Réalisatrice : Audrey Estrougo
Acteur : Théo Christine, Sandor Funtek, Félix Lefebvre,...
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Budget : -
Genre : Biopic, Musical.
Nationalité : Français.
Durée : 1h52min
Synopsis :
1989. Dans les cités déshéritées du 93, une bande de copains trouve un moyen d’expression grâce au mouvement hip-hop tout juste arrivé en France. Après la danse et le graff, JoeyStarr et Kool Shen se mettent à écrire des textes de rap imprégnés par la colère qui couve dans les banlieues. Leurs rythmes enfiévrés et leurs textes révoltés ne tardent pas à galvaniser les foules et … à se heurter aux autorités. Mais peu importe, le Suprême NTM est né et avec lui le rap français fait des débuts fracassants !
Critique :
Pas totalement success story, ni vraiment biopic enflammé même s'il capte avec force l'équilibre bouillant du duo,#Suprêmes est une séance à part, pas assez punchy pour retranscrire l'impact furieux des punchlines de NTM, ni assez prenant dans sa plongée de leur intimité créative pic.twitter.com/SVV8CGT8Dm
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 22, 2021
Dans un paysage cinématographique dominé/gangrenné par des projets simplistes usant inlassablement la même formule établie et éprouvée, le biopic musical moderne se sent parfois comme la proposition la plus cheap et facilement déclinable du marché.
La quasi-intégralité de ses films ne sont souvent guère plus que des exercices glorifiés de gestion de marques/icônes, articulés entre des numéros musicaux fédérateurs - et à la lisière du fan service (trop) respectueux -, des performances d'acteurs plus ou moins grimés à la perfection et une intrigue distribuant avec plus ou moins de finesse, des informations biographiques approuvées par la succession et/ou les proches des défunts.
C'est simple, tout de la sélection musicale à la conception de la production, est conçu pour traire la nostalgie préfabriquée des téléspectateurs et à ce stade (ce qui place le biopic de figures populaires/célèbres au même niveau de traitement que celui des adaptations de bandes dessinées), il est quasiment impossible de pleinement s'emballer lorsqu'un nouvel effort vient frapper à la porte de nos salles obscures, même lorsqu'il s'attaque à vouloir - ambitieusement - raconter les premières années d'un groupe mythique du rap hexagonal comme NTM.
Copyright Audrey Estrougo / Sony Pictures
Échoué à Audrey Estrougo, le projet qu'incarne Suprêmes n'était pas si casse-gueule que cela tant le prisme choisi lui permettait non seulement de ne pas se perdre dans une hagiographie facile, mais aussi et surtout de ne pas survoler des pans essentiels, en rétrécissant des décennies de carrière en une petite poignée d'heures (écueil que ne devrait pas, en toute logique, connaître la série en développement Le Monde de Demain, chapeautée par Hélier Cisterne et Katell Quillévéré, avec Anthony Bajon et Melvin Boomer en vedette).
Dans une France sous Mitterand et pas encore totalement imprégné d'une culture hip-hop qui a déjà explosée outre-Atlantique, le film conte l'avènement romanesque d'un tandem arrivé là par hasard, mais qui ne doit ni son talent ni son statut de phénomène, à personne.
Si l'incarnation frappante du tandem Sandor Funtek et Théo Christine (même si la figure plus imposante et rebelle de Joey Starr, est un poil plus privilégiée par la caméra), pas totalement dénué de mimétisme mais porté par une grâce étonnante (ce qui n'est pas une mince à faire, tant Joey Starr et Kool Shen étaient eux-mêmes parfois acteurs de leurs " personnages " sur scène et dans les médias), relève constamment vers le haut le métrage, c'est vers le scénario que les beats ne retentissent jamais vraiment assez fort, tant le tout apparaît furieusement scolaire, leur parcours étant conté sans envie mais surtout sans réel but autre que de rafraîchir des séquences connues, par le biais du septième art.
Si l'amour qu'à la cinéaste pour le groupe est évident, jamais leur énergie autrement que sur scène (à la différence du récent Aline de Valérie Lemercier, qui vibrait tout du long sauf sur ses séquences chantées), ne transparaît à l'écran (la mise en scène fait cruellement téléfilm de luxe made in Lifetime, malgré quelques plans séquences bien senties), alors qu'il ne faut que se rendre quelques minutes sur YouTube, pour voir transpirer l'intensité immense - et même parfois politique -, que dégageait le tandem a chacune de leur apparition; un comble quand on sait la révolution culturelle et sociale qu'ils ont engagés auprès des jeunes générations, jusqu'à les pousser à s'impliquer politiquement face à la montée en puissance du FN.
Copyright Audrey Estrougo / Sony Pictures
Pas totalement success story (même si NTM est au centre du débat, quitte à oublier tous les autres figures de l'avènement du rap en France), ni totalement biopic enflammé, même s'il capte avec force l'équilibre bouillant du duo (le sérieux de Shen contrebalancant l'imprévisibilité de Starr, aussi édulcoré que soit son portrait); Suprêmes est une séance à part, pas assez punchy pour retranscrire l'impact furieux des punchlines de NTM, ni assez prenant dans sa plongée de leur intimité créative, aussi rythmée soit-elle.
Reste qu'il est impossible pourtant, de ne pas y être totalement insensible même sans l'énergie du tandem ou de la banlieue dont il sont les porte-paroles...
Jonathan Chevrier