[CRITIQUE] : Belle

Par Fuckcinephiles
Réalisateur : Mamoru Hosoda
Avec les voix de : Kaho Nakamura, Kôji Yakusho, Lilas Ikuta,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Animation, Science-fiction, Aventure
Nationalité : Japonais
Durée : 2h02min
Synopsis :
Le film est présenté en séance spéciale sous le label Cannes Première au Festival de Cannes 2021
Dans la vie réelle, Suzu est une adolescente complexée, coincée dans sa petite ville de montagne avec son père. Mais dans le monde virtuel de U, Suzu devient Belle, une icône musicale suivie par plus de 5 milliards de followers. Une double vie difficile pour la timide Suzu, qui va prendre une envolée inattendue lorsque Belle rencontre la Bête, une créature aussi fascinante qu’effrayante. S’engage alors un chassé-croisé virtuel entre Belle et la Bête, au terme duquel Suzu va découvrir qui elle est.

Critique :

#Belle explore un monde virtuel pour mieux se consacrer à la réalité que vivent les persos. Internet devient ici un outil puissant pour lier les êtres et encourager l’entraide, dépouillant ainsi la superficialité des réseaux sociaux pour se fixer sur l’essentiel. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/nKEM8uzCAa

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 6, 2021

L’heure est à la joie pour cette fin d’année. Le nouveau film de Mamoru Hosoda, Belle, sort dans nos salles obscures le 29 décembre. S’il y a bien un réalisateur réalisant un sans-faute dans sa filmographie, c’est bien le cinéaste japonais. Devenu maître dans l’art de l’émotion au travers d’une imagination riche, il traite des passages difficiles de la vie et des sentiments qui les accompagnent avec sensibilité et respect.
Dans la plateforme U (prononcée à l’anglaise, « you» ), les utilisateur⋅trices peuvent être ce qu’ils et elles veulent. Une nouvelle chanteuse fait son apparition. Longs cheveux roses, teint de porcelaine ponctué de délicieuses tâches de rousseur, voix d’ange. Belle, son pseudonyme, anime U et devient une célébrité en un temps record. La plateforme protège les avatars grâce à l’anonymat. Pourtant, une question se pose sur toutes les lèvres pixelisées : qui est Belle ?

Copyright 2021 STUDIO CHIZU


Après une présentation de U (qui ressemble étrangement à l’ouverture d’un autre film de Hosoda, Summer War), Belle nous entraîne dans le monde réel, beaucoup moins coloré et joyeux. Suzu, jeune adolescente, est orpheline de mère depuis son enfance. Mais la douleur est toujours présente, vive, et l’empêche de s’ouvrir aux autres. Le deuil l’empêche même de continuer sa passion, le chant. C’est devenu un blocage physique, où son estomac se rebelle dès qu’elle pousse la chansonnette. Se construire dans la douleur entraîne une solitude amère. Malgré la présence de sa meilleure amie, Hiro, le film montre l’amertume qui consume le personnage et l’entoure de vide. Elle marche souvent le long d’un pont, sans barrière d’un côté comme de l’autre, minuscule silhouette dans la nature. Grâce à la plateforme, Suzu peut exporter son âme dans un endroit où personne ne sait qui elle est et ce qui est arrivé à sa mère. Délestée de la pression et de son corps lourd de tristesse, elle devient un personnage lumineux et enflamme le monde virtuel par sa voix douce.
Comme à son habitude, Mamoru Hosoda se sert d’un monde imaginaire, façonné par une animation colorée et expressive pour mieux sonder les émotions de ses personnages. Belle ne déroge pas à la règle. Suzu, pure héroïne du cinéaste japonais, est en pleine construction et va vivre une aventure qui l’oblige à sortir de sa zone de confort. Par le biais de U, la jeune fille est confrontée à la célébrité, à être dans la lumière, alors qu’elle est habituée aux ténèbres. Mais surtout, elle sera obligée de s’intéresser à d’autres personnes qu’à elle-même. Enfermée dans sa tristesse et son blocage, Suzu est dans sa bulle et n’en sort jamais, même pour Shinobu, un ami d’enfance pour qui elle a des sentiments. Mais avec l’arrivée de Dragon, un personnage mystérieux de l’univers U, qui a pris la forme d’une bête féroce (un loup) aux étranges bleus sur son dos, l’héroïne va s’ouvrir aux autres. Et se faisant, elle ouvrira également le champ des possibles.

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D’un parallèle avec le célèbre film Disney, La belle et la bête, il n’y a qu’un pas que Hosoda franchit aisément. Une bête féroce au passé trouble, des roses symboliques, un château que personne n’approche, une belle jeune femme tournoyant dans les bras d’une bête... L’imaginaire que convoque ces images porte vers ce conte connu de tou⋅tes. Ce n’est pas un hasard si le cinéaste se sert de cette histoire pour raconter la sienne. Dans son récit, où le monde virtuel et le monde réel se répondent, influent l’un sur l’autre et se transforment, se niche un propos alarmant sur l’anonymat virtuel, où se cache des monstres (mais pas ceux que l’on croit). La double identité de Dragon révèle une cruauté envers ce qui est hors-norme, ce qui bouscule les apparences. Malgré une narration très nuancée sur les dangers d’internet et le talent certain de Hosoda à présenter des émotions toujours plus denses, Belle ne se départit jamais d’une sensation de déjà-vu. Dans la propre filmographie du réalisateur tout d’abord, le film emprunte beaucoup à Summer War (cité précédemment) et à La traversée du temps. Et bien évidemment à l’histoire de Belle et sa bête/son prince, que le film reprend d’une manière trop explicite.
Belle explore un monde virtuel pour mieux se consacrer à la réalité que vivent les personnages. Internet devient ici un outil puissant pour lier les êtres et encourager l’entraide, dépouillant ainsi la superficialité des réseaux sociaux pour se consacrer à l’essentiel.
Laura Enjolvy