Après (2020) voici le nouveau film du prolifique François Ozon qui adapte le livre autobiographique éponyme (2013) de Emmanuèle Bernheim où elle raconte comment elle a aidé son père à mourir. Ce livre avait intéressé un temps le réalisateur Alain Cavalier mais c'est à une période où l'auteure apprend qu'elle est atteinte d'un cancer dont elle meurt en 2017. Le projet tombe à l'eau mais Cavalier en profite pour réaliser le documentaire "Être Vivant et le Savoir" (2019). Mais il faut aussi préciser que Emmanuèle Bernheim était une amie de François Ozon depuis que l'agent Dominique Besnehard les a présenté en 2000 et qui les a amené à collaborer au scénario du film "Sous le Sable" (2000) de Ozon. Une collaboration qui se poursuivra sur les films "Swimming Pool" (2003), "5 x 2" (2004) et "Ricky" (2009). Le film parle donc d'une sujet encore très tabou avec l'euthanasie, un sujet polémique comme en a l'habitude François Ozon comme il l'a déjà prouvé comme pour la prostitution des étudiantes avec "Jeune et Jolie" (2013) ou la pédophilie au sein de l'Eglise avec "Grâce à Dieu" (2018). Notons que sur le même sujet de l'euthanasie on peut citer le chef d'oeuvre "Quelques Heures de Printemps" (2012) de Stephane Brizé... Emmanuèle, romancière épanouie se précipite à l'hôpital après que son père ait fait un AVC. Son père, qui a toujours été un mauvais père mais aussi un passionné amoureux de la vie ne supporte pas d'être diminué et demande à sa fille de l'aider à quitter ce monde. D'abord choquée, elle va commencer à y réfléchir avec sa soeur Pascale : accepter ou le convaincre que la vie mérite de continuer à lutter ?!...
Le rôle principal de Emmanuèle est incarnée par la star Sophie Marceau, une première collaboration après que l'actrice ait déjà dit non à François Ozon pour plusieurs films ! L'actrice tourne là seulement son 3ème film sur ces six dernières années après "La Taularde" (2016) de Audrey Estrougo et "Mme Mills, une Voisine si Parfaite" (2018) d'elle-même. Sa soeur est interprétée par Géradine Pailhas qui retrouve Ozon après "5 x 2" et "Jeune et Jolie" et retrouve ainsi après ce dernier sa "maman" Charlotte Rampling vue récemment dans (2021) de Paul Verhoeven et (2021) de Denis Villeneuve, elle retrouve également Ozon pour leur 5ème film ensemble depuis "Sous le Sable", tandis qu'elle retrouve aussi après "Lemming" (2005) de Dominik Moll son partenaire André Dussolier qui incarne le père, et vu récemment dans "Boîte Noire" (2021) de Yann Gozlan. Citons ensuite quelques autres acteurs déjà vu chez Ozon, Eric Caravaca vu dans "Grâce à Dieu" et qui retrouve Dussolier après "La Chambre des Officiers" (2001) de François Dupeyron, Nathalie Richard vue dans "Jeune et Jolie", puis Jacques Nolot vu dans "Sous le Sable" et qui retrouve après "Les Adieux à la Reine" (2012) de Benoît Jacquot l'acteur Grégory Gadebois vu dernièrement dans "Présidents" (2021) de Anne Fontaine et (2021) de Eric Besnard. A leurs côtés citons encore Laëtitia Clément révélée dans "Luna" (2017) de Elsa Diringer, Judith Magre qui retrouve Sophie Marceau après son film "La Disparue de Deauville" (2007), puis enfin Hanna Schygulla, muse de Rainer Werner Fassbinder sur pas moins de 15 films (!) de "Le Bouc" (1969) à "Lili Marleen" (1981) en passant par "Le Mariage de Maria Braun" (1978), son dernier film était déjà en France avec "Le Mystère Henri Pick" (2019) de Rémi Bezançon... Le film débute assez normalement, comme on peut s'attendre à l'annonce d'une tragédie. Les soeurs apprennent l'attaque cérébrale de leur père, et on suit ensuite la trajectoire de santé du père, et en parallèle les soeurs qui doivent gérer la paperasse mais aussi la pression psychologique et morale quand leur père impose et assume le fait de partir. Dans l'ensemble le film est d'une construction narrative très classique, sans réelle surprise tant le parcours paraît logique et cohérent. On apprend par contre que François Ozon modifie deux paramètres vis à vis du livre de son amie, et personnage principal, Emmanuèle Bernheim.
Ainsi, la mère qui est quasi absente du livre apparaît bel et bien dans le film et, surtout, le personnage dénommé G.M. voit son personnage différemment décrit comme le cinéaste s'explique : "Les deux filles ne l'ont jamais aimé et c'était leur code entre elles : G.M. comme Grosse Merde ! Emmanuèle était inquiète de ses réactions par rapport à son livre, c'est pour ça qu'elle n'a pas donné son vrai nom dans le livre - moi aussi, d'ailleurs, j'ai changé son nom (...) Ce personnage que je n'ai jamais rencontré, m'intriguait, m'amusait et je me suis raconté que Gérard avait vraiment aimé André et qu'il fallait le sauver." Sur ce personnage on peut s'étonner que Ozon puisse modifier autant un personnage loin d'être anodin et qui, surtout, contredit et/ou va à l'encontre de la vision des choses de Emmanuèle Bernheim. Il y a là une interrogation qui pourrait aisément passer pour un manque de respect vis à vis de la façon qu'Emmanuèle Bernheim a vécu les évémements. Cette sensation est surtout dû à ce qu'il s'agit d'une histoire vraie, et qu'il s'agit à priori d'une amie. Néanmoins, cette nouvelle version sur ce point reste plausible et ne dénature en rien le parcours humain et touchant de cette famille aux secrets et au passé plus ou moins troubles. D'ailleurs, il est aussi surprenant que le cinéaste prenne des libertés sur G.M. mais qu'il ne fouille pas plus dans les pourquoi du comment des tensions intra-familiales. Ozon ajoute quelques flash-backs pour compenser, des petites séquences superflues car trop superficielles qui servent surtout à étoffer un scénario académique. Par contre le film a un atout de poids, ses interprètes, avec deux soeurs au diapason en un duo Marceau-Pailhas qui fonctionne à merveille, mais surtout on est bluffé par la performance impressionnante de André Dussolier et on ne parle pas de l'aspect du handicap physique mais bel et bien d'un jeu sobre, juste et terriblement émouvant sans jamais tomber dans le pathos ou la pitié ; sur ce point on peut saluer un traitement tout en empathie sans tomber dans la démagogie du sentiment, avec une dose de dérision et d'humour qui fonctionne de façon intelligente en adéquation avec la personnalité du premier concerné. Dans le même temps (et on n'y peut rien sur cette oeuvre) on apprend qu'effectivement, même mourir dignement est réservé aux riches ! Au final, un joli film, émotionnellement qui touche au plus juste, mais surtout porté par un Dussolier dans ce qui est sans doute un de ses 2-3 meilleurs rôles.