[CRITIQUE] : Les jeunes amants

[CRITIQUE] : Les jeunes amants

Réalisatrice : Carine Tardieu
Avec : Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence Loiret-Caille, …
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Français, Belge
Durée : 1h52min
Synopsis :
Shauna, 70 ans, libre et indépendante a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt.
Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer.
A ceci près que Pierre est marié et père de famille.


Critique :

Si #LesJeunesAmants coche les cases du bon mélodrame, la narration n’édulcore pas non plus la singularité de son histoire d’amour. Le film se pose peut-être comme une première pierre à l’édifice d’une représentation plus ouverte et bienvenue de l’amour au cinéma. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/xxsDYxfB0P

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 17, 2021

Les jeunes amants était, en premier lieu, un film tiré de la vie personnelle de la réalisatrice Sólveig Anspach, qui a vu sa mère de soixante-quinze ans refaire sa vie avec un homme de quarante ans. Écrit en collaboration avec la scénariste Agnès de Sacy, le film ne se fera jamais de son vivant. La cinéaste décède des suites d’un cancer en 2015, sur le montage de son dernier long métrage, L’effet aquatique. Carine Tardieu reprend le projet quelques temps plus tard et le retravaille avec Agnès de Sacy. Elle offre le rôle de Shauna à Fanny Ardant et celui de Pierre à Melvil Poupaud. C’est avec beaucoup de sérieux et de délicatesse que la cinéaste vient nous conter ce mélodrame, une histoire d’amour puissante et sensuelle.

[CRITIQUE] : Les jeunes amants

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Dans la dernière saison de Dix pour cent, Sigourney Weaver accepte un projet de film parce qu’elle pense que son love interest sera joué par Gaspard Ulliel. L’occasion parfaite pour la série d'aborder les questions de l'âgisme au cinéma et l’hypocrisie sur l’écart d’âge dans les couples. Quand il nous paraît tout à fait normal qu’un homme d’âge mûr puisse se mettre en couple avec une femme plus jeune, l’inverse prête à sourire. Nous parlons de “cougar”. Nous parlons d’incompréhension face au désir et à la sexualité des femmes après cinquante ans. Et nous parlons surtout du regard sur leur corps, qui deviendrait asexué passé un certain âge.On peut reprocher au film d’être mécanique, tant il reprend tous les codes d’un mélodrame amoureux classique, jusqu’aux soubresauts finals. Pourtant, pour Les jeunes amants, cela n’est peut-être pas un défaut, presque une qualité. Alors que le cinéma banalise les écarts d’âge dans les couples hétérosexuels quand c’est l’homme le plus âgé, il a rendu l’inverse dérisoire. Un motif de blague, un bug dans la matrice. Des histoires aventureuses mais peu amène de tenir dans le temps. Comment serait-ce possible alors que le corps de la femme devient moins désirable avec le temps ? En ancrant son film dans la continuité des films d’amour classique, c’est comme si Carine Tardieu faisait un pied de nez aux diktats. Tout est premier degré, pour notre plus grand plaisir : les dialogues, les situations. Nous avons droit aux troubles des premiers instants, aux rencontres furtives, aux situations scabreuses. Les doutes, les fuites, les retrouvailles. La grande tirade finale et la déclaration d’amour passionnée. Shauna et Pierre sont deux êtres aux cœurs lourds. La première rencontre se place dans un hôpital : elle va perdre son amie de toujours, sa collègue et confidente. Lui vient de perdre un enfant. L’amour comme rempart à la tristesse, leur rencontre va permettre de combler leur chagrin.

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Si Les jeunes amants coche les cases du bon mélodrame, la narration n’édulcore pas non plus la singularité de cette histoire d’amour. Shauna est une femme de soixante-dix ans, qui a passé sa vie à se battre contre les stéréotypes de genre. Elle a créé son entreprise dans un milieu d’hommes, l’architecture. S’est mariée avec un homme qui a finit par la tromper par une femme plus jeune. Elle doit également se battre contre une maladie qui la consume petit à petit. Il ne lui est pas facile d’accepter le désir de Pierre à son encontre et son envie d’abandonner femme et enfants pour elle. Elle est une « femme sans avenir » de son propre aveu. Le scénario est d’autant plus émouvant qu’il a été en partie écrit par une femme se sachant mourante mais qui n’a cependant jamais cessé de se battre. Alors que nous vivons une crise sanitaire sans précédent, le film apparaît comme une célébration de la vie, à tout âge. 
Les jeunes amants pose peut-être une première pierre à l’édifice d’une représentation plus ouverte de l’amour au cinéma, un changement de regard bienvenu. L’histoire nous apparaît d’autant plus crédible quand Fanny Ardant fume fébrilement une cigarette à la terrasse d’un café parisien, demande l’addition de son phrasé si particulier mais si sensuel et attend son amant, scrutant la rue de ses yeux de braises. Comment ne pas tomber sous son charme ?
Laura Enjolvy
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