Après avoir quitté le cinéma Muet avec "Chantage" (1929) et "Junon et le Paon" (1930), a dû assurer un intermède moins personnel en participant à l'oeuvre collective "Elstree Calling" (1930) et a signé un court métrage avec "An Elastic Affair" (1930). Pour ce nouveau projet le cinéaste adapte le roman "Enter Sir John" (1928) de Clemence Dane et Helen Simpson et co-signe le scénario avec deux fidèles, son épouse Alma Reville qui est ici créditée pour la seconde fois après "Junon et le paon", puis Walter C. Mycroft ami de longue date du cinéaste avec qui il avait déjà collaboré sur "Champagne" (1928) et "Elstree Calling" (1930. Notons que le film a été tourné simultanément en version allemande sortit sous le titre "Mary" : une habitude très courante à l'aube du parlant.... Une jeune comédienne est accusée d'avoir tué une rivale, non pas pour un rôle mais pour le coeur d'un homme qu'elle se refuse à nommer. La jeune femme est condamnée. Ironie du sort, auteur et acteur de renom, John Menier était membre du jury mais est convaincu de l'innocence de la jeune femme. L'artiste décide de mener l'enquête assister de deux comdédiens...
L'artiste enquêteur est incarné par Herbert Marshall alors en début de carrière et qui deviendra une star majeure dans les années 30-40 de "Blonde Venus" (1932) de Josef Von Sternberg à "Duel au Soleil" (1946) de en passant par "Ange" (1937) de Ernst Lubisth, "La Lettre" (1940) de William Wyler sans compter qu'il retrouve Hitchcock pour "Correspondant 17" (1940). La comédienne condamnée est jouée par Norah Baring vue dans "Underground" (1928) et "The Runaway Princess" (1929) tous deux de Anthony Asquith. Un couple est interprété par Phyllis Konstam et Edward Chapman, deux fidèles de Hitchcock, la première vue dans "Champagne" (1928) et "Chantage" (1929), le second dans "Junon et le Paon" (1930), les deux retrouveront encore une fois leur réalisateur pour "The Skin game" (1930). Citons Miles Mander qui retrouve le réalisateur après "Le Jardin du Plaisir" (1925) et qui jouera encore pour de grands réalisateurs comme pour "Les Hauts de Hurlevent" (1939) de William Wyler et "Le Portrait de Dorian Gray" (1945) de Albert Lewin. Esme Percy vu dans "The Lucky number" (1932) et "Pygmalion" (1938) tous deux de Anthony Asquith, Donald Calthrop qui retrouve Hitchcock entre "Chantage" (1929) et "Numéro (17). Notons également parmi le jury une membre jouée par Clare Greet actrice de Hitchcock pour 6 films de "The Ring" (1927), "Manxman" (1929) et "L'Homme qui en savait trop" (1934). Et n'omettons pas évidemment le caméo du réalisateur qui joue un badaud dans la rue en passant devant la maison du crime... S'il s'agit de son 3ème film parlant, il s'agit de son 3ème policier ("que" serait-on censé de dire) après "The Lodger" (1927) et "Chantage" (1930). Le film est construit sur le concept du "whodunit" (contraction de "who has done it ?" signifiant "qui l'a fait"), sous-genre où on suit une enquête qui nous mène petit à petit à la révélation du coupable à la façon par exemple d'un Hercule Poirot. Mais aussi surprenant que cela Hitchcock, qui n'est pas encore le maître du suspense, n'apprécie pas ce type de construction narrative qui va à l'encontre de la mécanique du suspense telle qu'il la conçoit.
Pas étonnant donc qu'on ne sent pas spécialement le réalisateur inspiré, comme on le comprend quand on devine facilement le coupable bien avant que les indices nous le désigne. Mais cela gâche aussi le plaisir du spectateur qui voit l'enquête bien inutile puisque le coupable est évident, sans compter qu'on a bien du mal à croire au début, où comment un artiste membre d'un jury se transforme en enquêteur par on ne sait quelle raison obscure ; disons que la crédibilité émise dans le film est particulièrement mineure. Mais le cinéaste compense avec sa mise en scène, toujours adepte des idées visuelles mais aussi sonores. Ainsi il optimise les jeux d'ombres (fenêtre, potence, girouette...) dont la symbolique n'est jamais vaine, tandis qu'il travaille aussi le son, à une époque où le mixage n'existe pas par exemple ; un acteur joue après avoir enregistré sa voix pendant qu'une musique passe, sans compter la musique qui renseigne sur le hors-champs. Plus anecdotique peut-être mais historiquement intéressant, le film "Meurtre" est souvent considéré comme une des "premières représentations sensibles" de l'homosexualité. Ce qui amène à repenser au rapport toujours complexe du cinéaste avec la sexualité, comme peut aussi en témoigner les plans furtifs sur le décolleté et les bas d'une dame. Au final Hitchcock signe un film intéressant d'un point de vue formel qui, comme souvent, sauve une histoire trop balisée et pas franchement captivante malgré quelques séquences qui font leur effet comme le dernier saut du trapéziste.