Un grand merci à BQHL Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Une anglaise romantique » de Joseph Losey.
« Je suis peut-être insatisfaite, mais j’estime que je n’en ai pas le droit »
Épouse de Lewis Fielding, un romancier à succès, Elizabeth Fielding s’accorde un séjour thermal à Baden-Baden. Si elle y fait la connaissance de Thomas Hursa, gigolo et convoyeur de drogue qui se prétend poète, elle ne s’attend pas à ce qu’il réapparaisse à son retour en Angleterre. Quelle n’est également pas sa surprise de voir son mari l’accueillir à leur domicile et même l’engager en tant qu’assistant. À la fois soupçonneux et manipulateur, Lewis Fielding observe sa femme se jeter dans les bras de son nouvel « ami », curieux de l’issue de cette relation.
« La vie bourgeoise à ses petites compensations. Ce serait invivable sans cela. »
Metteur en scène venu du théâtre, Joseph Losey débute sa carrière au cinéma au cours des années 40, se distinguant notamment par les sujets « engagés » et progressistes de ses films. S’il dénonce ainsi le racisme dans les paraboles « Le garçon aux cheveux verts » et « Haines », il s’illustre aussi dans les films noirs avec « Le rôdeur » et « M », remake du film de Fritz Lang. Mais son ascension hollywoodienne sera stoppée nette par le maccarthysme et la folie schizophrène qui s’empare alors de l’Amérique des années 50. Inquiété par la Commission des activités anti-américaines qui lui reproche son engagement de longue date aux côtés du Parti communiste américain, il est alors contraint à l’exil. C’est donc en Europe qu’il poursuivra sa carrière et qu’il connaitra, au cours des années 60, sa période la plus faste, enchainant les succès critiques (« The servent », « Accident », « Boom », « Cérémonie secrète ») jusqu’à « Le messager » (1971) qui décrochera la Palme d’or à Cannes. Tourné en 1975, « Une anglaise romantique » est donc un film tardif dans la carrière du cinéaste.
« Pendant qu’on se protège, on se laisse déposséder de sa vie »
Adaptation du roman éponyme de Thomas Viseman, « Une anglaise romantique » est un drame domestique et minimaliste sur le couple et la jalousie. Avec pour élément déclencheur le voyage à Baden-Baden d’Elizabeth, bourgeoise anglaise mariée à un riche et célèbre écrivain, venue dans la ville thermale pour se ressourcer et tromper l’ennui. Un séjour durant lequel elle fera malgré elle la rencontre d’un jeune et impertinent gigolo qui la recherchera jusqu’en Angleterre. De quoi susciter chez son mari une jalousie inédite jusqu’alors, qui le poussera à incorporer à son foyer le jeune impénitent pour mieux le surveiller et l’humilier.Un postulat vaudevillesque de trio amoureux à partir duquel Losey tissera un drame sentimental complexe, basé sur les faux-semblants (l’intrigue est-elle réelle ou est-elle le fruit de l’imagination du héros, écrivain qui travaille sur une histoire d’adultère ?) et sur les rapports délicieusement pervers (voire même sadomasochistes) qu’entretiennent entre eux les personnages. Postulat qui lui permet, en creux, de traiter de ses principales obsessions (les rapports de classes, de domination, la tension sexuelle dans les rapports hommes/femmes). Et plus encore, de procéder à la radioscopie de ce couple bourgeois que le confort routinier a plongé dans la plus grande torpeur. Ce qui donne l’occasion au cinéaste de poser la question du couple en opposant d’un côté l’amour raison, synonyme d’ennui, et l’amour passion, éphémère et (au fond) impossible. A l’image de cette vaine fuite en avant de l’héroïne qui n’aura d’autre issue que de la ramener à la monotonie de son point de départ. Comme si, au fond, il n’y avait définitivement pas d’amour heureux. S’appuyant sur un trio d’acteurs bluffants (Glenda Jackson, Michael Caine et Helmut Berger), Losey signe là un brillant et malicieux, en ce qu’il brouille constamment les pistes entre réalité et fantasme.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec Eddy Matalon (30 min.), coproducteur français du film, qui revient sur la genèse du projet, sur le tournage et la présentation du film.
Édité par BQHL Editions, « Une anglaise romantique » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 24 février 2021.
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