[CRITIQUE] : Great Freedom

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Sebastian Meise
Acteur : Franz Rogowski, Georg Friedrich, Anton Von Lucke, Thomas Prenn,...
Distributeur : Paname Distribution
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Romance.
Nationalité : Autrichien, Allemand.
Durée : 1h56min
Synopsis :
L’histoire de Hans Hoffmann. Il est gay et l’homosexualité, dans l’Allemagne d’après guerre, est illégale selon le paragraphe 175 du Code pénal. Mais il s’obstine à rechercher la liberté et l’amour même en prison...

Critique :

Dans un univers carcéral ou la fatigue et la persécution règnent, #GreatFreedom montrent que la vie poursuit son cours derrière l'isolement, ou la poésie et la liberté se trouvent dans les affections éternelles qui luttent contre le temps cyclique de la violence. (@Teddy_Devisme) pic.twitter.com/0ZFvYfHYZy

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 13, 2021

Ce qui a les airs d'un biopic tout tragique et laissant peu de place pour entrer dedans, est en vérité tout autre chose. Great Freedom évoque une partie de la vie de Hans Hoffmann, dans l'Allemagne d'après seconde guerre mondiale. Le protagoniste est emprisonné plusieurs fois parce qu'il est homosexuel. Quelque chose jugé illégal à cette époque dans ce pays. Si bien que les seules relations qu'il peut créer est avec d'autres détenus. Mais Hans est persévérant, cherchant la liberté et l'amour au sein même de la prison. Dès cette résilience de la part de Hans, qui décide de ne pas se renier du tout, le film n'est plus tellement dans le biopic. Au contraire, il y a quelque chose de plus contemplatif qui se construit. Parce que le cinéaste Sebastian Meise ne fait pas vraiment le portrait de Hans Hoffmann, on ne saura rien d'autre que son orientation sexuelle et quelques informations parsemées ici et là. Jusqu'à même découper le récit en trois parties, qui sont trois époques qui se connectent tout de même par le sujet. Avec son approche, les époques 1945, 1957 et 1968 se ressemblent malheureusement.

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Comme si Hans vit dans un temps suspendu, uniquement parce qu'il est lui-même. Trois époques mais aussi trois idées qui permettent à la mise en scène d'accompagner Hans dans son incarceration injuste. Il y a d'abord l'aspect politique. Sebastian Meise cherche les effets de la prison sur une personne, peu importe qui elle soit et ce qu'elle a fait. Le cinéaste montre que malgré les époques, la situation de Hans est un temps qui s'arrête puis qui recommence à zéro, à chaque fois. Au-delà même de la condamnation physique, il y a une condamnation temporelle face à une société et une politique qui ne change jamais. Dans ce cycle infernal, la mise en scène n'hésite jamais à montrer à quel point la surveillance est quelque chose d'oppressant et de violent. Si bien que Hans est plusieurs fois jeté dans une cellule vide et très sombre, complètement nu. Cependant, Great Freedom a tendance à faire de la politique un thème de discussions, et pas assez un thème d'espace. Au-delà de quelques fulgurances sur la surveillance, la violence et l'isolement pluriel, la politique a ce côté beaucoup trop bavard. Un effet de narration qui fait plusieurs fois retomber la tension qui émane du hors-champ.

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Parce que dans le champ du cadre, c'est bien l'intimité qui s'y présente. Sebastian Meise prend un grand soin à saisir tout ce qui peut se dérouler dans l'intimité d'une cellule. Que ce soit en solitaire ou à deux. Le cinéaste prend un grand soin à créer un contraste dans ces espaces : il y a l'aspect austère et abîmé du décor, tout en le personnifiant pour chaque personnage. Tout est presque dans des réactions et des réflexes de nervosité, tant les traumatismes de chaque détenu est ce qui construit leur parcours en prison. Alors Sebastian Meise opte pour le portrait de la psychologie, en plaçant toujours son cadre au plus près des corps et des visages. Comme pour montrer que l'intimité est à la fois quelque chose de beau mais aussi de désorientant. Parce que les émotions changent, les sensations sont éphémères, et les affections évoluent avec le temps malgré le cycle tragique. Malgré tout, ce huis-clos se repose énormément sur ces plans serrés sur les corps. Comme si les images absorbent tout trait de caractère qui se trouve en dehors des affections entre les personnages. En refusant quelques instants de colère ou de pure tragédie, la mise en scène du huis-clos même n'est pas toujours très inspirée. Le cinéaste n'évite pas les redondances et les mêmes schémas, dans un rythme complaisant envers sa contemplation.

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Pourtant, toute l'ambiance poisseuse, austère et violente est présente. Même si cela se déroule en milieu carcéral, les films se concentrant sur une histoire d'amour ont rarement été aussi sombres. Que ce soit sur le relief perturbant des ombres, sur les reflets chaleureux de la lumière sur les visages, ou sur la froideur des couleurs, Great Freedom transcrit un univers fait de multiples nuances. Alors que la persécution et la fatigue règnent, les images montrent que la vie poursuit son cours derrière ces portes et ces isolements. Une approche qui va même jusque dans le tactile. Sebastian Meise compose un très gros travail sur les corps, et même sans jamais les faire vieillir artificiellement (entre les trois époques). Au contraire, c'est le paradoxe entre la vulnérabilité dans cet espace et la force des convictions qui crée cette ambiance. Au-delà de la politique et de l'intimité, le film fait preuve d'une grande sensualité. Pas uniquement dans cette petite animosité qui devient une amitié (qui ne finira de grandir), mais surtout dans la manière qu'ont les personnages de se mouvoir et de se livrer à la caméra. Il n'est pas question d'un amour romantique, mais de trouver la part de tendresse nécessaire à ces hommes qui leur manque terriblement avec la persécution. La poésie et la liberté se trouvent dans les affections éternelles qui luttent contre le temps cyclique de la violence.
Teddy Devisme