De Ridley Scott
Par Nicole Holofcener, Matt Damon
Avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer
Chronique : Drame médiéval puissant que Ridley Scott, en habitué de fresques historiques, agrémente de scènes de combat brutales et sanglantes, Le Dernier Duel est une fresque moyenâgeuse esthétiquement très convaincante, épique, viscérale et spectaculaire, à la mise en scène ample et rêche. Mais le film s’avère être également une habile dénonciation de la culture du viol, démontant ses mécanismes et abordant la question du consentement dans un environnement machiste et viriliste invisibilisant les femmes. Qu’au 14ème siècle, elles soient réduites au statut de dote ou de génitrice n’est pas une nouveauté, que l’une d’entre elle décide de s’élever contre son agresseur est déjà beaucoup moins commun et cela permet aux scénaristes de faire écho aux récents mouvements de libération de la parole des victimes.
Ce qui fait la singularité du Dernier Duel, c’est sa narration découpée en 3 parties qui épousent chacune le point de vue d’un des protagonistes de ce fait divers remarquablement bien documenté au regard de l’époque où il s’est produit.
Malgré quelques redondances très pardonnables, ce choix narratif se révèle d’une remarquable pertinence. Il met parfaitement en exergue les distorsions entre la réalité et les perceptions individuelles que chacun a de la vérité. Que ce soit vis-à-vis des faits et de leur gravité ou de l’image que les personnages ont d’eux même. C’est particulièrement flagrant pour Jean de Carrouges dont le point de vue est traité en premier. On l’y voit faire preuve de noblesse, de courage, d’autorité et de grandeur d’âme alors que les deux récits suivants le montre limité, rustre, colérique et va-t-en guerre. S’en suit le regard du deuxième homme, Jacques Le Gris, l’agresseur, qui se pare d’un relativisme prompt à entretenir la culture du viol (le fameux « oui mais »..). Mais en terminant par le point de vue de la victime (car le film ne laisse jamais de doute sur la culpabilité de Le Gris), la démonstration prend tout son poids, ultra convaincante, glaçante (dans un tout autre registre, on pense à The Morning Show sur le même sujet) et Le Dernier Duel embrasse toute la complexité d’un sujet ô combien contemporain.
Ridley Scott y décortique des batailles d’égos exclusivement masculins, l’impunité des puissants, le règne du patriarcat qui réduit les femmes au silence. Mais lorsque l’une d’entre elles décide de parler malgré la peur de ne pas être crue, c’est tout un système qui vacille.
Les similitudes avec l’époque que nous traversons ne sont évidemment pas fortuites.
Derrière ses apparats très convainquant de film de chevaliers tout sauf héroïques, Scott livre un étonnant réquisitoire féministe, un grand film de l’ère #metoo au temps du moyen-âge.
Il confirme au passage le talent monstre de Jodie Comer, qu’on aurait pu croire plus embarrassée par l’étiquette laissé par son personnage iconique de Villanelle dans Killing Eve. Pas du tout ! En deux films aux antipodes l’un de l’autre (Free Guy et Le Dernier Duel), elle démontre qu’elle peut naviguer dans bien des registres. Pas un mince exploit et la promesse d’une longue et brillante carrière.
Synopsis : Basé sur des événements réels, le film dévoile d’anciennes hypothèses sur le dernier duel judiciaire connu en France – également nommé « Jugement de Dieu » – entre Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, deux amis devenus au fil du temps des rivaux acharnés. Carrouges est un chevalier respecté, connu pour sa bravoure et son habileté sur le champ de bataille. Le Gris est un écuyer normand dont l’intelligence et l’éloquence font de lui l’un des nobles les plus admirés de la cour. Lorsque Marguerite, la femme de Carrouges, est violemment agressée par Le Gris – une accusation que ce dernier récuse – elle refuse de garder le silence, n’hésitant pas à dénoncer son agresseur et à s’imposer dans un acte de bravoure et de défi qui met sa vie en danger. L’épreuve de combat qui s’ensuit – un éprouvant duel à mort – place la destinée de chacun d’eux entre les mains de Dieu.