arme de destruction massive. Le rythme est assez lent mais jamais long ou ennuyeux, il se passe toujours quelque chose, dans les détails parfois et surtout dans l'évolution des personnages au fil du récit. La vraie force du film est de ne jamais être trop explicatif tout en étant compréhensible et fluide. Ainsi l'esclave gagne du terrain auprès des deux soeurs mais des réflexes maître/esclave persistent, ce qui fait un parallèle (ironie du sort) subtilement mis en place avec le rapport de force homme/femme, ces pauvres femmes étant à la merci du danger et des difficultés en l'absence de leurs hommes ! La dimension féministe est alors plus nuancée que dans d'autres films avec des héroïnes. L'atmosphère est bien gérée également, une tension palpable omniprésente même si le suspense aurait pu être plus marquant. Très joli casting en prime, Brit Marling évidemment, Muna Otaru épatante, un brin en-deça par contre pour Hailee Seinfeld sans doute peu à l'aise dans le rôle de la fille fragile, tandis que les hommes sont toujours bons en salopards (!). On mettra un tout petit bémol sur la fin, certe symbolique mais un tel plan amène à quoi concrètement ?! En conclusion, David Barber a su magnifiquement mettre en scène un scénario féministe mais juste, avec une violence à la brutalité raccord avec l'époque et le contexte sans pour autant tomber dans l'esbroufe ou le démonstratif. Un très bon western "survival" donc, un très bon moment.

Dans Silence l'Ouest (2015) Daniel BarberDans Silence l'Ouest (2015) Daniel BarberDans Silence l'Ouest (2015) Daniel Barber