[CRITIQUE] : Madeleine Collins

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Antoine Barraud
Avec : Virginie Efira, Bruno Salomone, Quim Gutiérrez,...
Distributeur : Paname Distribution/UFO Distribution
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h47min
Synopsis :
Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil, avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile fait de mensonges, de secrets et d’allers-retours se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, l’escalade vertigineuse.


Critique :

Plongée captivante au coeur d'une belle boîte de Pandore, qui photographie avec sérieux et étrangeté les désirs contradictoires d'une femme complexe et purement Hitchcockienne, #MadeleineCollins déroute autant qu'il charme par sa singularité étonnante et - totalement - assumée. pic.twitter.com/D0HrnHFrCn

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 20, 2021

Impossible de ne pas penser un tant soit peu à Vertigo de Sir Alfred Hitchcock, à la vision de l'étonnant Madeleine Collins d'Antoine Barraud, dont le titre renvoie directement d'ailleurs, au personnage interprété par Kim Novak.
Maniant avec élégance et intelligence son suspense dans une sorte de thriller dramatico-psychologique en constante mutation, qui n'est pas sans rappeler parfois le cinéma imprévisible de François Ozon, le film suit la double vie de Judith Fauvet.
Si en France, elle est mariée au célèbre chef d'orchestre Melvil et mère de deux fils, en Suisse, ou elle se rend en prétendant voyager beaucoup pour son travail, elle se fait appeler Margot Soriano et vit avec Abdel et à également une fille.
Dans son quotidien aux différences bien distinctes (une vie de confort et de privilège en France, une vie domestique moins exigeante et plus modeste en Suisse), elle donne toujours l'impression d'être maîtresse d'une vie complexe et programmée de manière scrupuleusement stricte, puisque rien ne semble la déranger au point que toute situation potentiellement compromettante, se résout avec un menu mensonge (elle semble penser à tout, même couvrir un voyage inexistant avec une petite attention)...

Copyright Paname Distribution / UFO


Dès le départ (notamment une ouverture qui a tout de la pièce importante d'un puzzle, que le spectateur est intimé à résoudre au fil du récit), nous sommes pleinement conscients de l'ambiguïté qui règne dans la vie de la protagoniste, de son organisation perverse pour soutenir à flot ses deux vies et ses deux familles, entre divers mensonges et subterfuges.
Totalement et immédiatement vissé sur son point de vue et son approche caméléon de son existence complexe, nous suivons les atermoiements d'une femme dont tout son - double - monde semble irrésistiblement attiré par elle (ses époux, ses enfants et même des personnes qui ne sont qu'à peine proche d'elle, réclament son temps et sa présence), lui rendant de facto la tâche de plus en plus difficile.
Le propos du long-métrage est alors de dévoiler subtilement et progressivement non pas le comment, mais bien la raison de la supercherie ourdie par Judith/Margot, qui semble peu à peu de plus en plus enclin à croire à sa propre supercherie; une menteuse délirante et indéboulonnable dans sa volonté de faire face aux questions légitimes de ses proches, autant qu'elle peut être parfois frappée par des éclairs de conscience de soi qui la rendent encore plus vulnérable.
Plus le rythme et les révélations - souvent outrancières - s'accélèrent, plus son monde de tromperie s'effondre et l'on découvre même que certains étaient au courant de sa farce humaine, et de la vraie raison qui l'a conduite à cette double vie risquée.

Copyright Paname Distribution / UFO


Plongée captivante au coeur d'une belle boîte de Pandore, qui photographie avec sérieux et étrangeté les désirs contradictoires d'une femme complexe et purement Hitchcockienne, sans en faire une sainte et encore une victime impuissante de ses propres suggestions et fantasmes; Madeleine Collins déroute autant qu'il charme par sa singularité étonnante et - totalement - assumée, au sein d'une proposition hexagonale rarement aussi généreuse.
Il ne serait cependant rien sans la partition nuancée d'une Virginie Efira tout simplement impeccable, et à qui on commence enfin à donner des rôles à la mesure de son talent - il était temps.
Jonathan Chevrier