Après "Rebecca" (1940) et "Correspondant 17" (1940) Alfred Hitchcock accepte pour son troisième film hollywoodien un film de commande particulier, à savoir qu'il accepte pour la première et unique fois une véritable comédie, qui est avant tout un souhait de la star Carole Lombard qui est devenue une amie du réalisateur britannique et en profite un peu. À noter qu'en V.O. le film est "Mr. and Mrs. Smith", sans doute peut-on penser à un clin d'oeil pour un film éponyme plus musclé avec "Mr. & Mrs. Smith" (2005) de Doug Liman où Brad Pitt et Angelina Jolie tente de se séparer de façon moins singulière. Hitchcock est donc embarquée dans un genre qu'il n'a jamais abordé, la screwball comedy alors en vogue avec des succès comme "New-York-Miami" (1935) de Frank Capra, "L'Impossible Monsieur Bébé" (1938) de Howard Hawks, "Mon Epouse Favorite" (1940) de Garson Kanin ou encore "Indiscrétions" (1940) de George Cukor qui sont autant de variations autour du mariage. Pour le scénario, un spécialiste est à l'écriture avec Norman Krasna qui a signé déjà plusieurs films du genre avec notamment "La Femme la plus Riche du Monde" (1934) de William A. Seiter, "Sa Femme et sa Secrétaire" (1936) de Clarence Brown, "Mademoiselle et son Bébé" (1939) de Garson Kanin ou encore "La Belle Ensorceleuse" (1941) de René Clair. Si le film reçoit un accueil plutôt mitigé et qu'on ne reprendra plus Hitchcock dans ce genre, notons tout de même que le Red Book magazine déclara à l'époque que le film était la "comédie la plus hilarante et explosive de 1942" !...
Après trois années de mariage de bonheur avec Anne, David apprend que son mariage n'est en fait pas régulier. Il décide de taire ce problème à son épouse qui l'apprend tout de même. Dès lors, Anne lui en veut et oblige David à se racheter en lui faisant une cour assidue comme s'il n'avait jamais été marié... Evidemment, la mariée est incarnée par celle qui est alors l'épouse du King of Hollywood Clark Gable, la star Carole Lombard vue notamment dans "Un Mauvais Garçon" (1932) de Wesley Ruggles, "Train de Luxe" (1934) de Howard Hawks et "Le Lien Sacré" (1939) de John Cromwell avant de tourner son ultime film avec le chef d'oeuvre "To Be or Not To Be" (1942) de Ernst Lubitsh. Son époux est interprété par Robert Montgomery vu dans "La Divorcée" (1930) et "Piccadilly Jim" (1936) tous deux de Robert Z. Leonard, ou encore dans "Après la tempête" (1938) de Richard Thorpe et "La Proie du Mort" (1941) de W.S. Van Dyke, après lequel il retrouvera son partenaire Philip Merivale époux d'une certaine Gladys Cooper qui jouait dans "Rebecca" (1940) de Hitchcock. Citons ensuite deux habitués de la screwball, Jack Carson vu entre autre dans "L'Impossible Monsieur Bébé" et dans "Mr Smith au Sénat" (1939) de Frank Capra, puis Esther Dale vue dans "Cette Sacrée Vérité" (1937) de Leo McCarey et "Femmes" (1939) de George Cukor. Citons Gene Raymond vu dans "La Belle de Saïgon" (1932) de Victor Fleming et "La Dame en Rouge" (1935) de Robert Florey, puis enfin citons Charles Halton qui retrouve Hitchcock entre "Correspondant 17" (1940) et "Cinquième Colonne" (1942)... Un mariage consommé qui s'avère finalement illégal, ou du moins non officiel, est un thème récurrent au cinéma, mais sans doute pas à l'époque du film et encore moins aux Etats-Unis où la censure du Code Hays qui interdit aux couples illégitimes de partagés un même lit à l'écran !
Nul doute que ce pied de nez à la censure a dû beaucoup amusé Hitchcock ! Si une comédie de commande n'est sans doute pas d'un intérêt évident pour le réalisateur qui ne semble pas avoir voulu réellement prendre à son compte l'histoire même si on reconnaît plusieurs effets de mise en scène comme l'utilisation du travelling, et quelques idées savoureuses comme le pied sous la table qui suit le regard amoureux de la veille. Mais le vrai soucis reste sans doute le rythme, peu relevé avec des gags plutôt sages. Le film repose essentiellement sur la star Carole Lombard magnifiquement photographiée par Harry Stradling qui était sur "La Taverne de la Jamaïque" et qui retrouvera Hitchcock sur "Soupçons" (1941). Face à elle malheureusement, on ne peut que remarquer le manque de présence de son partenaire, Robert Montgomery n'ayant pas le charisme d'un Clark Gable. Les dialogues sont peu inspirés également, sans passages marquants. Sans être foncièrement mauvais cette petite comédie remplit le cahier des charges tout manquant un peu de tout. Finalement ça se regarde mais il y a trop peu de Hitchcock dans ce film pour nous séduire, et il y a trop peu de "screwball" pour convaincre à minima.
Note :
11/20